Espérance, quelle ironie délicieuse dans les sonorités chaleureuses de ce prénom. Espérance comme une ode et un appel à cette petite chose rouge qui était sortie de l’antre maternel. Mais Léonor n’est pas Espérance, cette vertu qui se drape de blanc et d’or dans cette passivité immolée qu’on contemple avec envie et respect. Léonor vit dans la plus ordinaire des conceptions,empreinte du mouvement perpétuel vers l’existence la plus pure. Léonor respire et rit, pleure et dort sans jamais faillir à insuffler dans les moindres de ses actions, le caprice existentiel.

De ses mains naissent et meurent sans distinctions aucunes des rêves ou des cauchemars, les horreurs ne sont que l’ombre des splendeurs. Ainsi Léonor s’adonne à des passions sans nuance ni jugement, sans que jamais ses yeux ne se troublent de la moindre censure. Elle ne revendique rien si ce n’est son droit d’essayer et de se tromper pour trouver ce qu’elle désire être. Léonor prend sans excuses mais la malice enjolive ses traits quand elle est prise à être égoïste ou trompeuse. Petit diablotin armé de boucles d’or, ce n’est pas les charmes qui lui manquent.

Léonor est l’enfant candide comme l’amie tendre des heures sombres, une pincée de bouffonnerie cachée dans ses manières anoblies par l’art des gouverneurs. Sa gentillesse s’habille des voiles de moqueries et d'irrévérence pour le simple plaisir de provoquer réaction.  Son amour pour l’humanité est l’un de ceux qu’on attend chez les saintes et qui devraient se manifester par des sermons et des rituels. Léonor n’est pas ainsi et elle ne le sera jamais, son dégoût des noblesses l’en empêche. Elle n’est pas sacrificielle ni grandiose, elle aime comme elle s’égaye, avec la profonde simplicité des gens heureux.

Si jamais son chemin doit être pavé des répugnantes vérités de la vie, alors Léonor acceptera sans détourner les yeux. Si jamais elle doit détourner le dos au monde, elle le fera avec la grâce qu’elle connaît si bien. Léonor chérit ces hommes si étranges et ambivalents mais son être aspire à trouver cette quintessence. Léonor est une Artiste avant d’être une femme, avant d’être une créature de Maison-Dieu. Supportant sans amertume le sacerdoce le plus bas, souillant ses mains pour servir, Léonor ne possède aucune fierté dans ces moments banals.

Ses mains abîmées par le balai sont les petites fées adorées qui l’aident à transmettre toute la beauté du monde sur ces toiles, ces livres, des morceaux de bois et ces instruments. Ses yeux qui ont supporté mort et trahison sont ceux qui donnent à l’âme les morceaux de la divine beauté engendrée par la juxtaposition de couleurs et de formes. Cette soif qui fut décriée par sa famille comme démoniaque et dangereuse, a été celle qui a donné à son petit cœur une raison de continuer de battre aussi vivement. Tandis qu’elle lit et qu’elle contemple ce que l’humain peut créer de plus merveilleux, elle est transfigurée. Léonor est éblouissante sans beauté, emplie de cette passion qui anime chaque jour un peu plus ses entrailles.

Une âme rare, un génie unique et une vie qui ne dessine qu’à travers les desideratas.
Une rébellion éternelle contre l’ordre des choses.
Léonor, Espérance
Un cycle infini jusqu’à atteindre la vapeur même de ce qui donne à notre vie
un sens aussi fabuleux.