Cela commençait à être une habitude de perdre Iphigénie de vue. Vos balades rimaient toujours avec mascarades, tu le savais bien, et pourtant cela ne t’empêchait pas de tomber dans le panneau à chaque fois. Au départ, tu avais encaissé sa disparition dans un rire. C’était un grand jeu entre vous. On se dérobait au regard de l’autre (souvent Iphigénie) jusqu’à la panique (souvent la tienne) avant de se retrouver dans un éclat de rire (et quelques cheveux blancs en plus). Puis, rapidement, l'inquiétude t’avait gagné. Et si elle était tombée ? Si elle s’était perdue ? Un peu père poule, Jasper, tu as encore du mal à admettre que tu as adopté les sœurs de Diane comme une part entière de toi. Un peu trop protecteur, qui saute toujours au scénario le plus le sanglant, le plus grave. Des nouveaux cheveux blancs à ajouter sur ton crâne.

— Iphigénie ?

Évidemment, elle ne te répond pas. Tu avais fouillé la cour de long en large, jusqu’à aller derrière la forteresse, près des écuries. On y stockait moult choses en préparation des banquets quotidiens donnés en honneur des Vaudreuil. Des centaines de cachettes possibles. Des centaines de façons de se blesser.

— Iphi, Son Altesse royale est priée d’arrêter de faire mourir d'inquiétude son beau-frère.

Toujours rien. Mi-agacé, mi-inquiet et un quart amusé, tu cherches du regard le moindre signe de sa petite tête blonde. Rien. Non. Pas rien. Un son. Tu soupires malgré toi, il n’y avait qu’elle pour te prendre en traître par-derrière avec la même discrétion que Selena qui débarque dans une pièce.

— Par les Arcanes Iph-

Première boule.
Tu regardes pantois ton torse où s’étale à présent un pâté neigeux.
Seconde boule.
Cette fois-ci blonde et qui manque de te faire tomber.
Troisième boule.
Cette fois-ci faite de neige et en plein dans ton visage.

Grimace sous le froid qui mord ta peau, avec un bruit fort distingué et exagéré. Parce qu’on n’est pas rancunier. Pas avec elle, du moins.

— D’accord, je confirme que tu m’as eu.

Prends le temps de te baisser pour te secouer la tête
(Préparer une boule en traître)
Te relève quand la neige s’est délogé de ton crâne
(Et lui colle sur la figure)

— Mais vous baissez votre garde bien trop tôt, jeune guerrière.

Un sourire.
Un rire.

Le plus drôle, dans tout ça, c’est qu’elle est plus vieille que toi.

Iphigénie rimait avec énergie. Même plus âgée que toi, tu te sentais toujours beaucoup plus vieux en sa présence. La sensation d’être dépassé par cette force brute qui balaye tout et vous fait tourner en bourrique à longueur de journée. À Briserune, l’on vous apprenait le calme, à Malronce l’on apprenait visiblement la vie. Mais c’était peut-être aussi pour cela que tu aimais ce pays. Il te semblait, Jasper, bien mieux résister au froid depuis que la présence solaire des Vaudreuil était avec toi.

Alors tu acceptes avec abnégation ta sentence. Couché sur la neige, le visage barbouillé de blanc. Qu’elle se venge autant qu’elle le veut, tu as rapidement compris que tu aurais un mal fou à dire non à tes belles-sœurs. Tu avais abandonné l’idée de rester emmitouflé dans tes habitudes lorsqu’elles étaient là. Si Selena avait été une bonne entrée en matière quant à la vivacité Malroncoise, Iphigénie avait été un plat de résistance extrêmement copieux.

— À la condition que tu me libères… Les contacts physiques, tu sais.

Ça aussi, ça avait été quelque chose que tu avais compris qu’il allait falloir abandonner. Impossible de dire s'il s’agissait seulement de Selena et d’Iphigénie, mais ce goût du contact facile et du manque de pudeur avait sûrement été la barrière la plus compliquée à franchir pour toi, Jasper. On ne t’avait jamais habitué à ce goût du corps, même avec les tiens. Se toucher, se prendre dans les bras, ça n’avait jamais été ton quotidien. Tu aimais mettre cela sur le compte du climat rude, mais il y avait une différence flagrante entre les Vaudreuil et les Riegel que tu n’avais pas la malhonnêteté d’ignorer. Chez les Vaudreuil, se dire et se montrer qu’on s’aime n’avait rien de honteux. Tu avais été à la fois honoré des marques d’affection de cette belle-famille que tu considérais en silence comme la tienne, mais tu avais encore un mal fou à gérer l’intrusion dans ton espace vital, ce goût des embrassades et, surtout, ce corps qu’elles et ils assument par-dessus tout. Selena t’avait fait la remarque, une fois, que tu allais devoir apprendre à faire tomber la chemise un peu plus souvent sous peine d’être le plus ennuyeux des maris. À ça, tu avais avalé de travers ton verre de vin et manqué de t’étouffer en plein repas. Mais avec Diane, c’était différent. Avec Diane, c’était toujours différent.

Tu te relèves Jasper passant une main énergique dans tes cheveux pour te débarrasser d’un maximum de neige. Iphigénie demandait une ballade, elle allait en avoir une.

— Tu iras te promener de toute façon, alors autant que je vienne. Parce que je pense que Diane me tuerait vraiment s'il t’arrivait quoi que ce soit.

Et tu avais pris un goût très prononcé pour la vie depuis tes fiançailles.

— Diane, Clovis, Prudence, Selena, mon père, ton père, Uriel, une nation entière… Même pour un briserunien d’élite cela commence à faire beaucoup.

Ça aussi, Selena t’a fait la remarque. Se dérider un peu, faire des blagues, arrêter d’être la définition stricte d’un lord, parce que tu étais humain, après tout, et que les humains font preuve d’humour avec leurs proches.

— Tu veux aller voir les renards ? C’est la saison des nouveau-nés, en ce moment, et ceux près de la forteresse ne sont pas farouches.

Et tu préfères la voir s’extasier devant des jolies petites boules de poils que devant la prochaine boule de neige qu’elle compte t’envoyer.

Oh, que tu t’amuses, Jasper n’en doute pas. Ce dont il doute, c’est de sa capacité à s’amuser aussi. Déjà tendu, déjà les sens en éveil, comme si au moindre pas, tu risquais de disparaître. C’est que, Briserune avait beau être belle, elle n’en restait pas moins dangereuse, Iphi. La glace était traîtresse, le manteau blanc dont elle se paraît aussi. Des accidents, il y en avait souvent. Des enfants qui tombent sous les lacs gelés, ce genre de choses. Il imagine sans mal sa tête au bout d’une pique si ça devait arriver. Et, aussi incroyable que ce soi, ce n’était pas vraiment dans ses projets d’avenir.

Alors il te guide. Tu sais, Briserune lui paraît parfois bien vide comparé à Malronce. On a beau être fier de son pays, on jalouse un peu vos richesses. Chez toi ça grouille d’odeurs, de lumière, de sons. Chez lui, eh bien, c’est un peu plus morne, plus austère, la vie n’est pas la même. Mais il reste quand même fier de Briserune, de ses secrets, fier d’avoir sur place des choses que vous n’avez pas chez vous. Comme cette faune, par exemple.

— Vas-y doucement, tout de même.

Ce serait idiot de les faire fuir. Il y a des périodes dans l’année, à Briserune, celle des renards, celle des tournois. Ça rythme la vie, le temps qui passe, parce qu’on sait qu’il peut paraître long parfois. Un léger sourire quand il t’observe face aux boules de poils. Jasper a longtemps voulu en adopter un sans jamais oser le faire. Une certaine culpabilité à retirer un animal de son milieu naturel par simple égoïsme, puis aussi l’intime conviction que ce genre de bête serait toujours plus heureux en meute que dans une salle en pierre. Alors on se console en allant les voir.

Il s’approche à son tour pour s'accroupir et tendre ses mains gantées. C’est souvent joueur les nouveau-nés, plus d’une fois, on est revenu à la forteresse avec des griffures et un sourire idiot aux lèvres. Parce que c’était si mignon, vous comprenez ? Alors on pouvait bien pardonner les griffes. Occupé à agiter le doigt pour amuser le plus farouche de la bande quand tu demandes pour nos enfants. Et là, on s’étouffe avec la salive et on pique un fard. Nos enfants. Oui. Oui. Bien sûr.

— Je… Heu… J’avoue ne pas m’être penché sur la question.

Le mariage déjà, lui semblait si loin. On parlait de fiancée, de vie commune, mais même après tout ce temps, il peinait à pleinement en prendre conscience, Jasper. Une partie de lui restait accrochée à l’idée qu’on allait faire des allers-retours entre Brave et Roserai pendant des décennies encore, alors que dans à peine deux ans Diane serait là. Avec nous. Mariés. Ensemble. Et évidemment, suivraient des enfants. C’était ce qu’a vous avaient appris depuis tout petit.

Pourtant, si tu savais Iphi. Le sujet n’avait jamais été abordé parce que les convenances interdisaient de trop de se projeter. Pourtant, si tu savais, il y a des fois où il rêve d’envoyer l’étiquette se faire paître. C’était déjà assez douloureux et frustrant de s’aimer courtoisement, comme le veulent nos parents. Des envies d’adolescents, de juste s’aimer simplement, de s’embrasser derrière les rideaux, de se cacher à en glousser pour Juste s’étreindre un moment. L’envie en peu honteuse, qui le fait rougir, de vouloir la rejoindre le soir jusqu’au petit matin. D’arrêter d’être un lord propre sur soi, de juste être un homme comme les autres, aussi libre que les autres. Mais on ne peut pas, n’est-ce pas ? Parce qu’on n’est pas les autres.

— On n’en a jamais vraiment discuté. Mais j’aimerai bien, un jour.

Avoir sa propre famille. Cesser d’être un gosse. Être un homme. Avoir un héritage à défendre. Mais on est aussi un peu honteux d’avouer, que l’idée de créer la vie angoisse aussi.

— Seulement, j’ai peur du résultat. Quand je vois mon père, quand je vois mon éducation, ce que j’ai vécu ici, ce n’est pas ce que j’ai envie de transmettre. J’aimerais bien créer un cadre sain et simple pour eux, pour Diane. Mais est-ce que ce sera seulement possible ? On n’est pas n’importe qui, Iphi, nous sommes de nobles sangs. Et, je ne sais pas, mais une partie trouve ça presque cruel d’imposer à des enfants à naître un genre de vie qui n’a jamais rendu heureux qui que ce soit.

Parce que s'il existait un noble épanoui, ça se saurait.

Tu n’es pas ton père. Et tu n’as aucune idée, Iphigénie, d’à quel point ces mots sont source de soulagement et de déception. Si on était comme lui, on aurait peut-être l'approbation. Si on était comme lui, on aurait peut-être le droit de vivre autrement que dans la soumission. Il a tant rêvé de confiance réciproque, Jasper, d’un lien semblable à celui qui vous lies, vous les Vaudreuil, mais ça n’existe pas chez les Riegel. Une solidarité dans le clan, il y en a une. Soudée et unie était la famille, mais elle ne l’était pas dans l’amour. La chaleur du foyer n’existait que par les feux de cheminée. Mais soulagement aussi, car une partie de lui exècre cet homme nommé chef de famille. Cet homme au regard froid, cet homme qui enchaîne par les mots et les gestes les siens. A-t-il seulement aimé un jour, il se le demande. Son cœur, a-t-il battu pour autre chose que le devoir ? Il n’en est pas si sûr.

— Ô ne lui dis jamais. Un barbare du nord profondément gentil ? Je crois qu’il ferait une attaque.

Pourtant, il avait cultivé ce goût de la diplomatie et de l’ouverture, de l’échange et de l'empathie. On ne l’avait jamais puni pour être doux, Jasper. Si sévèrement modelé, il ne pouvait pas croire être autre chose qu’un résultat attendu et parfait. Puisqu’il avait obéi. Puisqu’il avait suivi au pied de la lettre chaque consigne. Pourtant, Jasper n’est pas son frère. Pourtant, Jasper n’est pas ce fils qu’on gratifie de tape sur l’épaule ou de mots encourageants. Dans le regard du père ne brillent ni douceur, ni amour, juste des attentes, d’interminables attentes. Et il ne comprend pas Jasper, s'il suit le bon chemin pour le contenter, ce père, ou si sa servitude ne fait que le désespérer.

— C’est drôle, il s’est acharné à m’apprendre l’importance de la communication alors qu’il n’a jamais verbalisé clairement ses attentes me concernant.

Acharné. Tu n’imagines sans doute pas à quel point le mot n’est pas exagéré. Alors qu’il tend la main pour venir grattouiller le museau des petits renards joueurs, petites boules de poils adorables qui se délectent des caresses, habitués de la présence humaine, presque les animaux de compagnie du domaine, des animaux de compagnie en totale liberté. Un regard vers toi quand tu évoques que l’amour suffit, que ça les rendra heureux. Et il se demande si tu as raison. Est-ce que ça suffira vraiment ? Si la conclusion est si simple, pourquoi nos pères nous enseignent le contraire ?

— J’aimerais leur donner ce que je n’ai jamais eu. J’aimerais leur donner le choix. Parce que nous sommes une vieille famille, on nous contraint à avoir des opinions, des croyances et des infinités préconçues. Il y a un cadre strict et quand on en sort, c’est la culpabilisation suivie de la punition.

Sur le ton de la confidence, il glisse, un sourire subtil, comme-ci il allait te dévoiler le secret inavouable. Un secret qui n’en est pas un, on ne dit pas les Briseruniens renfermés et austères pour rien.

— Tu sais, je ne suis pas censé vous aimer, ni aimer Malronce d’ailleurs. Ce qu’ils veulent voir, ici, c’est une soumission forcée et pénible, un genre de sacrifice terrible mais noble pour le bien du pays. Parce que pour eux, un Briserunien ne peut et ne veut être que Briserunien. Aimer un autre pays, c’est incompatible, ça ne va pas.

Lève les yeux, un air légèrement théâtral.

— De ce fait, quand je dois aller à Roserai et simuler ô combien c’est une tâche pénible, je demande au cuisinier de me préparer du chou. Je déteste ça, j’ai une expression tellement dégoûtée pendant les repas que j’ai l’impression qu’il culpabilise, parfois.

Ce qui veut aussi dire quand il fixait son assiette d’un air terrible, la dernière fois, ce n’était pas parce que tu l’avais battu aux échecs. Il te lance un sourire, avant de rire plus librement.

— Toujours pas de fiançailles à l’horizon, pour toi et Prudence ?

Il te sourit comme pour te dire qu’il espère aussi, mais il n’y croit pas, Jasper, il n’y croit plus. Aussi terrible que ce soi, ça n’aura jamais de fin. Ça en aurait peut-être eu une s'il avait été le premier des fils, s'il avait été celui qu’on destinait à être aux commandes. Mais ce n’est pas lui non, ça ne le sera jamais. Alors ça n’aura pas de fin. Mais on s’y fait, Iphi. Jasper était devenu bon au jeu d’enterrer ce qui doit l’être.

Alors quand on aborde la question des fiançailles et que tu t'offusques, il rit, Jasper. Est-ce que tu ressens pour toi, Iphi ? Est-ce que tu t’amuses ? Est-ce pour ce goût de l’amusement que tu te dresses face à l’idée de l’union ? Pourtant, tu n’y échapperas pas, toi non plus. Viendra un moment où on te liera de force à un inconnu pour perpétuer la sainte tradition. Les enfants couronnés finissent toujours mariés. Si c’était vrai pour lui, ça l’était forcément aussi pour toi.

— Cela arrivera sûrement plus rapidement que tu ne le penses, Iphi. Si le roi a accepté de marier sa fille aînée, il est fort possible que vous suiviez prochainement.

Il sait que l’hypothèse ne va pas te plaire, mais il ne sait pas mentir, Jasper. Il sait se taire. Il sait détourner les conversations, mais certainement pas murmurer de doux mensonges. Il ne sait pas, non. En revanche, il sait faire sourire autrui.

— Ceci étant dit, tant que les serments ne sont pas prononcés, on peut toujours faire machine arrière. Le mariage est une promesse, mais les fiançailles ne sont rien de plus qu’un contrat sans grande valeur. Alors si, par le plus grand des hasards, ton futur fiancé en vient à vouloir rompre, il le peut.

Théoriquement.

— Sinon, tu peux faire comme la baronne sanglante. Impossible à marier, parce que tous ces fiancés avaient la mauvaise grâce de disparaître du jour au lendemain.

Une vieille légende, d’une femme tellement attachée à son indépendance qu’elle avait, dit-on, supprimé chaque homme à qui on avait voulu la lier.

— Iphigénie Baronne Sanglante Vaudreuil. Avoue que cela sonne bien.

Le rire fuse, Iphi. Face à tes réprimandes, il se sent soudain puissant et libre, Jasper. C’est toujours comme ça, avec vous. Toi et les tiens, vous apportez une insouciance qui n’existe pas sur les terres du Nord. Avec vous ça rit, avec vous ça danse, ça bouge, ça chante. C’est une façon de vivre pleine de spontanéité qu’il n’a jamais connue avant. C’est ce qui l’a fasciné quand, enfant, il a franchi les frontières du pays de l’éternel été pour la première fois. C’est ce qui le fascine encore aujourd’hui quand il vous voit. Il ne saurait dire si c’est propre à toi ou à ton sang malronçois. Mais vous apportez chaleur et soleil avec vous. Dans vos rires, vos sourires. Il espère pouvoir rayonner aussi fortement que toi un jour, Iphi.

— Je ne vois vraiment pas ce qui te dérange, à Briserune ça serait même un surnom très apprécié. Iphigénie la sanglante, y aurait de quoi faire de vrais chants guerriers.

Et ça se laisse tomber à son tour dans la neige. Le froid ne lui a jamais posé problème, tu sais. Il est né sur ce manteau blanc et y mourra probablement. Comme son père, son grand-père, son arrière-grand-père et tous les Riegel avant lui. Mais il doit avouer que tes projets le séduisent, Iphi. Lui aussi, il a déjà aspiré à une vie plus simple, plus douce. Il a envié les animaux qui ne connaissent pas la crainte de l’avenir, car tout ne se résumait pour eux qu'à l'instant présent. Et alors qu’une boule de poils rousse lui tapote les cheveux avec curiosité, il fixe le ciel, Jasper.

— Ce ne serait pas raisonnable et on n’aura jamais le courage de le faire mais on pourrait tous fuguer et aller vivre dans les bois. On pourrait bâtir un petit village, on n’aurait de compte à rendre à personne d’autres que nous. On vivrait de ce qu’on construirait et chasserait. Tu pourrais courir sans que personne ne te reprenne, Prudence pourrait voir du pays, Diane pourrait être au calme et moi je pourrais faire un pas sans avoir peur de voir mon père me tomber dessus pour me parler de devoir, de sacrifice et de dignité. On pourrait vivre, tout simplement. Ce serait bien.

Être des adolescents, tout ce qu’il y avait de plus normal. Mais on ne peut pas, ni toi, ni lui. Parce que naître dans un château nous a conditionnés à une certaine vie. La richesse et le pouvoir sont une prison à laquelle nul ne peut échapper. Même l’enfant le plus innocent du monde ne peut prétendre à la liberté quand devant son nom se trouve un titre.

— Je me demande si nos pères avaient ce genre de rêve avant ou s’ils étaient froids et austères dès la naissance. J’espère qu’on ne deviendra pas comme eux.

Tourne la tête vers toi.

— Rends-moi un service, si tu vois que je tends à devenir un vieux lord aigri et rigide gifle moi, d’accord ? Je ne veux pas que Diane finisse mariée à un homme comme ça.