Éveillé à la magie ? Non.

Sang de batailles, chairs de noblesse – enfant né des cendres des guerriers tombés aux dermes qu'on a calcinés, Idriss comme un hymne aux guerres qu'on remporte au prix du sang qu'on écoule dans les rivières qui bordent les plaines où l'on se livre la mort sans merci. Idriss comme le môme qui s'éprend de la belle Antigone aux augures maudits – bras droit de Sa Majesté qui ne portait pas encore de couronne et frère d'âme et d'armes d'un Merlin qui n'avait d'enchanteur que leurs audaces communes. Ils n’étaient que trois enfants — trois enfants qui s’étaient un jour surpris à rêver grand ; a rêver de conquêtes et d’horizons.

Antigone, Antigone ; mon amie, ma sœur, ma mie, tu sais bien : tes désirs sont des ordres, ordonne, Antigone, et plus rien ne me retient. Il faudrait être idiot pour s'opposer à ton règne, Ma Reine – le tien commence demain, je te le promets, demain c'est toi qu'on appellera Majesté sur Briserune, et ceux qui s'y opposent, ceux qui saliront ton nom, Ma Reine, je les ferai moi-même tomber.

Piétinés, les territoires qu'ils firent leurs ; brisés, les os de ceux qui se firent ennemis à leurs idéaux. Les talons pressés sur les côtes de son destrier, la tête haute et la voix d'Antigone qui glissait jusqu'à lui par le vent, il s'était laissé porté, fou et libre par les chants de bataille et l'ivresse de la victoire qui avait consumé ses veines lorsqu'ils avaient conquis Briserune et puis Malronce – fait couler le sang d'autres nobles et d'autres fous au nom du leur. Démesure devint en silence leur pitoyable credo, leur comptine ridicule et – et personne ne vit comme la confiance dans les yeux du troisième des enfants doucement s'étiolait ; personne ne vit comme la blessure s'élargissait à mesure qu'on l'ignorait. Au matin du dernier jour, ne restait que la douleur assourdissante qui mis en sourdine le cœur d'Idriss – et la brûlure dans ses yeux, lorsqu'on le fit arrêter et qu'il croisa pour la dernière fois le regard de celui qui avait prétendu l'aimer pour le condamner.

Merlin, mon ami, mon frère ; de quelle passion t’es-tu épris, de quelle démence, de quelle folie, par quelle sorcellerie as-tu été manipulé pour qu’il te vienne à l’idée que j’eus pu ôter la vie à celle que nous aimions tous deux plus que de raison, celle dont le nom fut un autel à nos existences livrées à ses caprices et à ses ambitions ? Va, Merlin, je te pardonne – je te pardonne si tu l'as vraiment aimée, si...

La révolte le libère – c'est la voix du peuple qui le porte au-delà des grilles de la prison et des remparts de la citadelle. Lancé au galop sur les collines qui bordent Malronce, il ne s'attarde qu'une dernière fois pour se retourner tandis que les autres s'enfuient – ils sont des rebelles, des hors-la-loi ; ils sont ceux qu'on tuera si on les croise, les têtes qu'on voudra faire tomber. Il tend la bride pour admirer, dans l'aube naissante et les flammes allumées par leur fuite, la silhouette d'un royaume qui leur appartint autrefois. Les cris fusent et c'est leur sang qu'on réclame, alors il se fend d'un ultime rictus et presse sa monture, loin de Malronce et du tombeau de sa reine – loin, en direction des terres de Briserune ravagées d'où il vient ; loin, en direction des cendres de sa terre dont il est fait.

Merlin, Merlin, mon ami, dis-moi, pourquoi la nuit viennent à moi des murmures qui t'accusent ; Merlin, mon frère, dis-moi, pourquoi n'ai-je plus au cœur la force de croire en toi – Merlin, Merlin, dis-moi, ta folie était-elle plus grande encore que la nôtre, Merlin, dis-moi, dis-moi je t'en prie, qui l'a tuée, n'est-ce pas toi ?

Errance interminable – les heures sont grises et infinies. Les hommes murmurent et les guerriers grondent en silence. Idriss, au milieu d'eux, emprunte une couronne mal agencée, faite de verre et de sang – il s'improvise souverain d'un royaume de ruines, et dans son ombre la révolution enfle comme une rumeur brûlante. Ils portent encore aux lèvres le nom d'Antigone, de leur Reine tombée et de leur Chevalier défait – ils portent à l'âme le courage et la loyauté que leurs ascendances leur ont toujours enseignées. Doucement, à chaque souffle, Idriss s'éprend – de ce pouvoir qui s'enroule doucement autour de sa gorge et de la violence que ses poings répriment. C'est en silence, tous les soirs, qu'il lève les yeux en direction du ciel et des étoiles – et qu'il prie.

Antigone, Antigone, Ma Reine, je t'aperçois encore en songe ; Antigone, Ma Reine, puisses-tu me guider quand mon fer viendra venger ta mort et maculer ton blason d'un peu plus de sang, Antigone, Antigone, ton nom comme en prière, ta mémoire comme en sanctuaire, puisses-tu me montrer la marche à suivre quand à l'aurore je mènerai une nouvelle guerre en ton nom.

▬ Idriss, né dans une famille qui se revendique du sang Briserunien le plus pur de Valdore, est élevé dans les traditions les plus strictes de la contrée. Courage, honneur, force et loyauté sont les maîtres mots de son éducation.
▬ Il suit très tôt les traces de son père et s'engage dans l'armée de Briserune. Il y rencontre beaucoup des soldats qui lui sont encore loyaux aujourd'hui, mais surtout ses deux plus proches amis : Antigone et Merlin.
▬ Lui-même éduqué dans l'idée que la magie n'est rien de plus qu'une corruption abjecte qui conduirait les peuples au désastre et à la discorde, il s'oppose farouchement au pouvoir Briserunien : il se range sous les ordres d'Antigone aux côtés des forces armées qui les suivent dans leur bataille sanglante contre les Riegel.
▬ Nommé Chevalier par celle qui dérobe la couronne, aux côtés de Merlin, à présent Conseiller, Idriss épaule sans ciller sa Reine dans la bataille qui leur permettra d'accéder au trône de Malronce. Il n'éprouve aucun remord, et ne se laisse affaiblir par aucune hésitation. Il croit en les idéaux d'Antigone, qu'il partage et répand comme une parole d'Évangile : Sombrelune et l'Ordre des Mages doivent tomber.
▬ Alors qu'ils préparent leur prochaine conquête d'Ambrive, Antigone est assassinée. Idriss n'aura le droit à aucun procès, Merlin le fait emprisonner – Idriss, trahi et blessé, plongé dans l'incompréhension, refuse pourtant de baisser les armes.
▬ Son arrestation s'ébruite, et la mort de La Reine soulève le peuple qui lui était fidèle. Idriss est libéré lors de la révolte qui divise le royaume, et prend la tête de ceux qui demeurent loyaux au règne d'Antigone. Les survivants, menés par le Chevalier, fuient en direction de ce qui fut autrefois Briserune, et deviennent alors des hors-la-loi pourchassés.
▬ Idriss, fou de douleur, décide de l'employer toute entière à venger Sa Reine – il n'admet pas encore tout à fait que ses soupçons le poussent à condamner Merlin –, mais aussi, surtout, à finir l'oeuvre entamée par Antigone : si elle n'est plus là pour faire tomber Sombrelune et l'Ordre des Mages, alors c'est à lui que revient cette responsabilité. Suivi par les soldats qui ont déserté Malronce, il échafaude lentement le plan de la prochaine reconquête du royaume dont ils ont été déchus.