Croiser ton regard avait été une exécrable surprise, ton silence un délicieux amusement. Croiser ton regard, ça avait été une caresse pour l’ego, Nyx. Tu l’avais reconnu, tu avais vu les changements. Le garçon d’autrefois qu’on habillait pour séduire une cour d'aristocrates fiers à en crever de leur puissance et de leur suprématie. L’homme qu’on habille aujourd’hui pour provoquer une cour d'aristocrates blessés dans leur ego. Parce qu'aujourd’hui est le jour du couronnement de Clovis et aussi sa première sortie officielle. La blessure reçue pendant la fête de la magie est en bonne voie de guérison, mais encore douloureuse. Mais qu’importe, il était là, il serait là tout le jour durant. Et il avait demandé une tenue à la hauteur de l’événement. Une tenue pour se montrer, une tenue pour subjuguer. Une tenue qui dit que l'héritier des Riegel était en vie et que la roue du changement était bel et bien en marche, que la cour de Sa Majesté le veuille ou non. Le couronnement de Clovis serait le premier pas vers le changement.

Et il avait vu dans ton regard la dualité. La haine de sa personne mais la passion pour sa proposition. Il avait vu Nyx, et depuis des heures qu’on garde le silence il s’amuse de te voir tourner autour de lui, fuir le regard, comme-si tu craignais qu’il ne prononce à voix haute le nom par lequel on t’appelait autrefois.

Et pourquoi pas, après tout ?

— Vos épaules doivent être douloureuses, maître Machiavel.

Il devine ta réaction. Le visage fermé, le regard planté droit devant lui, alors qu’en dedans ça rit, Nyx. Il se demande qui est le plus surpris des deux. Combien de morts en vie as-tu habillé ces dernières semaines, Nyx ? Il est sûr qu’on pourrait faire le compte, que ce serait un jeu à la limite de l’hilarant. En vérité, côtoyer ce qui était censé être mort ne nous fait plus grand-chose depuis qu’on a croisé Diane et que le cœur s’est figé pour ne pas imploser.

Et alors qu’il soupire, qui fait glisser les éclats bruns de ses yeux vers toi, la voix se fait un peu moins froide.

— Je ne suis pas un spectre prêt à vous jeter dans le gouffre, alors pour l’amour des Arcanes détendez-vous. Il me serait déplaisant que votre malaise me concernant empiète sur la qualité de votre travail.

C’est qu’il y a beaucoup à jouer, Nyx. Et que plus qu’une tenue d’apparat, c’est une armure que tu lui fabriques. Une armure pour une guerre qui commencera à la seconde où il franchira les portes de sa nouvelle chambre.