Éveillé à la magie ? Non.
Si particularité, expliquez comment il est entré en contact avec le Void : Elle avait 15 ans quand, lors d’une sortie intempestive, elle s’est retrouvée dans une brèche sans même s’en rendre compte. C’était la première fois que Miséricorde sortait de chez elle, et elle n’a pas compris tout de suite que cette expérience était loin d’être habituelle.

« Tu devrais t’estimer heureuse d’avoir un toit au dessus de ta tête et qu’on te serve le repas. »
« Montre davantage de reconnaissance, nous aurions pu nous débarrasser de toi à la naissance. »

Un accident. Une erreur. Un fardeau, un poids, une charge économique et affective. Un leitmotiv qui a rythmé ton enfance, dès l’âge où tu as été capable de comprendre les mots durs qu’avaient tes géniteurs et ta nourrice envers toi.

Issue d’une famille aisée à défaut d’être noble, tu aurais dû ne jamais manquer de rien. Pourtant, tu as grandi en mangeant les restes de repas du personnel de maison, en portant les haillons qu’on daignait te céder, et en dormant sous les combles avec pour ordre de ne pas faire un bruit sous peine d’être punie.

Tu n’étais qu’une ombre. C’était ta soeur, la vedette, la princesse, l’amour de ses parents. Chance, de son prénom, avait tout pour elle. Elle serait l'outil qui permettrait à sa famille d'accéder à un titre de noblesse. Belle, gracieuse, elle valait tout l'or du monde et épouserait sans doute un noblion écervelé en quête d'une épouse aussi idiote que lui. Et toi, en attendant que ça arrive, tu ramassais les miettes.

Tu as été élevée dans le secret ; ceux qui avaient connaissance de ton existence te croyaient affaiblie, malade. Le patriarche de la famille racontait à qui voulait l’entendre, les larmes aux yeux, que sa petite dernière n’avait pas toute sa tête, que tu souffrais de troubles qui t’empêchaient d’entrer dans la société. En réalité, tu étais très bien éduquée : tes parents avaient eu la décence de te payer un précepteur qui te martelait la tête d’idées de soumission, de rémission et de rédemption quand tu n’étudiais pas les sciences ou les lettres.

Miséricorde. Tu devais être désolée d’être venue au monde, mon coeur. Pour survivre. Mais peut-on survivre sainement, peut-on s’épanouir sans un seul geste tendre, en attendant désespérément que Papa et Maman se tournent vers soi avec un sourire et des bras grand ouverts ?
Peut-on vivre sans amour ?

Le dernier jour de la semaine, tu jeûnais et tu priais. Qui ou quoi, tu ne l’as jamais vraiment su ; tu t’exécutais simplement pour ne pas t’attirer les foudres de ta famille. C’était aussi l’occasion pour toi d’avoir la paix, en tête-à-tête avec tes pensées. Un jour, alors que tu avais 15 ans, tes parents et ta soeur sont sortis. Tu avais pour ordre de rester et de prier jusqu’à ce que tes mains soient crispées, jusqu’à ce que tes genoux te fassent mal.

Alors tu es sortie. Seul éclat de rébellion depuis le début de ta vie.

C’était terrifiant, le dehors. Encore plus quand, au détour d’un angle de rue, une brèche s’est présentée à toi ; disons plutôt que tu es tombée dedans, petite sotte. Tu n’as pas vraiment compris ce qu’il s’était passé, tout a été très bref. Quand tu as fait demi-tour pour la maison, un des commis de la cuisine te cherchait, sur ordre de la responsable de maison qui eut tôt fait d’avertir tes parents à leur retour.
Tu as reçu une correction musclée, bien sûr, mais rien qui n’effaça ton mal-être, ce sentiment d’être « autre ».

Quelques semaines plus tard, ton cauchemar commença, et tu n’as plus jamais manqué un jour de prière après ça. Tu étais un monstre, une bête. Dans ta rage aveugle, tu as blessé ta soeur, qui gardera à tout jamais une vilaine cicatrice sur la cuisse. Incapables de comprendre ce qu’il t’arrivait, tes parents ont décidé, dès le lendemain, de t’envoyer chez de lointains cousins en tant que bonne de maison. Ils furent avertis de la situation bien sûr, et ils n’acceptèrent que lorsque Monsieur et Madame les eut informés de ta bonne volonté, moyennant quelques pièces de monnaie.

Tu emménageas donc à la ferme. Ce n’était pas chez toi. On te regardait comme une pestiférée. Mais tu appris à soigner : les boeufs, les moutons, les poules aussi quelques fois, et les humains. Tu appris à reconnaître les plantes qui t’entouraient et leurs bienfaits. Tu appris à mettre bas divers animaux. Tu ne rechignais pas au travail ; en échange, une assiette t’attendait en cuisine le soir après le service. Bien sûr, tes parents continuaient de verser de l’argent à tes bienfaiteurs pour assurer la réparation de tes dégâts chaque mois.

Le quotidien s’est répété ainsi jusqu’à la veille de tes 20 ans. Machinalement, tu travaillais, tu mangeais, tu dormais, tu recommençais. Une fois par mois, tu passais la nuit dans la grange et n’en gardais aucun souvenir le lendemain, si ce n'est des traits tirés, une peau sale et couverte d'hématomes, une sensation de nausée et un goût métallique dans la bouche.

Le matin de ta majorité, tes maigres affaires étaient posées en bas de l’escalier. Tu étais congédiée sans un mot, sans un regard ; tu t’y attendais. Alors tu as pris la route, et tu parcours Belorge depuis quelques années maintenant. Déshéritée, désoeuvrée, esseulée. Oubliée par les tiens, si tant est que tu aies, un jour, appartenu à une quelconque communauté. Ton seul talent étant d’apprendre vite les choses, tu as tâché de t’exercer au maniement de l’épée (plutôt un bout de bois, en réalité). Il fallait te défendre, et si tu t’aggripais à ton bâton avec la rage du désespoir au début, tes gestes se sont faits peu à peu moins hésitants, plus sûrs. Tu gagnais en confiance, à défaut de gagner en amour.

Tu as beaucoup voyagé. Tu ne t’es jamais posée. Pas quand une malédiction pèse sur toi. Tu ne restais jamais plus de quelques lunes au même endroit. Quelqu’un finissait toujours par faire le rapprochement entre cette guérisseuse, une étrangère arrivée il y a quelques semaine, et la bête qui s’était mise à sévir dans les rues lors de chaque lune rouge, quelques semaines après. Quand tu ne quittais pas le village de ton propre chef, on te chassait à grands renforts de cris et de menaces, malgré tous les bienfaits que tu aies pu prodiguer au village et à ses habitants.

Tu es une nomade. Ecrasée par la tristesse, tu te noies un peu plus chaque jour dans ton chagrin. Incapable de comprendre ce qui te manque, ce qui te donne la sensation que tu n’es pas à ta place. Incapable de voir que tu as juste besoin d’amour.

Résumé: