Oh, l’invitation a été la chose la plus douce à recevoir et Guenièvre pense aux mots de Séraphin chaque jour, compte chaque seconde jusqu’à ce qu’elle puisse le rejoindre.
C’est qu’on a cet amour qu’on ne sait reconnaître qui l’anime dès qu’il est question de Séraphin.

Alors Guenièvre a fait son sac, bien trop tôt, monte sur son cheval un matin, un jour plus tôt que prévu et vite, vite, le coeur va enfin retrouver son ange.

Un grand sourire aux lèvres quand elle chevauche, Guenièvre oublie la douleur du long trajet sur la selle trop dure, se laisse bercer par le coeur d’amoureuse qui s’agite un peu plus à chaque petite distance qui disparaît entre elle et Séraphin, part au galop pour rejoindre la maison qu'il était pour son cœur.

Et la journée s'écoule au rythme effréné de son cœur fébrile, jusqu'à ce que la nuit tombe, jusqu'à ce qu'enfin les sabots résonnent sur les pavés de Trois Rivières.

Le sourire est immense, la frénésie sans fin quand le corps tremblant d'impatience se glisse à terre. On sait exactement où trouver Séraphin, on sait très bien qu'il y a de nombreuses chances pour qu'il soit à la maison et surprise quand on voit Séraphin au pas de la porte, ouvrant pour retrouver le calme solitaire de sa maison. Comme si le destin voulait leur retrouvailles.

Oh, le cœur s'agite tellement, les joues rougissent de joie alors qu'elle s'approche à pas de louve, se hisse sur la pointe des pieds pour venir poser ses mains fraîches sur les yeux de son amant tant chéri. Il n'y a qu'un petit gloussement et un murmure qui s'échappe des lèvres avec un sourire pour venir caresser l'oreille de sa voix.

– Surprise Séraphin.. Devine qui est là…

Le coeur bat la chamade à la seconde où la silhouette familière apparaît. Le coeur s’affole, le corps est fébrile quand elle marche jusqu’à lui et la main sur son visage tremble de joie. Sourire, si grand sourire quand enfin, la peau retrouve la sienne, quand enfin, sa voix résonne, l’appelle comme si son coeur à lui aussi la réclame à longueur de journées.

Et Guenièvre répond à l’étreinte, fébrile dans les bras qu’elle désire toujours bien trop garder autour d’elle.
C’est comme retrouver une part d’elle, Séraphin, quand il la tient tout contre lui. Et le coeur n’est plus qu’à sa place à ses côtés, amoureuse transie qu’elle est sans même le réaliser, sotte Guenièvre quand il est question d’amour.

Alors maintenant que le coeur retrouve ce qui l’anime, les mains pâles parcourent la peau, savourent le toucher, la chaleur de ce corps quand les caresses tant manquées font frissonner, étirent un sourire plus grand sur les lèvres quand les mains se perdent dans les mèches sombres.
Et Guenièvre sent le regard de Séraphin sur sa peau et le coeur s’emballe, bondit hors de la poitrine quand elle tente vainement de coiffer les cheveux rendus fous par le voyage.
Il faut dire que Guenièvre a galopé à toute allure, animée par le manque de lui, son amour, au point d’arriver les mèches plaqués sur le front, la robe qui a glissé des épaules, les jupons froissés et les joues rougies par l’effort d’une journée entière à cheval.

Mais au diable l’apparence car Séraphin, le doux, le tendre Séraphin la regarde comme la plus précieuse des étoiles et rien d’autre n’a d’importance.
Et enfin, enfin, Guenièvre retrouve les lèvres. Enfin, l’amoureuse peut se dévouer à l’aimer en silence, glisser ses doigts avec une avidité trop grande dans les cheveux, répondre passionnément à ce baiser qu’elle a tant rêvé à chaque mètre vaincu entre eux.

C’est qu’on pourrait rester accrochée à ses lèvres éternellement si la vie le lui permettait.
Mais la vie décide de lui offrir l’inquiétude de son amant. L’angoisse douce de quelqu’un qui se préoccupe de son bien.
Et le soucis dont Séraphin fait preuve étire encore les lèvres, pousse les doigts à se poser sur la bouche, le faire taire pour caresser la peau délicate de ces lèvres bien aimées, venir murmurer des mots avec cet amour sans nom dans le regard quand la main dérive sur la joue pour la prendre en coupe.

– Chut.. Rien n’est arrivé. Ne t’inquiète pas, tout va bien. Je ne pouvais juste pas attendre une seconde de plus pour te retrouver Séraphin…   Oh mon si doux Séraphin..

L’air est si faible sur la figure, quand, Guenièvre, pleine de tendresse, fébrile toujours, tremblante encore, vient prendre les lèvres, continue à caresser la peau quand elle se blottit tout contre le coeur après bien des passions dans un simple baiser, de simples caresses. On cache bien les quelques malheurs, les quelques bleus et les quelques douleurs au coeur. Tourmentée quand elle lève un regard hésitant d’enfant prise en faute, elle qui a suivi un sentiment qu’elle ne connaît que trop peu.

– Je n’ai pas pu me retenir, je suis partie pleine de hâte dès mon réveil… Si seulement tu savais à quel point tu m’as manqué Séraphin.. J’espère ne pas t’ennuyer par ma présence mais comment puis-je résister à l’appel de nos retrouvailles ?

A cette révélation, le visage vient se cacher au creux du cou quand les doigts se délectent de retrouver ceux de Séraphin. Et fiévreusement, Guenièvre n’attend plus, caresse, embrasse avec l’innocence des premiers amours et la fougue des plus grands amants la peau qui s’offre à elle, éperdument accrochée à celui qui a su allumer ce feu ardent appelé amour.

Séraphin, mon ange, mon aimé, je ne veux plus jamais te lâcher, si seulement les arcanes me le permettent.

Guenièvre aime tellement ces bras, ces caresses, ces baisers. Et les échanges plein d'amour sont un plaisir sans nom qui font battre le cœur si fort qu'il semble mourir à chaque seconde pour renaître sous les baisers.

On ne peut détacher le regard de l'amoureux, on ne peut que le regarder pleine d'affection et savourer les caresses dans les cheveux, ces caresses qui lui ont tant manqué quand bien même d'autres glissaient les doigts dans la chevelure. Car les autres peuvent bien l'aimer, Guenièvre ne cherche plus que Séraphin.

Alors les mots sont un plaisir sans nom, le médicament de toute peine quand il baise la main avec ce sourire qui illumine chaque parcelle de la vie de la guérisseuse.
Et Guenièvre l'aime tellement, tellement qu'elle ne peut que défaillir, que sentir le sol se dérober pour mieux se fondre dans les bras– pour ne jamais les quitter.

Un nouveau baiser sur les lèvres, sur la mâchoire, délicats quand elle accepte difficilement de voir Séraphin disparaître dans une autre pièce, savoure les derniers baisers quand elle va perdre ses bras même pour quelques instants.

– la faim viendra demain matin je t'avoue que la fatigue prime, je rêve de ce bain en revanche si tu m'y accompagnes..

Sourire quand elle se fond dans les bras, vole un dernier baiser quand Séraphin s'éloigne dans un gémissement capricieux de Guenièvre. C'est qu'on s'accorde bien des caprices quand on aime. Quand on a le cœur qui bat si vite aux mots prononcés contre l'oreille.

– Tu m'as tellement manquée toi aussi Séraphin… Dépêches toi de me revenir alors…

Un sourire doux encore, le corps se laisse choir dans un fauteuil. Elle savoure le parfum familier de l'être aimé qui embaume chaque parcelle du lieu quand on se débarrassé tant bien que mal de la robe de voyage, relâche un peu le corsage pour laisser le corps se prélasser quand le regard guette le retour de Séraphin, un sourire tendre au visage. Qu'il vienne encore faire battre le cœur car Guenièvre jamais ne s'en lasse.

Guenièvre a le sourire sur les lèvres et la chamade qui fait tambouriner le cœur dans la poitrine. Elle attend, se languit des bras, des caresses et des attentions délicates que toujours Séraphin lui offre. Et l'amoureux la fait sourire toujours plus quand il revient, l'attire à ses bras, à son cœur. Et Guenièvre est heureuse quand il est là. Heureuse quand il la tire à la salle d'eau, heureuse quand il lui vole des baisers et qu'elle peut les lui rendre tendrement entre deux caresses.

Alors le sourire sur les lèvres, l’oeil malicieux et la moue bien heureuse, elle l'a laissée défaire le laçage, faire tomber le corset au sol pour ne laisser que la dernière robe entre leurs peaux. Le cœur bat vite, si vite, trop épris, trop envieux de cette peau qui lui a tant manqué. Les mains glissent dans les nattes, retirent les épingles pour les faire choir dans son dos, les tresses et le reste de la lourde chevelure d’argent. Le regard, lui, ne peut quitter Séraphin, cet ange qui l’observe avec tant de tendresse, cet ange qui a des doigts plus doux qu’une plume là, contre ses épaules quand elle se délecte de leur toucher délicat. Guenièvre attend, l’air indolent, presque lascif quand le tissu en vient à glisser sur la courbe de l’épaule.


Le sourire tombe sur le visage de Séraphin. Et elle, dans la découverte du visage triste le perd tout autant. Car Guenièvre comprend son erreur, d'encore oublier la douleur que cause à Séraphin les traces des méfaits sur la peau pâle.

Le regard un instant se baisse, honteux, perdu quand le cœur se tord, quand les mains serre le tissu, comme s'il pouvait faire oublier la présence de ces ecchymoses sur l'épiderme. C'est la preuve de ses fêlures, de ce cœur brisé à jamais et toujours elle se noie d'angoisse, perd son air.

Guenièvre a les mains qui tremblent, le regard qui hésite quand il se plonge dans celui de Séraphin, honteux, navré car jamais Guenièvre ne pourrait être libérée de la souffrance du passé. Elle la hante toujours trop.

Alors Guenièvre passe sa main sur la joue, a ce sourire encore plus désolé que le regard avant qu'elle ne vienne essayer de chasser la contrariété de Séraphin de ses lèvres, de baisers, de tendresse, tout pour qu'il oublie les maux qu'elle s'impose comme punition.

Car Séraphin, elle t’aime à en oublier chacun des bleus, aussi malsains qu’ils soient.

Elle dénoue les longues mèches pâles, se défait de la dernière cachette de ses plaies avec une timidité qu’aucun badinage malheureux n’a pu causer après bien des coups déjà vus par Séraphin. Puisque ce soir, le corps a bien des douleurs, bien des traces d’une maltraitance qui fut trop forte, au point de laisser les dents marquer la peau fragile, les mains bleuir trop de surface et les poignets souffrir de brûlures. Alors Guenièvre pour la première fois, fuit dans l’eau, tend une main craintive à Séraphin pour qu'il la rejoigne, qu’il lui pardonne la brutalité qu’elle s’inflige et son manque d’explications. Qu'il la prenne encore sans ses bras et oublie toutes les douleurs. Car dans ses bras, Guenièvre peut tout oublier et elle espère si fort qu’il oublie lui aussi les maux que s’infligent son aimée quand les mots tremblent sur sa bouche.

- Pardonne moi, Séraphin..

Oh, l’esprit est bien torturé quand Guenièvre réclame le pardon. Il y a trop de douleur face à la peine de Séraphin, ce silence évocateur d’une douleur qu’elle lui cause.



Voilà ce que son esprit éreintée lui susurre, tordant le coeur, nouant la gorge de pleurs. C’est que Guenièvre, toujours, a peur de le perdre.
Mais Séraphin a pris sa main. Séraphin a pris sa main, y a apposé la douceur de son front, la bénédiction de ses lèvres, chassant chaque contrariété d’une simple tendresse.

Ô le bel amoureux, si conciliant, si bienveillant ! Guenièvre en pleurerait presque, quand il lui parle ainsi, quand il embrasse sa main sans la moindre trace de colère, pardonne les méfaits, lui offre l’absolution de ses erreurs sans un seul cri terrifiant. Car Guenièvre redoute toujours la colère. Elle redoute la moindre faute qui lui sera punie quand Séraphin, chaque jour, noie les craintes de la guérisseuse dans la plus douce des affections.

Alors elle sourit, de ce sourire navré et pourtant charmé. Guenièvre ne peut qu’aimer Séraphin, qu’avoir le coeur posé sur les lèvres et les larmes au bord des yeux quand Séraphin l’aime si fort. Assez fort pour faire oublier tout le reste.

Il se glisse contre elle, l’attire contre sa peau, arrache un frisson à l’amante quand ses bras l’enserrent avec tant de douceur. Assez de douceur pour essuyer d’une vague chaque blessure. Assez de douceur pour qu’elle vienne caresser ses bras du bout des doigts, savoure sa présence si rassurante quand le corps était tant effrayée quelques battements de coeur plus tôt.

Il y a ses lèvres contre sa peau, ce souffle si doux, qui laisse un soupir satisfait échapper aux lèvres. Le délice absolu de le retrouver. Le corps se fond contre le sien, oublie tout, n’est plus que cette chair contre lui. Et les mais de Guenièvre, elles, s’étirent sur ses bras, ses jambes, s’enivrent de sa peau, des volumes de sa carrure quand depuis si longtemps elle a été privée de lui. Tout est un plaisir dont elle s’enivre : sa chaleur, la douceur de sa peau, son souffle, ses lèvres, ce parfum si familier. Et Guenièvre pourrait s’y laisser mourir, se fondre à jamais tout au creux de lui tant elle l’aime, tant elle se sent mieux que nulle part ailleurs sur cette terre.

Et puis la question tombe. La question dont la réponse est si dure à donner sans nier une douleur évidente, si ce n’est pas sur la chair, dans le coeur.

Elle se fige, Guenièvre, un court instant où elle ne peut qu’avoir les yeux plein de larmes et le coeur serré. Un instant où le corps se tend, frissonne dans les bras. Car Guenièvre, elle ne peut mentir à Séraphin et le blesser, oh, est une douleur plus grande que toutes.

Guenièvre se saisit d’une de ses mains, embrasse doucement les doigts de cette main tant aimée avant de dire le moindre mot. Tremble déjà quand on sait la peine qui abat Séraphin. La main, Guenièvre la garde au creux des siennes quand elle s’enfonce dans ses bras, tourne la tête pour enfouir le visage dans les cheveux sombres, sa voix noyée, un simple murmure trémulant qu’on a peur de laisser sortir.

– Je ne peux pas te mentir Séraphin.. Je ne peux pas et pourtant..

Non, Guenièvre ne veut pas. Elle ne veut pas le dire, mais elle ne veut pas qu’il imagine, toute cette peine qu’elle s’impose.
Alors la gorge nouée, Guenièvre serre un peu plus fort les bras qui l’entourent, chuchote, comme s'apprêtant à révéler un secret qu’elle ne veut pas entendre.

– J’ai un peu mal. Mais la douleur est supportable, je ne veux pas que tu t’inquiète pour moi, Séraphin, s’il te plaît..

On en demande beaucoup, Séraphin, on en demande peut-être trop. Mais Guenièvre ne peut pas, elle ne peut jamais rien te cacher, pas quand tu demandes de cette manière, la douleur dans la voix et l’amour dans tes gestes.

Elle pose la tête sur ses genoux, continue à caresser cette main entre les siennes quand elle est si petite entre ses bras. On ne peut qu’offrir son amour à Séraphin, que rester silencieuse pendant qu’il prend soin d’elle.

La main se saisit de celle qui l’enserre, le corps se tourne pour voler un baiser et ainsi elle pose son regard dans le sien, le couvre de tendresse avant de poser son front contre le sien, fixe son regard hésitant dans le sien quand ses mains caressent ses joues, sa mâchoire, les mèches sombres qu’elle chérit tant.

– Je ne veux pas te peiner.. Je tiens trop à toi pour ça Séraphin. Alors pense surtout à la joie que tu m’apportes dans cette vie..

La gorge nouée et l’amour qui déborde quand on menace de fondre en larmes, perdue, tant perdue par l’affection immense qu’elle ressent, si forte, trop forte pour son pauvre coeur. Il n’y a qu’une larme, cristalline, lente et silencieuse qui glisse sur la joue.

Séraphin, elle t’aime bien trop pour te mentir et pourtant, la vérité est plus douloureuse que mille blessures quand elle peut ainsi te peiner.

C’est une douleur vive, une douleur impossible à éliminer, une douleur qui s’est infiltrée sous sa peau et qui jamais plus ne la quittera. Mais les bras l’enserrent, si forts, si tendres, et fébrile, Guenièvre ne peut que s’accrocher plus fort à lui, que s’accrocher à ces bras, ce souffle, ce coeur dans son dos qui tambourine. Il est peut-être tard mais jamais trop pour Guenièvre. Jamais trop pour la protection de Séraphin, de ses bras. Il n’y a qu’ici qu’elle se sent complète. C’est naïf, c’est niais mais l’amante ne peut que l’aimer, Séraphin, que l’aimer de tout son coeur, de toute son âme, comme elle n’a jamais aimé.
On a l’espoir silencieux qu’il l’aime aussi, qu’ils s’aiment sans laisser leurs plaies s’infecter quand les lèvres tentent de chasser toute peine. Et c’est malsain, c’est néfaste d’ainsi se torturer le coeur, Guenièvre le sait, le sent, qu’ils se font trop mal. Mais brisés, les coeurs s’allient et ne se défont plus.

On ne peut oublier, non, on ne pourra jamais. Le visage se perd dans la chevelure, Guenièvre lutte pour ne pas se laisser aller aux larmes. Ne pas briser ce coeur qu’elle aime tant.
Pourtant, les mots sont sans appel. Trop vrais, âcres quand Séraphin refuse de faire silence. Guenièvre, le poids des deux douleurs est si lourd et pourtant vous le portiez à bout de force, perdus dans les bras l’un de l’autre.

Et Guenièvre glisse, sombre dans l’eau, contre cette peau chéri, clos les paupières dans l’espoir d’oublier, même un court instant, à quel point sa sottise blesse. C’est un ouragan, un puit sans fond dans son coeur qui dévore tout son être. Le front de Séraphin lourd, si lourd contre son dos quand la culpabilité la ronge.

Elle veut qu’il l’aime, qu’il chasse chaque mal pour les remplacer par ses baisers, ses caresses, tout ce qui est de lui, sur la peau, dans son souffle, dans son coeur. Que tout ne soit plus que de lui ; des traces d’amour pour oublier celles qui attisent les larmes.

Alors les lèvres le font captif, les bras l’enserrent fort, si fort, de toute la maigre force que le frêle corps peut avoir, tremblant d’amour, de crainte et de doute quand les émotions, ainsi, débordent de tout son être.

On ne s’arrête qu’une fois le souffle court, brûlant et sifflant, les joues rouges et les yeux larmoyants encore pourtant. On ne veut plus qu’oublier, tout oublier pour se noyer dans les bras. Les doigts caressent ses lèvres, ces doigts qu’elle chérit tant, qu’elle embrasse quand le regard ne peut plus quitter celui de Séraphin. Ils fixent chaque éraflure dans leur être, les fixent sans pouvoir s’en défaire et pourtant, pourtant, c’est tout ce qu’ils demandent.
Les mots, Guenièvre les sait inutiles. Elle les sait inutiles à la seconde où le sourire naît sur le visage de Séraphin, la douleur s’enfonçant à ses paroles, laissant les paupières se fermer, le visage se plisser de douleur quand les larmes de Guenièvre ne se tiennent plus.

Elle veut oublier, tout oublier au creux de ses bras, l’enserre plus fort, si fort contre son coeur.


Guenièvre voudrait le lui crier, le lui dire, encore et encore, cet amour. Mais les mots lui manquent, ils glissent sur sa langue sans pouvoir sortir de cette bouche.

Alors Guenièvre, tu le couvres de baisers. Laisse les lèvres cueillir sa peau, déposer ton coeur contre lui, l’aimer de tes mains, de tes lèvres avec toute la force de tes sentiments.
Guenièvre tu te donnes à lui plus fort que n’importe quelle fois, noies les peines dans les passions des amants et les souffles amoureux.

Car Guenièvre, tu l’aimes jusqu’au tréfond de ton être quand le regard plonge dans le sien, quand la voix murmure dans la caresse des lèvres contre les siennes.

– Arrêtons de penser alors, Séraphin...

Aimons-nous.

C’est si doux de s’aimer, si tendre quand c’est Séraphin qui l’aime. Il couvre chaque parcelle d’amour et Guenièvre en pleure presque de joie quand elle soupire contre lui.

Elle le lui rend toujours, tout le temps, partout, avec passion et tendresse quand le corps tout entier l’aime. Des mains qui glissent sur la peau, qui s'agrippent au dos lorsque le désir arrache les soupirs. Ils s’aiment avec une force douce, plaqués au mur de la salle de bain, la faïence froide contre le dos de Guenièvre et le corps brûlant de Séraphin contre le sien. Encore s’aimer sur le sofa, encore crier d’amour, là, au-dessus de Séraphin, les lèvres perdues contre lui, l’esprit captivé par l’émotion que donne ainsi l’amour avec un grand A, celui du corps et du coeur en un seul morceau pour eux qui n’ont connu que des miettes.

Ils s’aiment plus fort que tout ce soir et Guenièvre, à bout de souffle, ne peut que savourer chaque seconde de tendresse après les passions déchaînées. Elle se prélasse dans les bras de son aimé, laisse les doigts doucement tracer des chemins invisibles sur son torse, la tête appuyée contre son coeur et le corps tout entier qui ne réclame qu’à rester contre sa peau. Il l’observe et Guenièvre lui jette ses œillades énamourées, lui offre ses sourires délicats quand les lèvres viennent encore apposer moultes baisers sur sa chair.

Guenièvre ronronne presque, sous la douceur de ses caresses, la chaleur de leurs corps fatigués d’amour qui apaise tout. Et puis il y a les bruits de la faim et elle rit, vole un baiser quand elle se redresse avec lui.

Guenièvre sourit, observe cet homme qu’elle chérit tant, se lève à nouveau pour se blottir encore dans ses bras, tout aussi peu honteuse d’un corps qu’il ne connaît déjà que trop bien, vole un dernier baiser, encore, encore et encore un dernier ! Légers comme des papillons avant qu’elle ne vienne s’enrouler dans son peignoir, range la chevelure encore humide pour mieux suivre Séraphin à la cuisine, venir l’entourer de ses bras, poser son front contre son dos, les mots délicats sur les lèvres.

– Je veux cuisiner pour toi moi-aussi, Séraphin... Je peux préparer le repas avec toi ?

De la tendresse, encore et encore, des baisers si doux toujours et le sourire qui se partage autant que les caresses.
A la réponse de Séraphin, Guenièvre ne peut qu’être heureuse, répondre joyeusement à ce baiser et savourer chaque geste amoureux.

Enroulée par ses soins, elle rit, serre la boucle à sa taille et vient voler un énième baiser bienheureux quand ils vont cuisiner ensemble.

C’est un mot qui fait battre le coeur plus vite et qui étire un sourire plus grand encore sur les lèvres tandis que les joues rougissent.
Et quand il s’excuse, Séraphin, la jeune femme ne peut que soupirer, l’air attendri, folle d’amour quand elle vient prendre les mains pour les embrasser délicatement avant de voler un énième baiser, une énième tendresse bien trop belle pour ce monde.

– C’est parfait Séraphin, ne t’en fais pas.. On peut très bien se contenter de pommes de terre au feu, c’est parfait.

C’est parfait car il est là. Séraphin suffit à nourrir le coeur de Guenièvre.
L’air léger, ses pas la guide aux pommes de terre qu’elle garde avec elle. Quelques mains curieuses fouillent les placard à la recherche de quoi rendre ces pauvres pommes de terre plus goûteuses. Quelques herbes, quelques baies écrasées et quand le feu réchauffe l’air, Guenièvre demande à mettre les féculents sous les cendres. C’est une recette des plus simples mais un grand sourire couvre les lèvres tant elle est heureuse de partager ce repas avec l’aimé. Un nouveau sourire à Séraphin quand elle reste proche du feu, se réchauffe paisiblement en tendant une main à Séraphin.

– Viens là..

Doucement saisir ses doigts, doucement l’attirer à elle pour s’asseoir devant le feu, la tête contre son épaule, remuant les cendres doucement en attendant que le repas soit prêt. Il n’y a rien de plus apaisant que lui, jamais. Et Guenièvre savoure chaque seconde, des mots doux sur les lèvres.

– Tu me rends heureuse Séraphin, j’espère que tu le sais..

Séraphin, c’est un peu son amour qu’elle te dit là, sans pouvoir dire les vrais mots et les joues sont rougies, le regard timidement plongé dans le tien.

Le monde peut bien s’arrêter, tout est trop beau aux côtés de Séraphin.

Oh, la soirée est si douce et le réveil ne l’est que plus. Guenièvre prie pour que cette vie soit bien la sienne car les moments passés avec Séraphin sont bien trop beaux. Elle a le coeur qui bat la chamade à chaque instant et le sourire qui étire les lèvres à en faire oublier le corps douloureux.

Du réveil à la nuit, elle reste dans ses bras, s’enivre de ses lèvres, ses bras, sa voix au creux de son oreille quand elle lit dans ses bras.

C’est une vie si douce, être à Séraphin toute entière. Il n’y a que lui et elle, que cette bulle si douce où ils peuvent s’aimer sans nulle autre crainte que celle de voir finir la tendresse.

Alors on s’aime plus fort, avec des caresses, des mots tendres et des rires tantôt innocents tantôt suaves. Sur le canapé, à table, au creux des draps avec plus de passion jusqu’à ce que la nuit vienne les cueillir et que Guenièvre savoure simplement sa peau moite contre la sienne, l’oreille posé contre son coeur quand ses doigts tracent de sinueuses courbes délicatement, la tête dans les nuages car avec Séraphin, elle flotte toujours si haut.

Le sourire délicat quand on se réveille encore dans un rêve. Séraphin la tient dans ses bras et elle ne peut que déposer mille marques de tendresse sur sa peau entre des mots susurrés à son oreille.

– Bonjour Séraphin… Bien dormi ?

Un sourire toujours quand elle lève le regard pour croiser le sien, assise dans le lit sans une seule pudeur pour sa nudité. C'est que Séraphin a su ignorer les plaies, la couvrir d'amour à lui en faire oublier la honte des rougeurs sur sa peau, là, par dessus les vieilles cicatrices qui marbrent la peau. Sauf que lorsque son regard croise celui de Séraphin ce matin, elle n'y voit plus la même légèreté et Guenièvre sait. Elle sait instinctivement qu'il y a un problème.

Elle tente tout de même d'ignorer la douleur, revient s'allonger contre son torse pour lui voler un baiser inquiet.

– Tu veux que je prépare du thé pour le petit déjeuner..? Tu as l'air ailleurs..

Oublions, il le faut, oublions tant que tout est beau, Guenièvre ne veut pas perdre ça. Alors elle vole des baisers, doux et empoisonnés de mensonge car Guenièvre a peur de la vérité et des reproches qui seront fait à son âme brisée.

Ne dis-rien, pitié, tais-toi. Le coeur de Guenièvre l’implore quand il hésite à briser leur paix. Il a ce sourire qui lui dit qu’il est trop tard, ce sourire qui ne rassure en rien. Le regard se détourne de lui quand elle redoute déjà ses mots. Oh, le toucher si doux un instant plus tôt est désormais si douloureux car il y a la peur de tout perdre qui vient nouer tout l’être. Un baiser et ses bras la quittent. Guenièvre a froid, tellement froid sans lui, tellement froid quand il y a ce “mais” qui flotte dans l’air.

Elle en sent déjà le coeur s’agiter d’angoisse, la gorge qui se noue quand elle essaye de répondre, le regard toujours bas quand les blessures n’ont pas cessé de faire mal.

– Oui, mais nous avions convenu de ne plus y penser Séraphin…

Le regard qui n’ose pas plonger dans le sien, qui se cache derrière les rideaux pâles car déjà, Guenièvre sent l’horrible conversation venir lui briser le coeur.

Il poursuit et elle ne peut que hocher la tête, que confirmer qu’il la rend bien heureuse sans pouvoir le lui dire à haute voix quand il continue encore les questions. Une question qui vient lui couper le souffle car Guenièvre ne le sait pas, elle ne sait pas comment répondre à cette question.

Alors la main se crispe sur les draps, la tête reste basse, le visage caché derrière les mèches blanches quand les paupières se sont closes à la recherche d’une quelque cachette pour les larmes qui menacent déjà.

Bien sûr qu’elle n’est pas heureuse, bien sûr qu’elle souffre mais que peut-elle faire d’autre ? Elle n’a connu que ça, Guenièvre et avant Séraphin, c’est ce qu’elle appelait Amour, les coups et les douleurs, un Amour pourri qu’une personne aussi pourrie qu’elle mérite.

Si Séraphin a cette peine en lui, c’est seulement car il ne connaît pas la vraie Guenièvre, l’horrible Guenièvre, celle qui a tué, celle qui a péché. Et l’idée même que son regard change est insupportable. Guenièvre ne peut l’imaginer, elle ne peut plus vivre sans, cette douceur, cette tendresse et égoïstement, le monstre  veut profiter encore de cette douceur, profiter de ce répit dans une vie faite de punitions pour l’erreur qu’elle était.

Séraphin, pitié, pas un mot de plus, crois au haussement des épaules qui se voudrait désinvolte, qu’importe la douleur qu’apportent leurs viles tortures tant qu’elle peut t’avoir.

Cette main sur la sienne, cette tendresse quand il prononce son nom, Guenièvre ne peut que les accepter honteusement, apeurée car elle pourrait bien tout perdre.

Ils ne sont plus de simples amants, ils sont bien plus que ça et c’est douloureux, tellement douloureux de devoir la vérité.
Il l’implore de parler et le coeur souffre, la main frôle le visage et elle ne peut que trembler. Elle fait mal, si mal, cette vérité ! Et en même temps, à quel point avait-elle été sotte en pensant avoir droit à un peu de bonheur ? Guenièvre ne peut que rester immobile, crispée contre l’aimé quand elle aimerait seulement l’aimer à tout en oublier.
Il y a déjà des larmes qui trempent la main de Séraphin, déjà trop de larmes quand elle a la voix qui se casse.

– Séraphin s’il te plaît.. Ne me demande pas ça..

Car c’est lui demander de se poignarder elle-même, ce que tu lui demandes, Séraphin.

La gorge nouée, la tête qui reste basse quand elle murmure, ébranlée.

– Je ne veux pas que tu me détestes, une explication en entraînera d’autres et je… Non, non, non..!

Plus de larmes et ce corps qui s’éloigne, se cache dans le tissu pour mieux fuir l’amant et toutes les réalités si dures. Elle reste debout, fébrile et le coeur tourmenté, ses seuls bras pour l’entourer, les sanglots qui secouent le corps déjà. Comment peut-elle lui dire ? Comment peut-elle lui avouer qu’elle hait ces douleurs, qu’elle ne peut que les accepter car c’est là sa place, dans la souffrance, comment le lui avouer sans faire face au grand “pourquoi” ? Comment ? Elle devrait lui avouer les cruels actes et voir son regard se tâcher de dégoût, le même qu’elle ressent à son propre égard.

Séraphin, pitié, cesse ces inquiétudes car jamais elle ne supportera le dégoût dans tes yeux.