Elle avait toujours eu ce sommeil léger depuis l’enfance. Ses nuits s’agrémentaient de différentes durées tout aussi courtes les unes des autres, car le moindre bruit avait le malheur de la sortie de son coma nocturne. Bien heureusement, Elizabeth n’avait jamais besoin de beaucoup d’heure de sommeil, elle savait rester active et n’était de toute façon, jamais très souvent fatiguée, du moins, tant qu’elle n’était pas réveillée à multiple reprise lors de ses courtes nuits. Pourtant, c’était la seconde fois aujourd’hui que son cerveau réagissait, le premier venant d’un bruit extérieur, le second n’était que le grincement de sa porte de chambre.

« Huummm… »

Alors elle s’exprime, ou plutôt, tente la parole lorsque seul un semblant de grognement s’échappe. Mais tandis que ses mots restent silencieux, son corps, lui, agit d’un coup de bras presque machinal qui soulève légèrement sa couverture tandis qu’elle tente de s’enfoncer –non sans difficulté- au fond de son lit pour qu’une seconde place puisse prendre forme. Un geste qui, presque habituel mais surtout, normal aux yeux d’Elizabeth qui reste clos dans la totalité de l’acte. L’esprit embrumé, qui au fond, n’a pas envie de rester éveillé même si sa conscience est, elle, belle et bien active.  

« Tu as encore fais un cauchemar ? »

La voix cassée d’une personne qui venait d’être tirée de son sommeil, mais qui n’avait bien aucune difficulté à agir comme le ferait une grande sœur aimante. Et le bras toujours élevé qui attend l’arrivée du galopin, alors pour finalement s’exprimer dans la noirceur totale de sa chambre, l’autre main vient tapoter son lit pour signifier qu’il y était invité.

Elle reste là, complètement amorphe sur son lit. Ecrasée par le réveil, le bras qui se fait lourd dans sa hauteur. N’ayant qu’une envie, finalement, qu’il se hâte de la rejoindre dans son lieu d’habituel sommeil. Le matelas qui s’efface avec une pression nouvelle, le jeune frère qui s’installe tout près d’elle. Alors, son bras fini par tomber sur son corps, l’agrippant dans ses bras. Une marque d’affection pour lui faire oublier, la chaleur de sa personne pour lui faire comprendre qu’il n’est pas seul. Que sa grande sœur est là, tout près de lui, prête à lui faire oublier ses mauvais rêves. Et alors, que sa main tâte le vide à la recherche de sa chevelure blonde pour quelques caresses réconfortantes.

L’esprit toujours embrumé, les yeux toujours clos. Qu’Elizabeth ne souhaite pas se réveiller totalement car demain serait une journée particulière rude dans son entraînement à l’épée. Sa seule charge mentale était de s’occuper le garçon qui partageait son sang, le garçon qui lui avait prit beaucoup depuis sa naissance.

« Raconte-moi. »

Légère, neutre, sans la moindre arrière-pensée. Il était difficile d’oublier lorsqu’on évoquait la source du mal, mais il était nécessaire de comprendre que tout cela n’était que de sombres pensées inexistantes pour être capable de passer à autre chose. Un simple cauchemar Ambrose, rien de plus.

Elle n’attend pas très longtemps avant qu’il ne se livre à elle. Des mots durs. Si ses yeux n’étaient pas clos, sans doute les auraient-elle levés au ciel. Il était bien impensable pour Elizabeth que des mauvais mots puissent venir ternir ses nuits. Après tout, comment pouvait-on espérer s’affaiblir aux propos d’autrui lorsqu’on était dédié à rejoindre l’armée et à protéger un pays tout entier. Plus encore, un peuple qui parfois, n’accepte pas les décisions de ces protecteurs. Et, Ambrose était tout autant dans la même situation d’elle, une faiblesse d’esprit en somme, dont elle n’espérait ô grand jamais être victime.

« Ce ne sont que des mots. »

Qu’elle souffle légèrement pour tenter de lui faire comprendre. Sa main toujours présente dans sa chevelure.

« Et je suis certaine que tu n’en méritais aucun. »

Un garçon si gentil et si doux comme Ambrose ne pouvait pas mériter de mauvaises paroles. Du moins, si celle-ci était sincère, car évidemment l’être humain cherche toujours à maudire ce qui est appréciable pour autrui. Et alors, malgré l’obscurité de la pièce un sourire s’étire sur son visage. Sourire qui s’affiche face à lui mais disparaîtra dans un futur éloigné.

« De toute façon si quelqu’un venait à mal te parler, je lui ferais regretter aussitôt. »

Comme une grande sœur bienveillante qu’elle tendait à devenir malgré tout. Lui qui était déjà surprotégé par leur parent, lui qui n’avait au fond aucun problème tant la famille était à ses côtés pour le moindre de ses petits problèmes.

« C’est évident que tu pourras toujours compter sur moi. »

Qu'elle le pensait, sincèrement, à cet instant précis.

Elizabeth s’imagine que c’était suffisant, parce que ça l’aurait été avec elle dans une situation sans doute similaire. Bien que jamais elle n’en aura confirmation, car personne ne serait auprès d’elle le jour où elle se rendra compte de ses controverses.

« Qu’avais-tu fait dans ce cas ? »

Certaines personnes disaient que les rêves reflétaient l’inconscience. Elizabeth n’était pas vraiment dans la suite de cette théorie, et pourtant face à Ambrose, c’était quelques choses qu’elle était capable d’accepter pour quelques minutes, tout au plus.

« Qu’aurais-tu fait de mal ? »

Lui qui était bien irréprochable en tout point. Lui dont seule la mauvaise foi pouvait accompagner des paroles dures et méchantes. Pourtant, l’inconscience de sa sœur qui pourrait ternir cette bonne volonté. La perfection était surfaite, inexistante. Car aucun être humain ne l’était. Il ne faisait aucun doute qu’Ambrose était bon, mais parfait. Seul le regard des parents Egan pouvait affirmer cette réalité.

« Tu es fort aussi. »

A sa façon, sans doute. Mais cette fois-ci, elle ne savait pas d’où son frère pouvait puiser une éventuelle force. Lorsqu’elle le regardait attentivement en pleine journée, il semblait assez maladroit. Effacée, une incompression du pourquoi les parents chantaient ses louanges à longueur de journée.

« Hum. »

Qu’elle vient acquiescer machinalement la tête, frottant sa peau sur son traversin.

« Comme tout le monde. »

Bien qu’en général, elle les acceptait simplement. Du moins, Elizabeth était incapable de s’en défaire et rester là, jusqu’à la fin. Car seule sa propre mort était capable d’y mettre fin. Et elle n’y en était pas encore arrivée.

« Il m’arrive même d’avoir peur, parfois. »

Parce que oui, Elizabeth Egan était comme toute femme de ce monde. Malgré ce qu'elle laissait transparaître.

« On l’est tous à sa façon. »

Personne n’est identique. Chaque être humain est différent, car telle est la façon dont la Maison-Dieu à créé son monde. Il n’y aurait d’ailleurs aucun intérêt si tout chacun possédait d’une force identique, comme de pâle copie qui vivraient en désharmonie. Et Elizabeth aimerait le questionner sur la personne qu’il suppose avoir blessé. Elle n’arrive pas à concevoir qu’Ambrose puisse en venir à causer du tord à quelqu’un. Mais, sa curiosité à l’égard de son petit frère le pousse à savoir, si ses rêves s’apprêtent à sa réalité.

Est-ce qu’il vit dans une peur quelconque, dans un sentiment incertain. Est-ce qu’il en vient à ce souvenir de cette personne supposément blessée au travers de ses songes. Mais toutes cette discussion est évidement détournée, après tout, n’était-il pas venu dans cette chambre pour se changer les idées ? Alors, Elizabeth le serre un peu plus dans ses bras, avec force. Une étreinte sincère qui cherche indirectement à faire taire cette indiscrétion ordinaire envers une grande sœur dont l’existence perdure depuis plus longtemps.

« Que tu t’éloignes de moi. »

Ce n’était bien jamais arrivée. En vérité, elle espérait par moment qu’ils ne soient pas si collés. L’espoir peut-être que de cette façon, ils ne seraient pas continuellement comparés alors qu’il n’y en avait aucune raison. Mais, malgré tout, des sentiments qui existaient sincèrement dans un cœur de grande sœur.

« J’imagine que tout fini mal à cause de moi. »

Que sa patrie disparaisse, que le nom de Egan de survive pas. Qu’elle perde les personnes à qui elle tien sincèrement, Azazel, ses parents et même toi, Ambrose. Car même si elle apprécierait se semblant de liberté, elle ne souhaite en aucun cas t’abandonner.

« Je fais tout pour que ça ne se produise pas, et je n’ai aucune raison d’être hanté par des rêves nocturnes. »

Car c’était un monde différent de la réalité.

Elle souffle du nez pendant un court instant, Elizabeth savait qu’au fils des années, grands nombres de fratrie s’éloignait légèrement. C’était un flot de discussion qu’elle avait écouté d’une oreille indiscrète depuis qu’elle avait rejoint l’entraînement de l’armée.

« Même quand on sera marié ? »

Et qu’ils auront des enfants. Un cycle de vie qui pourrait lui paraître évident alors qu’elle n’est âgée que d’une quinzaine d’année. Elle qui tend à devenir un soldat d’exception et lorsque sa position sera acceptable, elle espérait fonder sa propre famille. Une histoire similaire à celle de ses parents, bien que si le nombre se présente, elle les traiterait tous au même niveau. Sans mettre quiconque en avant, même si dans les faits, il aurait pu le mériter.

« Evidemment. »

Qu’elle vient acquiescer à demi-mot. Elizabeth n’était pas le genre de personne qui n’acceptait jamais ses torts, qui refusait de croire qu’elle était en faute. Non, bien au contraire. Même si elle ne voulait pas en arriver là, lorsqu’elle était la source des maux, elle l’acceptait en silence. Tout simplement.

« Je n’ai pas de potion de prévenance malheureusement. »

Comme on pourrait s’en douter, sa voix qui se berce d’une mélancolie remplie de fatigue. L’inévitable ne peut être prévenu, il ne peut pas être contourné non plus. Mais il n’avait que treize ans, cela pouvait presque lui paraître évident qu’il en vienne à se morfondre dans ses chimères. Après tout, elle aussi, il y a quelques années, elle n’avait aucune réelle raison de se tordre l’esprit, alors il arrive qu’on s’invente des maux. Ou bien, qu’on agrandisse la seule chose qui nous vienne à l’esprit.

« Peut-être qu’avec le temps, tout sera réglé. »

Ou tout ne sera que fatalité.

Une dernière caresse dans sa chevelure pour que sa main finisse par l'abandonner.

« Mais tout va bien se passer. »

Parce qu'il ne servait à rien de se morfondre encore et encore de ses songes. La nuit était en générale porteuse de conseil, mais pour d'autre reflétait une douleur dissimulée. Mais entre ces deux faits, une infime barrière qui rendait incapable la distinction.

« Et je ne sais pas pourquoi tu penses être seul. Mère et père se feront une joie de t'écouter si tu es plus enclin à leur expliquer. »

Tout comme elle était à l'écoute de ses peurs, mais de toute évidence son petit frère n'était pas capable de s'ouvrir pleinement à elle.

« Essaye de penser à demain. »

Réfléchir à ce qu'il pourrait faire une fois réveillé, une fois que ses mauvais rêves seront bien loin. Faire travailler son esprit pour ne pas être, une fois encore, happé dans la pénombre d'une nuit.

« Une dure journée nous attends. »

Et elle se rapproche de lui une dernière fois, détruisant le moindre centimètre de vide qui existait encore. La tête qu'elle bouge légèrement pour retrouver une bonne position. Ce n'était peu être pas son cas, mais Elizabeth était prête à retourner au pays des rêves. Car de toute façon, cela ne servait à rien de tourner en rond.

« Je resterais éveillée jusqu'à ce que tu t'endormes. »

Et elle ne bougerais pas même lorsqu'elle se réveillerait avant lui.