Les chaises se tirant alors que chacun quittait sa place respective. Il n’était pas rare de voir les généraux de divisions se rassembler sous la gouvernance de leurs supérieurs afin de planifier les opérations à venir même en dehors d’un quelconque temps de guerre. Tu n’avais tardé à quitter la pièce alors qu’il était inutile de perdre trop de temps en des discussions vaseuses. Tu avais des hommes à mener pour le bien d’un peuple, d’une nation entière. Tu avais pris tes ordres, prêt à les appliquer là où tu n’avais à composer avec ce que l’on nommait une vie de famille ou toute autre chose proche en dehors de quelques divertissements.

Il y avait peut-être une chose qui te dérangeait quelque peu, une chose sur le bout de langue acide ou amère mais au goût déplaisant. Des paroles qu’il était nécessaire de partager et non pas forcement de hacher de par ton franc parlé qui n’avait pas pour but d’être assassin mais honnête. Tu avais donc entendu patiemment la concernée en dehors de la salle avec qui tu devais échanger quelques propos non pas acerbes mais des plus réels, des plus avérés.

Tu t’étais retourné vers la générale relativement jeune pour un tel poste qui se Caterna, un être d’une taille normale mais qui était capable de renfermer un si grand niveau nonchalance en ses traits. C’est en baissant la tête que tu pus porter ton regard vers le sien.

« - Voulez vous bien me suivre générale Caterna ? J’aimerai m’entretenir avec vous sur quelques points. »

Une main orientée vers le couloir lui invitant si elle le voulait à te suivre. Autant faire les choses bien et rapidement même s’il y avait quelque chose qui te dérangeait envers cette jeune femme, ce faciès éternellement figé qui empêchait de connaître le vrai fond de ses pensées. Tu avais pu constater qu’elle ne pratiquait pas la langue de bois au moins au travers de précédentes réunions entre généraux. Entre individus qui ne prenaient pas spécialement des pincettes…

« - Plus vite nous aurons débattu sur ce que je souhaite vous exposer plus vite nous pourrons retourner à nos occupations. »

Les pas se dirigeant en une direction alors que tu la savais à tes côtés, les divers autres généraux allant voguer à leurs occupations. Il était temps d’en venir au sujet qui t’avait poussé à la trainer à tes côtés dans la plus grande cordialité. Allais tu prendre des pincettes pour énoncer ce qui te traversait l’esprit ? Allais tu la ménager verbalement afin de garder une certaine entente amicale avec mademoiselle qui était ton égal.

« - Je préfère m’entretenir avec vous en tête à tête afin d’éviter tout mauvais spectacle auprès des autres généraux. Tout ce que je vais énoncer nous concerne nous deux simplement. »

Ton regard se portant sur elle, renfermée en son attitude, en chacun de ses gestes. Tu n’étais pas convaincu qu’être nommée à un tel poste si jeune était une bonne chose. Il y avait sans doute un manque d’expérience mais aussi un lourd fardeau, de lourdes charges à honorer pour la personne qui héritait de ce genre de postes. Qu’importe avait-elle eu une préparation ou non, était-elle capable d’endurer psychologiquement tout ce qu’un rang comme celui-ci impliquait…

« - Certains de mes gradés on fait remonter un cruel manque de discipline chez une poignée de vos hommes durant certains moments où nos divisions se sont côtoyées. »

Il y avait eu quelques problèmes en Briserune entre vos deux divisions, un manque d’humilité, une difficulté à respecter ceux avec qui ils ne partageaient le quotidien. Les soldats sont souvent des individus simples, non pas nécessairement dans le mauvais sens du terme mais il y avait des idiots, beaucoup d’idiots.

« - Je vous serais reconnaissable de prendre des mesures dans notre intérêt commun. Je sais que vous êtes jeune et peut être manquez vous un peu de pratique ou de méthodologie sur certains points alors je préfère vous avertir. »

« - Etes-vous toujours autant sur la défensive ? »

Une simple réponse qui quitta instantanément tes lèvres lorsqu’elle termina sa prise de parole alors que tu la décrivais avec un peu plus d’insistance. Ton regard trouvant aisément le chemin vers le sien et ne quittant point ce sentier.

« - Etes vous ainsi avec les autres généraux ? Avec votre oncle ou alors est-ce car un Briserune se permet de soulever des sujets vitaux pour la nation auprès de votre personne ? »

Tu n’étais pas quelqu’un d’acerbe, de mesquin mais plutôt d’incisif lorsque l’adversité se présentait qu’importe sa forme. Tu n’étais malgré tout jamais contre une petite joute verbale surtout quand il y avait un tant soit peu de répondant. Il y avait comme un soupçon de divertissement mêlé à l’appréciation des choses biens faites. Clarifier le tout, c’est ce que tu allais faire après t’être monté sans doute un peu trop offensif. Tu n’avais jamais été connu pour ta langue de bois même si tu n’étais à l’opposé des plus bourrus.

« - Il y a une différence entre insulter quelqu’un et lui proposer assistance chère générale Caterna. »

Mais tu ne comptais lui en tenir rigueur aussi bienveillant et ouvert pouvais tu être. La jeunesse avait toujours ce don de se sentir agressée face à ses ancêtres, face à l’âge même si cela n’était pas le cas de tous. Bien décidé et éventuellement subtile selon les points de vue, tu conclus ta prise de parole de par cette réplique aussi complaisante qu’assassine selon l’esprit de chacun.

« - Et vous avez-vous confiance en un ancien Briserune qui s’est hissé jusqu’à un poste comme le nôtre ? »

Il était commun de dire qu’à force de jouer avec le feu on s’y brûlait. Tu n’étais pas né en les terres des dompteurs de flammes, tu étais issu des dépourvus de la magie, des reniés de la création. Tu avais pourtant d’ores et déjà enlacé ta nouvelle vie, une vie de devoir auprès de Malronce, auprès de l’éternelle flamme.

Œuvrer pour le bien du royaume, vous marchiez au moins en la même direction sur ce point précis même si tu ne savais ce qu’elle entendait par royaume. Pour toi le royaume était le peuple et non pas nécessairement la couronne, comptait elle œuvrer pour un alliage de métaux et de pierres précieuses ou alors pour les individus qui faisaient vivre ces terres. Pourtant le moment n’était pas venu de lui poser une question par rapport à cette épineuse différence. Tu la sentais toute sauf enclin à coopérer, une vraie noble qui reflétait un aspect des plus… Coincés tel que toi tu le portais le long de ton corps. Belles paroles malgré tout froides laissant transparaître le moins de choses possibles. Il était possible de considérer cela comme une marque des fabriques des gens de votre rang.

Après un moment d’analyse concernant ses propos, ceci s’étant manifesté à travers un simple silence orné de vos bruits de pas comme accompagnement. Il y avait une de ses questions qui te paressait étrange mais non pas nécessairement difficile à expliquer.

« - Vous ne vous attendiez pas à ce que quelqu’un vous propose de l’aide en ce milieu de par la personne que vous êtes ? »

Elle était jeune et cela pouvait faire jaser tu lui accordais, son nom de famille n’arrangeant pas le tout. Tu ne pouvais comprendre cependant que des parasites souhaitent la voir tomber. Un royaume n’était autre qu’une immense fourmilière ou une magnifique ruche d’abeilles. Tout le monde y avait un rôle et le manquement d’un pouvait entraîner la chute d’autres en un fragile équilibre.

« - Je ne suis pas là pour rendre service plus à l’un ou l’autre mais pour rendre service à la royauté et surtout au peuple. L’armée même en ses plus hauts rangs n’est qu’un fragile équilibre de confiance envers son semblable. Si vous faillez à votre tâche en tant de guerre c’est mes hommes aussi qui seront en danger par exemple. »

La stratégie et tout ce qui y était lié, si des troupes ne réussissaient leurs tâches cela pouvait en compromettre d’autres. Tu n’étais pas là pour chercher des problèmes mais en balayer le plus possible.

« - Mais la vraie question c’est est ce que votre fierté ou orgueil vous empêche d’accepter de l’aide ? »

Tu avais pu entendre des rumeurs, tu l’avais déjà vue de par le passé sans pour autant réellement t’entretenir de façon prononcée avec elle. Il était coutume de dire que notre personnalité reflétait notre entourage et notre expérience, notre vécu. Silencieusement la façon de répondre de ton interlocutrice ne cessait de te conforter en un fait, le fait que sa vie n’avait pas été forcément des plus heureuses. Non pas qu’elle avait vécu peut-être d’affreux traumatismes mais peut être que sur le long terme on n’avait cessé de lui imposer une certaine pression. Elle était une Caterna, il devait y avoir des attentes de sa famille, des autres familles nobles. Tu connaissais tout cela non pas forcement de la même façon qu’elle mais en tant qu’ancien Briserune qui ne se cachait pas, tu savais qu’il y avait de grosses attentes te concernant.

« - Je vois, c’est tout à votre honneur. »

Une simple phrase pour lui faire comprendre que tu n’allais plus creuser concernant certaines questions que tu lui avais posées. Le silence valait acceptation dans certains cas, en le sien elle n’avait pas nié tes propos, elle avait juste détourné la question choisissant de faire la langue de bois.

« - Pour revenir sur la franchise je sais que c’est tantôt un peu, tantôt un mal. À Brave on me disait aussi honorable que têtu tel mon père. L’honnêteté étant liée à l’un de ces deux traits. »

Tu ne pouvais pas vraiment dire si elle avait fini par se montrer un peu moins froide qu’à l’accoutumé, une dernière réponse de ta part te satisfaisant. Tu n’avais plus grand-chose à lui chercher, plus grand-chose qui serait susceptible de la déranger, du moins tu le supposais.

« - Si jamais vous avez besoin d’aide ou de soutien pour une quelconque chose qui serait dans mes cordes n’hésitez pas. »

Tu ne savais pas comment elle allait prendre ça, allait elle percevoir ceci comme un affront, une pique à son orgueil ou au moins comprendre, un peu plus cerner ton caractère. Tu lui tendais la main au travers de ces paroles, à voir si elle allait l’empoigner de façon crispée, douteuse ou autres…