On rit à la malice de Clovis, donne un coup de coude amical quand un grand sourire ne quitte pas les lèvres.
C’est que Selena est bien contente de fuir Malronce avec Clovis, le temps d’une aventure.

Et quand Clovis la met au défi, elle ne peut que s’élancer agilement sur sa monture et un sourire carnassier aux lèvres, partir au galop.

– Je n’aurais aucune pitié Clovis, tu vas payer mon verre !


Si à Zéphyr, la garde resta garde, à Saintecure, il en est tout autre. Elle affiche un grand sourire, passe un bras sur les épaules de son ami et l’écoute attentivement. Contrairement au temps passé à chevaucher où la tête vogua bien ailleurs, loin, par delà les terres qu’ils traversaient.
Alors le sourire se fait un peu navré de ne rien avoir écouté. Selena rit, tend bien l’oreille cette fois-ci.

– J’ai pas dû prêter attention à ce que tu me disais, tu sais qu’à cheval, je suis un peu indisciplinée. Mais tout ça nous apporterait beaucoup oui, c’est sûr qu’on pourrait avoir des informations très intéressantes..

Réflexion, le regard, un instant se fait pensif. Si on n’aime point l’Ordre par égo, Selena croit très bien aux recherches qu’ils effectuent. Eux et la Sphère. Alors elle sourit, hoche la tête de contentement.

– Si tu le veux bien, j’aimerais bien être tenue au courant aussi. Histoire de ne pas rester dans l’ignorance. Et puis de ce que tu m’as dit de ces incidents.. On peut dire que tout ça est louche, ça m’inquiète un peu.

Nouveau sourire, Selena pousse la porte de l’auberge et jette un clin d’oeil à l’ami, toujours aussi légère. Il faut bien que la jeune femme apporte un peu de joie à cet ami qui a trop vécu déjà.

– On en parle autour du verre que tu me dois ? Et puis même si tu ne veux pas m'en parler, ça fait longtemps qu'on ne s'est pas épanchés l'un et l'autre, non ?

Toujours, elle propose légèrement que comme des enfants, ils partagent des confidences.

On sourit quand Clovis lui tapote la tête, apprécie le rire qu’on réussit à lui faire naître. Oh, c’est qu’elle est bien un mollusque accroché à son rocher, qu’importe la volonté que l’inverse soit la vérité.
Selena hoche simplement la tête à ses mots, consciente des difficultés de Clovis avec ce manque de liberté. Mais quand il finit de s’occuper des chevaux, elle sourit, glisse quelques mots légers pourtant lourds de sens.

– Si tu veux t’évader un peu plus longtemps, je peux lui envoyer un pigeon signalant un petit retard dans notre retour. .. Tu vas bientôt prendre tes responsabilités, non..?

Un dernier instant de liberté, c’est ce que Selena propose. Car toujours, c’est le bonheur de l’ami qu’on essaye de faire. Car toujours, elle sait très bien le poids qui pèse sur les épaules. Mais elle balaie vite les pensées sérieuses, balaie vite tout ça d’un geste de la main avant de reprendre son sourire habituel, un rictus qui tire un côté de la bouche peinte alors qu’elle avance et écoute Clovis.

– Je vois… Il faut dire que le Gouffre est bien mystérieux.. J’ai entendu quelques rumeurs moi aussi. Rien de très concret, mais de quoi éveiller ma curiosité, je t’avoues.

On marche d’un pas léger à ses côtés, pourtant le regard guette, le regard s’assure une sécurité qui semble pourtant évidente à Grandvent (n’est-ce pas la terre la plus sûre de Valdore après tout ?) avec une main sur le pommeau de l’épée, toujours. Qu’importe les vêtements de civile, Selena reste à l’affût quand elle écoute Clovis en découvrant les lieux.

Saintecure est une bien belle ville que Selena n’a pas la joie de connaître. Alors à chaque pas, elle découvre et il est évident que les lieux abritent le savoir, ça se sent dans l’air. Et c’est un plaisir de découvrir cet endroit avec son meilleur ami.

Mais. Il y a un mais.

Les mots de Clovis tendent Selena. Car bien sûr. Evidemment, qu’on pense à Antigone. Et le rire sonne faux quand elle parle.

– De simples rumeurs fantasques, oui. Les morts restent morts, c’est impossible. Mais il doit bien y avoir quelques mystères qui expliquent ses rumeurs.

Tout mais pas la venue des fantômes. Plus jamais Antigone, plus jamais.

La moue moqueuse est partagée quand Clovis stoppe ses mots. Elle a les yeux qui pétillent, Selena, quand ils échangent ce regard. Et qu’importe qu’elle veuille répondre, son roi la bouscule en venant si proche, une proximité trop frontale qui la surprend et la fait perdre ses mots un instant.

Et le nez se fronce quand on parle de l’oncle, Clovis sait où viser. Toujours. Sait-il que cette proximité, même si courte, fait bondir le coeur hors de la poitrine ? Sait-il quand elle-même n’est pas capable d’appréhender ces sentiments ? Selena ne le sait pas, mais ce qu’elle sait, c’est que Clovis sait très bien l’impact d’Asharim sur elle. Alors elle soupire, sourit d’un air peiné à son meilleur ami.


– Je le sais très bien, Clovis. Je voudrais juste pouvoir t’offrir encore un peu de répit.

Il est difficile de garder le regard ancré dans celui de Clovis quand on se fait instigatrice de jeux enfantins. Soupire à nouveau, Selena porte une main à cette joue qu’elle connaît si bien, fugacement avant de tourner les talons.

– Mais je comprends et respecte ton sens des responsabilités. Tes désirs sont mes ordres. Alors nous rentrerons en temps et en heure.

En vérité, Selena a peur. Elle aimerait rester à Grandvent éternellement, sans le poids de la couronne, sans la peur de voir Clovis glisser dans la peau de quelqu’un qui n’est pas celui qu’elle a connu tant de temps. Elle a peur de le voir se perdre simplement dans un costume qui ne lui convient pas et que seul le destin lui a fait enfiler.

Mais elle n’en dit rien. Car là n’est pas le moment. Pour l’instant, elle s’élance dans la rue avec le regard vif de la protectrice, serre la main de Clovis quand elle voit la tension sur ses traits.

– Ca ira. Allez, on va boire ce verre avant d’aller à la Sphère. Ca nous fera du bien.

Encore, Selena n’attend point de réponse, prend la main et ouvre la porte d’une taverne pour s’y glisser.

On sourit au tavernier, lève deux doigts en criant “deux chopes de votre meilleur bière s’il vous plaît” et s’assied au comptoir avec Clovis.

Le visage posé sur la main, elle le jauge du regard, a ce sourire doux quand elle parle.

– Ca me fait plaisir qu’on puisse partager ce dernier voyage, tu sais.

La sincérité et la tendresse sur les lèvres.