fire in the sky ▬asa&yekun

Une douleur sourde qui enflammait tous ses nerfs. Une douleur profonde qui étendait ses racines jusque dans son esprit.

Voilà ce qui le ravage.

Yekun tient les rennes de Canasson entre ses mains moites mais le cheval choisit là où il va tant son maître, abruti par la douleur ne se rend plus compte de rien.

Ses flammes lui ont échappé, elles se sont emballées, elles ont rugit si fort, si vivement. Il se rappelle de la lumière vive avant de sentir, la souffrance embraser ses nerfs. Il se rappelle être tombé à genoux en hurlant, une main sur son visage, ses doigts serrant sa peau carbonisée. La foule s’était soit écartée précipitamment et l’avait foudroyé du regard, dangereux vagabond qu’il était, soit, quelques badauds lui étaient venus en aide.

Ils l'avaient soigné sommairement, n’ayant pas plus dans leur petit village. Et Yekun était reparti, chevauchant malgré la souffrance insoutenable qui lui tenaillait la tête. Il avait chevauché sans savoir où. Il arrivait au bout de quelque chose.

Au bout du chemin, à bout de force, l’esprit déjà presque brisé par la douleur, il ne remarque pas que Canasson s’est arrêté pour brouter l’herbe du fossé. Il sent seulement l’inconscience poindre, son corps à bout de force abandonne et il accueille les ténèbres avec bonheur.

Le corps du mage glisse du cheval et s’échoue sur le chemin, inerte.

[ asaël - fin 1018 ]

cactus

fire in the sky //
« all you have is your fire and the place you need to reach. don't you ever tame your demons but always keep 'em on a leash. » — feat YekunSes maigres bagages sur le dos et Zorya qui marchait dans ses pas, Asaël pouvait déjà s'imaginer profiter du confort sommaire mais appréciable de l'auberge dans laquelle il ferait halte pour la nuit. Après quelques spectacles dans les alentours, il ne roulait certes pas sur l'or, mais avait quand même de quoi vivre dignement pour les prochains jours.

Sifflotant un air dont il n'arrivait plus à se rappeler le nom pour se donner un peu de courage, Asaël s'arrêta net lorsque qu'il remarqua quelque chose de louche au bout du sentier. De loin, il prit d'abord ça pour un sac de blé ou de patates abandonné. Mais plus il se rapprochait avec prudence, moins il ne pouvait nier l'évidence… C'était un corps, à côté duquel attendait un cheval. Pendant un instant, il cru à un ivrogne trop imbibé qui s'était laissé tomber là sans s'en rendre compte. Mais les habits qu'il portait étaient un peu trop familiers à Asaël pour que l'angoisse ne lui torde pas le ventre.

Aux chevets du corps, il le retourna sur le dos. Et rien n'aurait pu le préparer à la vision qui l'attendait et qui lui arracha une nausée qu'il eu le plus grand mal à réprimer. Un bandage de fortune tâché de sang et de terre avait glissé, laissant apparaître une plaie furieuse qui avait attaqué un œil du jeune homme et tout ce qui l'entourait pour ne plus former qu'une atroce bouillie rouge.

"Oh... Par les Arcanes, Yekun..."

Asaël n'osait pas crier. Asaël n'osait pas bouger. Seul un souffle faible s'échappait des lèvres du malheureux. Et si l'acrobate n'avait pas été si terrifié et dégoûté, il aurait sûrement pleuré. Son regard semblait s'accrocher bien malgré lui à ce visage à présent mutilé, comme s'il n'y avait plus rien d'autre autour de lui. Jusqu'à ce que le cheval hennisse et le sorte de sa transe en lui arrachant une exclamation surprise et incrédule.

"Le cheval ! Oui, surtout, ne bouge pas le cheval !"

Et comme ça, Asaël n'avait plus réfléchit et s'était laissé guidé par son instinct. Tout semblait trop flou, dans sa tête. Il avait attrapé l'animal, et avait hissé Yekun dessus. Son corps, il l'avait maintenu en place en l'accrochant aux étrivières de la selle pour ne pas qu'il glisse. Et puis il s'était mis en route et avait guidé l'animal jusqu'à la première auberge venue. Quelque chose de pas trop miteux à l'entrée d'un grand village commerçant.

Le fils du patron s'était vu confier le cheval, tandis que le vieil homme avait aidé l'acrobate à porter le corps inconscient jusqu'à une chambre, où il avait été lourdé sur le lit. L'aubergiste jeta un regard critique en direction de Yekun.

"Vous êtes sûr qu'il est pas crevé ?"

"Vous savez vraiment parlez aux gens vous... Allez me chercher de l'eau et des bandages propres, beaucoup et vite !"

Asaël avait perdu son charme. Et il se détourna de l'homme pour se pencher au-dessus du lit. Mieux valait enlever ce vieux bandage sale avant qu'il n'infecte définitivement la plaie.

Yekun souffre. Et il se noie dans cette souffrance, il ne peut penser à rien d'autre, n'imaginer plus rien d'autre. Il y a des échos à ce qu'il ressent, des échos qui remontent trop loin, dans une jeunesse gâchée qu'on ne devrait même pas envisager.

Il gémit alors qu'on le retourne, qu'on expose sa plaie à la morsure du vent. Une voix perce au travers de la brume qui l'entoure. Elle lui semble familière mais il est incapable de réfléchir, de penser, de comprendre qui peut être cette personne, son sauveur. Il se laisse transporter, ses mains accrochent compulsivement la tunique de celui qui le hisse sur son cheval. Sa gorge est sèche, trop sèche. Il tente d'ouvrir son œil valide, pour reconnaître qui est là.

- Asa-ël ...

Il a reconnu son visage fin et son chien qui s'agite autour d'eux, il aimerait sourire, le remercier sûrement aussi. Il concentre toutes ses forces dans son équilibre, ne pas tomber du cheval sur lequel on l'a hissé. Il frissonne, vacille et enfin, après un temps qui lui semble interminable, il sent sous son dos le moelleux d'un matelas. Un soupir de soulagement passe ses lèvres gercées.

Il tend une main vers son visage, il tente de trouver sa plaie, pour prendre conscience de l'étendue des dégâts. Main trop lourde, visage trop loin. Elle retombe sur le lit, sans force. Dans son esprit fiévreux déjà surgissaient les cauchemars, déjà surgissait son père, avec son regard orageux. Triste vie qu'on a mené quand la figure paternelle se voit à ce point associée à la douleur.

- Asa … le laisse pas … laisse pas père me-

Et on supplie Asaël – on espère vraiment que c'est lui, on prie la Maison-Dieu à qui pourtant, jamais on a accordé tant de crédit – de ne pas nous abandonner entre ses mains. On divague ravagé, entre passé et présent, entre failles et désespoir.

[ asaël - fin 1018 ]

cactus

fire in the sky //
« all you have is your fire and the place you need to reach. don't you ever tame your demons but always keep 'em on a leash. » — feat YekunAsaël avait dû se pencher encore un peu plus pour entendre la voix faible de Yekun. Il délirait... Il délirait forcément, car personne d'autre n'était là. L'aubergiste qui était parti chercher de quoi soigner la plaie au pas de course les avait laissés seuls dans la petite chambre.

Ne voulant pas accentuer sa douleur plus que nécessaire, Asaël pris doucement l'une des mains de l'autre dans la sienne. Il la serra, d'une manière presque imperceptible.

"C'est moi, c'est que moi, Yekun... Il est pas là, je jure. Il est loin d'ici."

L'entendait-il seulement ? Asaël ne saurait le dire, mais tout au fond de lui-même, quelque chose le poussait quand même à lui répondre, à tenter de calmer ses inquiétudes et ses délires.

"T'es en sécurité..."

Ca lui rappelait tout ce qu'il ignorait sur Yekun, tout ce qu'il ne savait pas et qu'il n'avait jamais vraiment cherché à savoir non plus. Il fallait dire que l'autre était un spécimens plutôt secret, le genre de personne qui parle de beaucoup de choses sans jamais réellement parler de soi. Et ça faisait se serrer le cœur d'Asaël, d'imaginer tout ce qui se cachait derrière ce rideau d'ignorance. Sans doute des choses à faire trembler, puisque la douleur appelle la douleur.

Quelques coups avaient été frappés avec précaution contre la porte, comme si on craignait de déranger. L'acrobate s'était dépêché de se lever pour récupérer ce qu'avait rapporté le vieillard, le remerciant et le congédiant d'un unique hochement de tête. Posant le tout sur une petite tablette branlante à côté du lit, il prit dans sa main un linge propre qu'il trempa dans l'eau claire et se retourna vers Yekun.

"Ca risque de faire un peu mal."

Quelques mots soufflés comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. Sans plus attendre, il commença à tamponner doucement le bandage sale pour l'humidifier. Mieux valait ne pas traumatiser à nouveau les chairs fondues en tirant dessus, mais attendre qu'il se décolle de lui-même, au moins partiellement.

Après quelques minutes douloureusement longues, Asaël réussit à retirer le vieux bandage sans rien arracher d'autre, mettant à nouveau la plaie à nue. Même à la lueur des quelques bougies qui éclairaient la pièce, la peau grignotée par le feu contrastait violemment avec le reste du visage du jeune homme. La main d'Asaël survola la brûlure sans jamais la toucher.

"Mais qu'est-ce qu'il s'est passé, Yekun ?"

Un soupir d'abattement s'échappa d'entre ses lèvres, et Asaël se saisit d'un nouveau linge humide pour se débarrasser des petites saletés qui s'étaient collées à la blessure.

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