C’est avec un sourire éclatant qu’elle vous accueille près de sa roulotte. Sourire sincère et un calme affiché pour ne pas faire fuir les clients. Car Lucrecia n’arrive pas à se tenir et ne peut s’empêcher de parler, encore et toujours, alors son calme disparaît bien vite. Il faut dire qu’elle en voit des choses, avec ses voyages, et elle en a des choses intéressantes à raconter. Ou qu’il le serait si elle avait le moindre talent pour raconter ses péripéties. Mais son cerveau est en constante ébullition, ses mots s'entremêlent alors et ses histoires n’ont n’y queue ni tête. Elle a du mal à rester concentrée sur quelque chose, c’est certain. Son esprit vagabonde à droite à gauche, se pose sans cesse des questions. Mais c’est son système d’auto défense, continue de penser, continuer de rêver pour pouvoir oublier.

Car sous ses sourires chaleureux, la jeune femme porte déjà le deuil et la culpabilité. Une douleur qu’elle a du mal à effacer. Elle est sans cesse tiraillée par l’envie d’aider les gens et celle de provoquer leur fin. Car si son bonheur lui a été enlevé, pourquoi les autres auraient-ils la chance d’y goûter ? Elle n’a pourtant pas le courage de le faire elle-même, et produit juste ce qu’il faut pour que les autres le fasse à sa place, comme une manière de se déculpabiliser. Comme si sa bonne conscience lui interdisait au dernier moment de basculer de l’autre côté. Elle se transforme alors en funambule, caché derrière son masque, tentant de réprimer ses émotions.  

Et c’est quand elle se retrouve seule dans sa roulotte, sous la lumière des étoiles qu’elle laisse aller ses émotions et laisse couler ses larmes.