Claire avait pu partir de Saintecure après s'être totalement remise de ses blessures. Elle avait hésité, à vrai dire, à retourner à Ambrive, pour écumer le pays à la recherche de son frère ; mais finalement, peut-être était-ce plus intéressant de rester à Grandvent
(autant rentabiliser le temps qu'on passe là-bas)

Alors elle avait pris ses affaires, et après être resté encore quelques temps à Saintecure, elle s'était finalement dirigée vers la capitale Grandventeuse : elle se disait qu'elle trouverait plus facilement des informations ─ et des clients. Elle s'était donc installée dans une auberge non loin des commerces, comme à son habitude, prenant le temps de dévorer du regard les paysages aussi beaux que le racontaient les on-dit
finalement, elle ne regrettait pas sa venue quelque peu forcée dans ce royaume
se mettant à rêver d'une vie paisible ici
peut-être voyageant entre Grandvent et Ambrive
avec son frère qu'elle aurait retrouvé entre temps.

En ce jour, les clients étaient plutôt nombreux, et son stock s'écoulait à bon rythme ─ peut-être même devrait-elle rester quelques jours supplémentaires pour le refaire ; ses économies s'agrandissaient, et peut-être qu'elle aurait bientôt de quoi acheter quelque chose pour faciliter ses déplacements. Et puis, peut-être qu'Ametsa, qui était non loin, dormant dans les ombres rassurantes des bâtiments, apprécierait de se reposer sans avoir à faire de pause pendant les trajets.

Et soudain, c'est la tempête Asaël qui vint balayer toutes ses pensées ; elle sourit à la vue de ce client plutôt régulier, qui ne manquait jamais de lui rendre visite lorsqu'ils se croisaient. Au-delà de ça, il va sans dire que voir une tête connue au milieu de tous ces visages sans nom avait quelque chose de rassurant.

▬ « Il n'y a pas de mal à acheter de nouveaux bijoux, tu sais », lui répondit-elle, amusée à la vue de ses poignets chargés.

Ce n'était sûrement pas elle qui allait lui dire de se modérer dans le port d'accessoires divers. Elle avisa ses marchandises un court instant : à vrai dire, les pièces qu'elle proposait changeait assez régulièrement, en fonction de ce qui s'écoulait ou non.

▬ « Je pense qu'un bracelet de cheville pourrait bien t'aller, en plus de changer un peu. Et puis, ça pourra apporter quelques atouts pour ton travail, non ? Je dois en avoir quelques-uns, normalement. »

Car elle savait qu'il était un artiste itinérant, sans réellement en savoir davantage ─ et cela ne semblait pas réellement l’incommoder.

▬ « Qu'est-ce que tu deviens, depuis notre dernière rencontre ? »

Car il fallait dire qu'avec les événements récents, il avait été difficile pour elle de revoir des têtes connues.

Les lèvres de Claire s'étirent et agrandissent le sourire qu'elle avait déjà. Sa comparaison quelque peu surprenant la fait rire, se demandant s'il considérait aussi peu la totalité de ses clients ou s'il y avait une nuance qu'elle n'avait pas saisi dans ses dires.

▬ « C'est une drôle de manière de considérer ses clients », fit-elle remarquer, amusée.

Son sourire s'efface à la mention de cette soirée de fête qui s'était transformée en cauchemar. Ah, ça n'avait été facile pour personne, il est vrai
mais ça l'était bien moins lorsqu'on avait vécu de près le cauchemar
Mais bien vite ─ et pour son plus grand bonheur ─, le sujet changea, et Claire l'écouta raconter les dernières nouvelles qu'il apportait, retrouvant alors son sourire ; elle fouillait aussi dans ses marchandises dans le même temps, cherchant ce qui pourrait plaire à l'acrobate, riant légèrement à la mention des étranges objets soi-disant enchantées.

▬ « Ça n'a été facile pour personne, mais les affaires reprennent petit à petit. ces histoires de briques enchantées sont louches, tout de même, tu n'en a pas acheté une, j'espère ? » Et soudain, elle trouve. « Oh, j'ai ceci si tu veux ! »

Elle lui montre les quelques bracelets de cheville qu'elle était parvenue à trouver parmi le désordre de ses bijoux. Et soudain, il lui retourne la question, et Claire ne sait que dire. Elle aurait aimé lui dire que tout allait bien, que les affaires allaient bien, que le moral était au beau fixe, mais... ce serait mentir ; parce que Claire, elle avait encore trop de questions, trop d'inquiétudes, mais elle ne savait pas à qui les confier.

▬ « Les rumeurs à propos de la fête de la magie ? Il y en a beaucoup, tu sais... Mais ça peut aller mieux pour moi, on va dire. »

Devait-elle lui en parler ?
Lui dire qu'elle y avait été, à cette fête qui n'en avait que le nom ?
De cette créature aux saphirs étincelant dans le noir ?
De cette angoisse qui ne l'avait pas quittée et qui ne la quittait plus ?
Qu'elle y avait été blessée, même, au risque de l'inquiéter ?
Elle ne savait pas. Alors elle attend la suite de la conversation, ses réactions, pour, peut-être, lui révéler et éclaircir quelques zones d'ombres

(éclairer les ténèbres pour mieux en entourer le mystère de ses brumes)

Claire soupire à la réponse, d'Asaël, amusée ; évidemment, qu'il allait en acheter une, malgré l'arnaque évidente. Elle lui sourit simplement lorsqu'il suggère la véritable nature de l'enchantement de ladite brique
(il est vrai qu'un simple objet obtient vite des pouvoir magiques lorsqu'il s'agit de défense personnelle)

Mais le sujet dérive et les voilà partis sur le sujet de cette journée maudite ─ et les pertes qu'elle a engendré dans son sillage. Et à ses mots Claire ne peut que prendre conscience de la chance qu'elle a d'être encore en vie
(de ne pas avoir été tuée par cette chose
d'avoir eu des compagnons d'infortune suffisamment compétents pour se débarrasser de cette créature
dont l'image était à jamais gravée dans son esprit)

▬ « Oh... Je... Je suis désolée, mes condoléances. »

S'excuse platement d'avoir ravivé d'aussi mauvais souvenirs
(et soudain se demande si Asaël aussi avait été acteur de cette soirée comme elle l'avait été)
Et veut lui en parler mais hésite, aussi, pour se libérer du poids de ce souvenir
(mais au fond sens qu'elle n'est pas encore prête à en parler alors elle se tait simplement)

Et finalement de ses mots et de ses gestes il efface cette conversation maussade pour essayer un des bijoux ; Claire hoche simplement la tête pour lui en donner l'autorisation ─ mais aurait pu s'en dispenser car Asaël n'attend pas son autorisation pour en habiller sa cheville.

▬ « Il te va super bien ! Oh, tu devrais essayer ceux-là ! » lui suggère-t-elle en lui tendant d'autres bijoux.

Car elle connaît son amour pour les bijoux et elle se doutait bien que jamais il ne repartira les mains vides
(Claire est une bonne amie mais elle est aussi marchande
et malgré tout elle ne l'oublie pas)