c'est seulement au petit matin que tous les lustres du lupanar, sinueux et un peu poussiéreux, s'éteignent. dans les couloirs, vagabonde la propriétaire guillerette qui s’enorgueillit du sommeil juste dont ses filles usées par l'effort profitent. les draps sont propres, sentent bon la lessive fraîchement faite. le craquement du parquet la poursuit comme une ombre, sonne son arrivée dans chacune des chambres où elle appose un oeil inquisiteur pour s'assurer que tout est à sa place - des meubles lourds et taillés à même le bois, dont des échardes s'échappent et blessent régulièrement, à la tendresse des demoiselles.

le regard de joséphine est animal, habité par une force nourricière, dénué de civilisation : c'est une mère sauvage et décomplexée, qui vole et tuerait pour ses petites. ses éclats de voix sont toujours malpolis car elle ne se courbe jamais, pas par force et courage mais par négligence des conventions ; c'est que son corps, mille fois bafoué d'après certains, temple d'inspiration des plus grands artistes du pays d'après elle (d'un art dont elle ne comprend pas les nuances, de la poésie à la peinture, tout lui est abstrait et dérisoire), ne convient pas à la douceur des conventions. elle est faite pour ployer, gratter, mordre, enfoncer ses ongles dans la terre et parcourir mille fois leurs corps. dans le simple but d'entasser les propriétés, les objets, l'argent, l'or, les beaux bijoux - nourrir les bouches profanes de ses jolies poupées dont elle prend grand soin, qu'elle maquille elle-même tous les matins si elle le peut, les chérir de robes dont elles devront toujours se dévêtir, et faire briller dans la crasse d'un lieu de passage.

joséphine se fiche bien des révérences tandis qu'elle entoure lascivement les cous des habitués, de la gloire et de l'amour s'ils n'apportent pas richesse et fortune. sa sensibilité est simple, tandis qu'elle s'allonge elle-même au travers de son lit et qu'elle ferme les yeux, en ne se souciant uniquement de la survie de son lendemain.