l'amour chemine à ta conquête (primrose)

les belles obsessions femmes, l'or, les courbes et le regard - mille fois fantasmé. une excitation vaine mais qui ne tarit pas, déjà persuadée de sa victoire, grouille dans tout son corps. fait vibrer ses mains longilignes, la fait doucement rêver, et s'étonne de cet émoi tremblant bien plus pervers que l'amour - le désir mais pas charnel, de posséder l'être entier. le dévorer, jusqu'à ses richesses et sa renommée.

c'est que primrose et elle ne se connaissent pas. elle a toujours été aperçue, au détour de réceptions ou bien contée - elle a crée une mythologie primrosienne, s'est faite l'idée d'une déesse qui rejette l'amour peut-être par timidité des sentiments. par crainte de leur existence ou bien, par désintérêt.
dans tous les cas, ce démon sera sien. il le faut car elle n'arrive plus à vivre sans cela ! elle a dû faire envoyer une lettre à son nom pour l'inviter dans une taverne tout-à-fait charmante, courtoise et chaleureuse. c'est une adresse qu'elle connaît depuis fort longtemps, elle a fait le trajet jusqu'ici et dormira sous le même toit cette nuit dans une des chaudes chambres à l'étage, sous le toit.

à une table, joséphine attend la dame, elle s'est bien apprêtée et ne sait pas si celle-ci a déjà entendu parler d'elle. le menton dans la main, des étoffes soyeuses et des bijoux au cou et aux oreilles, elle met en avant une certaine aisance. les pies sont moins suspectes déjà couvertes de ce qu'elles convoitent.
elle observe la porte avec intérêt et aussitôt qu'elle surgit, à l'intérieur, joséphine bondit pour l'accueillir en soulevant ses jupons pour marcher avec plus d'adresse. ma dame ! son sourire est immense, primrose est encore plus belle de près. elle ne cesse de la dévorer du regard, à défaut de pouvoir goûter autre chose. elle lui prend la main et l'approche de ses lèvres d'un mouvement joueur, et se plie dans une révérence exagérée et de toute évidence familière par son comique. merci d'avoir accepté de me voir. elle lui désigne la table dans un coin qui leur est réservée. cela n'arrive pas dans mes rêves les plus fous.

car dans mes rêves les plus fous, tu es déjà à moi.

une énième fois primrose fugua de sa tour de pierre. elle voulait vivre enfin mais les murs gris ternes l'en empêchaient ; toujours. elle avait reçu le matin même une lettre d'une inconnue : elle était invitée à dîner. et primrose naïve décida de s'y rendre sans chercher à davantage en apprendre
c'est bien le plus gros maux quand on souffre d'ennui, on est prêt à tout pour le trahir

elle apposa sur son cou ces encens qui lui rendaient justice et brossa sa chevelure comme elle savait la mettre en valeur ; primrose indéniablement était une belle femme et elle le savait. ses yeux jeunes et son visage encore frais ne trahissait pas son âge. on avait beau vieillir lentement, primrose elle, ne semblait plus vieillir du tout, depuis ses vingt ans. elle enfila les étoffes soignées, qui marquaient sa taille et elle jeta un dernier regard à l'ensemble de sa personne. satisfaite de ce qu'elle y voyait la mage décida de quitter sa tour couleur gris mort et d'un portail lumineux elle se retrouva dans les rues de trois-rivières.

elle marcha un petit moment et arriva enfin à la taverne. elle ne sut se répondre quand elle se demanda ce qu'elle cherchait ce soir. l'amour ? elle n'y croyait plus ; ça faisait trente-quatre ans maintenant qu'elle se confortait dans cette idéologie que l'Homme était viscéralement mauvais et que les amours finissaient toujours tous en pleurs et en sang ; c'était un fait
et enfin de sa démarche gracile et latente elle se posta devant celle qui l'avait invitée

elle était jolie, faisait partie de ces femmes-là qui savaient ce qu'elles voulaient et comment. et comme elle s'y attendait, son ennui revint la hanter quand l'excitation de la rencontre s'éteignit ; quand son cœur ne manqua pas un battement (primrose décidément n'arrivera jamais à aimer) « nous ne sommes pas si inaccessible que ça vous savez! et je ne refuse jamais de la compagnie » dit-elle en souriant faiblement (ce sourire qui rendait fou) « vous me connaissez déjà mais j'ignore encore tout de vous ... » et elle partit s'assoir à la table

mais ce n'est pas l'être qui l'intéresse, ce n'est pas l'image miroitée dans tous les yeux, ce n'est pas une conversation au détour de couloir non - c'est l'amour des pierres qu'elle veut, et tout ce qui suit à cette affection. cette estime sentimentale.
alors elle est bien inaccessible, et ses allures fragiles, fluette jeune femme de pourtant son âge sont de toute évidence, trompeuses. ou alors est-elle fleur bleue ? attendait-elle jusqu'ici quelqu'un pour sauver un coeur en détresse ?

les odeurs qui l'enivrent sont trompeuses. la qualité de la présentation la fait douter et elle se demande, très justement, s'il est question d'une attention toute particulière pour elle ou bien par honneur face au monde. être belle, se faire belle même, n'a pas toujours la même signification d'une personne à une autre, et elle peine à percevoir l'intention sous l'ombre étrangère de la silhouette de primrose pourtant déjà adorée.

cela se voit dans ses yeux, cette adoration.

assise, elle ne se tient pas tout-à-fait pas droite dans une nonchalance négligée. son sourire ne la quitte pas et elle se complaît dans cette scène étrange, très satisfaite déjà que primrose soit venue jusqu'à elle. ce que je veux savoir de vous, ne sortira jamais mieux que de votre bouche. je suis intriguée par vous. mais ce n'est pas tout ! dans un geste lascif, et dessiné par sa propre volonté, elle glisse ses doigts dans ses propres boucles blondes. répand l'odeur d'huiles essentielles à la lavande qui les couvre grossièrement, trop fort quand on s'en approche trop. je m'appelle joséphine, je suis de ces femmes sans histoire, maquerelle à aubépine. j'ai entendu parler de vous jusque là-bas, et je brûlais de vous... rencontrer...
son trouble est exagéré, elle détourne le regard et cache sa bouche d'une main comme pour dissimuler un sourire intimidé.

la supposée joséphine avait des allures rustres ; elle avait une âme de brute dans un corps délicat. c'était ce que voyait primrose de ses yeux mi-clos. elle ne se tenait pas exactement comme elle le devrait et tout dans son attitude trahissait son exubérance sauvage et sa culture définie par le manque

pourtant primrose trouva en elle un quelque chose de singulier qui détonnait chez elle et qu'elle n'aurait jamais vu chez les autres. elle avait quelque chose d'unique qui la distinguait de toutes ses anciennes rencontres mais pas assez pour la faire reconnaître comme légitime aux yeux de tous ; c'était trop unique pour être descellé aussi simplement. primrose restait relativement distante et ne sut quoi lui dire ou comment l'aborder et puis joséphine lui évita cette peine. la douceur de la lavande envahit l'air ; primrose s'y perdit

un rire amer résonna dans la pièce. joséphine sera déçue de découvrir que la mage devant elle n'était qu'un visage splendide à l'intérieur rongé par le doute et le désespoir. peut-être joséphine y verra la lueur qui subsitera dans les yeux de primrose ; ce souffle d'espoir qui torturait alors la mage. elle était juste un peu trop optimiste et beaucoup trop lucide pour son propre bien. primrose se fait souffrir en rêvant et à chacun de ses réveils le sol la fracasse un peu plus fort en la fissurant à chaque fois un peu plus (jusqu'à ce que primrose finisse par casser) « vous risquez d'être déçue : mlagré tous les récits que l'on peut entendre sur moi très peu se sont avérés véridique » primrose s'exprimait bien le ton était merveilleusement bien placé et les mots choisis avec soin. jusqu'à l'ouverture discrète et féminine de ses lippes tout était pensé pour ne rien trahir de son ennui latent ou pour ne rien trahir du tout « j'espère ne pas vous décevoir alors ... me rencontrer vous semble si important » elle s'en amuse « je serai ravie que d'entendre votre non-histoire alors ; je me lasse de raconter la mienne » elle place un doigt fin sur ses lèvres colorées

alors primrose serait molle ! où est la dureté qu'on lui a vanté, où est la dame de fer - ah le coeur est si évident, semble si facile à atteindre ! qu'elle semble fragile, adorable, il serait aisé de la dévorer donc...

cela l'arrange bien, et si cela la déçoit un peu par goût du jeu, l'attrait des belles choses vite acquises revient en flèche pour lui rappeler ses principaux intérêts dans ce monde. l'or et les femmes. l'amour et la vie résident certes mais dans un second plan bien vaste.
chaque mot est calculé et pas forcément dans la manipulation, du moins joséphine ne le perçoit pas, mais, joséphine ne perçoit pas grand chose. s'attache aux premières impressions, aux instincts, et ils lui dictent que primrose est un bonbon qu'elle va avaler d'une bouchée. pour ça, elle doit continuer de l'enrober de sucre, ainsi la digestion sera plus aisée. orhh, je ne suis jamais déçue par les belles femmes. personne ne vient leur demander ce qu'elles veulent, elles résident dans leur bulle harmonieuse à deux. joséphine ne souhaite pas être dérangée durant cette entrevue de la plus haute importance.

son sourire est charmeur. je viens de belorge, issue d'une famille d'agriculteurs. elle ne mentira pas, si primrose veut entendre son histoire ! j'ai été mariée à une femme dans la même situation que la mienne, on travaillait ensemble mais elle était très malade. pas de pathos, elle conte des faits. bizarre d'imaginer que j'ai été dans les champs hein ! pas vraiment, elle en garde les rustres accents, l'indélicatesse de poser ses coudes sur la table. elle est morte et la vie m'a menée ou je suis maintenant, maquerelle et propriétaire de maison close. ce n'est pas tout, maintenant, son sourire est secret. elle abaisse le regard et l'observe à travers ses lourds cils blonds. et une de vos plus fervantes amoureuses. elle recache sa bouche d'une main.

primrose n'était pas sotte et voyait clairement à travers les yeux de joséphine : on dit que les yeux sont le miroir de l'âme après tout ; et bien l'âme de joséphine a faim. mais primrose n'est pas un morceau de choix que l'on dévore et ce n'est pas une proie écervelée qui se laisse longtemps chasser
primrose est un prédateur fatigué et esseulé

elle la fixa d'un regard blanc pendant que joséphine lui narra le conte de son histoire ; sans l'édulcorer. la narration bien que simpliste révélait à primrose une histoire unique et, dans un sens, charmant ; à l'image de celle qui se tenait devant elle
mais primrose s'écarta davantage quand joséphine employa le mot tabou, primrose s'enferma dans son esprit et adopta une posture fermée les bras fermement croisés et autoritaire.
si c'était le mythe de la primrose inatteignable que joséphine cherchait, alors ça sera cette primrose-là qu'elle affrontera

elle marqua une pause après le récit de la blonde devant elle et croisa ses jambes ; primrose incarnait à ce moment l'image d'une déesse. elle qui semblait si fragile donnait toujours cette image tendre mais l'atmosphère était plus lourde. maintenant c'était elle qui chassait et joséphine était comme ces proies de mauvais goût qu'on pourchasse pourtant sans relâche

« je ne vous laisserai pas dire ça » joséphine n'aimera pas primrose « je ne sais pas ce que vous cherchez joséphine mais j'en ai une idée : vous ne trouverez rien » elle continua « on n'aime pas au premier regard et on ne tombe pas amoureux d'une réputation » elle souffla puis la tutoya
« alors joséphine dis moi vraiment ce que tu cherches ce soir ; mais tu risques de ne pas rentrer avec moi à ton bras » elle n'était pas cruelle primrose et aucune animosité se dégageait d'elle ; seulement elle était devenue imposante et elle semblait tenir le monde entier dans le creux de ses doigts

vous ne m'aimerez pas, vous ne pourrez pas - ressentir toutes ces choses. ça ne sert à rien de lui dire de telles phrases, de les sous-entendre, elle ne les entendra pas. cette reine, elle l'a invoquée - le rejet est puissant mais pas blessant car elle s'y attendait. jamais les femmes ne cèdent si facilement, sauf si elles ont le coeur doux, sauf si elles sont déjà un peu amoureuses. mais elle ne lui a pas assez dévoilé, c'est bien ça ?

que faire ? pourquoi vous mentirai-je ? n'est-elle pas touchante, ainsi ? dévoilée à nue dans ses sentiments ? elle n'a rien à dire de plus voyez vous dame arnault, elle s'est déjà tant - tant offerte au nom de son amour ! n'est-ce pas évident qu'il n'y a rien de plus à prononcer. ses yeux se relèvent, et ce sont d'une biche - ah bon ? prise de court, faussement, un peu pour de vrai, elle ne discerne pas le mensonge de la réalité s'il est nécessaire, elle regarde au plafond en réfléchissant sur sa sincérité. c'est vous que je veux. c'est ce que je viens de dire, non ? car elle l'aime si fort, l'idolâtre tant, pourrait lui dédier un autel à cet instant. et c'est malsain, c'est malsain car effectivement ça ne repose rien de plus que sur le bon vouloir de son imagination tordue, aussi sincère soit-il. elle saisit ses propres mains entre elles et se tord les doigts, indécise de savoir si elle supporterait un second rejet - elle n'en est pas certaine. sa déraison l'a menée à se penser fragilisée par l'amour, là où elle se soignerait parfaitement suite à cette plaie concise et faite pour réduire la douleur à son maximum si possible. sa bouche est coincée dans une petite moue.

primrose était finalement désolée ; désolée pour joséphine et désolée envers elle-même. la pauvre semblait aimer cette primrose qu'elle idéalisait et ne démordait pas de son fantasme malgré tout ; elle était aveuglée par quelque chose et primrose ne sut ce que c'était

elle ne sut quoi lui répondre ; elle ne voulait pas se répéter ni blesser la femme devant elle mais c'était contre-nature pour elle de s'adonner à quelque chose qui ne faisait rien résonner en elle. primrose s'enferma dans ses murs et ne laissait personne accéder à son cœur et c'était comme ça depuis toujours. elle ne voulait pas que ça change, surement « c'est quelle moi que tu veux ? » elle la tutoya maintenant, s'adressait à elle comme à une enfant
son expression pourtant était froide

« celle que tu idéalises, que tu imagines et que tu chéris ? ou celle que tu as en face de toi ? ou encore celle dont tu peux entendre les récits dans la rue ? dis moi c'est quelle moi que tu aimes »
parce qu'aucune de toutes ces moi ne sauraient pleinement s'ouvrir à toi

il ne faut pas arracher joséphine à ses chimères, elle ne sait pas réfléchir. la question est trop complexe pour elle et la réflexion la rend lasse, triste, et fatiguée. elle l'use plus que de raison alors que l'action d'aimer devrait être si simple.

elle se redresse sur son assise, l'air ennuyée, et concède un léger soupir d'irritation. pourquoi les choses ne sont jamais simples et doivent toujours se dérouler dans les recoins les plus complexes des émotions ? l'émotion froide n'est même pas amusante ! pourquoi ne claque-t-elle pas la porte, pourquoi ne lui donne pas un peu d'émotions, un peu de quoi se sustenter ? c'est chagrinant, les gens ainsi - qui ne vivent que dans leur propre indifférence.

elle roule un peu des yeux, comme si ce n'était pas elle qui avait organisé tout ce cirque. primrose est fautive de réfléchir et de ne pas lui faire confiance, au moins un peu. je n'en sais rien. je les aime toutes. je ne peux pas ? ce serait pourtant bien plus simple et elles n'auraient pas à s'embêter des manières que primrose veut faire. pourquoi vouloir absolument dissocier toutes ces dames qui sont pourtant vous ? d'une manière ou d'une autre. elle dessine une moue ennuyée. la conversation ne lui plaît pas.

elle s'étonna de voir que joséphine n'était pas aussi réfléchie qu'elle se l'imaginait. sans accuser sa simplicité d'esprit primrose la trouva mignonne dans le genre enfant boudeur. quand joséphine voulait quelque chose elle le demandait et l'avait. elle ne cherchait pas à savoir comment l'obtention se fut ou autre détail futile.
et primrose se remit en question ; et si elle réfléchissait trop ?

depuis sa réflexion la mage arborait sur le visage une expression plus tendre. elle ne baissait pas sa garde mais peut-être se laissait-elle attendrir juste un petit peu. ses murs ne tombaient pas mais ils étaient plus fins qu'à l'accoutumée : primrose enfin depuis trente-quatre s'ouvrait un peu (mais n'aimait toujours pas) « je ne sais pas si c'est possible mais peut-être que tu as en toi un cœur assez grand pour » elle reprit « je les dissocie car elles ne sont pas tout à fait moi et je ne veux pas être tout à fait elles » mais elle ne sait pas ce qu'elle veut être vraiment « joséphine je ne t'aime pas comme tu dis m'aimer mais j'aimerai avec toi arrêter de réfléchir comme je l'ai toujours fait » elle lui sourit ; c'était une semi-invitation.

» Échos ▬ Primrose
» noises | Primrose + Bianca