Ces moments que l’on appellerait plus communément du repos, une pause entre deux gardes. Car même si cela était exceptionnel, il arrivait à Elizabeth de dormir quelques minutes, tout au plus, qui additionnées arrivaient à de vulgaires heures qui n’étaient, de toute évidence, pas suffisante. Parfois même cette mauvaise habitude de rester devant la porte de la princesse durant la nuit, persuadée que si elle la quittait ce soir-là, le pire pouvait arriver.

Alors, rares étaient ces véritables moments de quiétude où Elizabeth était capable de se laisser aller. Il n’était pas question de retourner dans la demeure familiale afin de se reposer, mais bien de prendre du temps pour elle. Sans pour autant que celui-ci soit centré sur son entraînement personnel, car c’était du temps qu’Elizabeth était capable de lui donner, à elle, spécifiquement. Bien évidemment, cela ne signifiait pas le laisser-aller. Elizabeth qui ne quittait bien jamais son épée, qui était comme un troisième bras, tout comme son armure était une seconde peau -bien que légère dans ce genre de situation-.

Mais, quand bien même cela pouvait paraître étrange, Elizabeth savait que son rendez-vous serait apprêté d’une façon identique. Car bien que différentes, leur mode de pensée se rapprochait. C’était d’ailleurs pour cette raison que le temps lui était donné, comme les vingt-cinq ans partagés.

Ainsi, lorsqu’elle arriva finalement au port et qu’Elizabeth aperçu au loin cette chevelure rousse, c’est l’ensemble de son visage qui semblait se décrisper, comme si chaque trait, chaque muscle ressentaient un apaisement à la vue de ce sourire. Alors un faciès beaucoup moins rude même si le regard était toujours aussi profond. Quand bien même l’appréciation était au rendez-vous, mais c’est pourtant bien là un brin de rictus qui s’affiche lorsqu’Elizabeth arrive finalement à ses côtés.

« Être à l’heure est toujours très important. »

Car elle n’était pas du genre à arriver en retard, ni en avance à vrai dire. Sauf rare cas exceptionnel, qui concernait en priorité la princesse. Il était inutile de nier cette évidence.

« Tu ne m’as pas attendu trop longtemps, j’espère ? »

Chose qui n’était pas obligatoirement le cas d’Azazel.  

Elle avait acquiescé, tout simplement. Il est vrai qu’on lui disait souvent, qu’Elizabeth donnait cette impression qu’elle ne dormait pas suffisamment. Le regard toujours crispé et les cernes joliment dessinées. Pourtant, aussi souvent qu’on pouvait le lui faire remarquer, la garde ne ressentait pas la nécessiter de dormir plus longtemps. Ses nuits avaient toujours été courte, depuis sa plus tendre enfance, et elle avait bien fini par s’y accommoder.

« Autant que toi je dirais. »

Répondit-elle sur le ton de la rigolade qui était une symphonie bien rare venant d’elle. Peut-être devrait-il organiser au sein du palais un concours entre les gardes royaux, afin de déterminer qui avait les cernes les plus prononcées. Et sa main s’était élevée à la hauteur de son cou afin de le masser délicatement, afin de détendre un peu ses vertèbres. Il était vrai que d’un certain point de vue, la Princesse Maïa était parmi les altesses royales, celle que l’on pouvait souhaiter protéger. Car les dires étaient là, dans le fait, elle n’était pas si problématique, ni si vagabonde.

Du moins, tant qu’on ne la connaissait pas. Non pas que la Princesse avait l’habitude de s’échapper de la surveillance d’Elizabeth, loin de là. Mais elle appréciait sortir, parcourir Colza pour s’approcher du peuple et découvrir de nouvelles choses. Alors, cela signifiait qu’Elizabeth devait l’accompagner dans des lieux qui grouillaient de passant, de quoi mettre ses réflexes à rudes épreuves et à faire perdurer ses inquiétudes constantes à son encontre.

Et alors, Elizabeth s’était permit de soupirer, non pas de lassitude mais bien pour exprimer cette sensation d’avoir échapper à pire. Il est vrai que si elle avait été nommée auprès du Prince Euterpe, son cœur n’aurait sans doute pas faire long feu.

« Tout au long de ma vie, je n’ai jamais connu quelqu’un d’aussi calme à vrai dire. »

Du moins, d’actuellement vivant. L’unique douceur constante qui lui venait à l’esprit lui tira un air mélancolique. Quelques secondes tous au plus, avant qu’Elizabeth ne retrouve son visage quotidien.

« Je ne joue pas au chat et à la souris, c’est déjà ça. La Princesse aime beaucoup sortir, passer du temps dans la ville, alors c’est assez compliqué à gérer certaines fois. Surtout lorsqu’elle part avec la Princesse Electre en pensant, parfois, que ça peut être suffisant. »

C’était arrivé une unique fois, et après quelques explications, la Princesse avait compris qu’il était nécessaire de prévenir Elizabeth dès qu’elle souhaitait sortir, même si elle était accompagnée par d’autres gardes ou personnalités. Mais elle s’était tellement fait un sang d’encre que l’histoire, bien que datant de plusieurs mois, lui semblait inoubliable.

« Le Prince tente de te semer simplement pour t’embêter, ou au moins, ses escapades ont un but quelconque ? »

Elle avait acquiescé. De fait, tous les membres royaux avaient cette petite flamme à l’intérieur de leur titre. Ce besoin ou cette envie de découvrir le monde et d’entretenir des relations extérieures avec les membres du peuple. Mais, chacun réagissait d’une façon différente à l’idée d’avoir un chien de garder qui ne les quittait jamais. C’était là un sentiment qu’aucune des deux gardes ne pouvaient comprendre, car si elles étaient chacune l’ombre des Cascabel, c’étaient bien par choix et non pas par obligation.

Alors peut-être, que plus particulièrement Euterpe n’était pas vraiment fait pour être prince. Une obligation de naissance pour laquelle il n’avait aucune possibilité de réfuter. Il était Prince de Belorge, membre de la famille Cascabel quand bien même il s’agissait du cadet de la famille. Un rôle qui pourrait sans doute être trop lourd pour certaines personnes qui vendraient leur géniteur pour être à sa place, mais dans le cas de l’altesse royal Euterpe, il se contentait de vivre une vie parfois un peu indélicate.

Mais, il n’était pas du rôle d’Elizabeth de juger ou bien même d’avoir un avis sur cette situation car, de toute évidence cela ne la concernait pas. Bien heureusement, les actes de la jeune princesse ne semblaient pas déstabiliser sa meilleure amie et plus encore, elle était toujours apte à le protéger. Car malgré l’insouciance et les envies, un garde ne pouvait permettre la moindre blessure. Que celle-ci soit physique ou morale.

Et dans les faits, c’était quelque chose que ni Euterpe ni Maïa ne semblaient comprendre. Que leur vie était bien plus importante que celle des autres. Bien que cette dernière semblait un peu plus à l’écoute des propos de sa garde, si jamais elle se conduisait d’une façon déplaisante.

« J’ose comprendre son ressenti. Je suis aussi énervée lorsque je remarque que quelqu’un nous suit. »

Bien que ce n’était pas identique. Dans un cas, cela était pour le bien de sa sécurité et dans l’autre, un danger potentiel.

« J’imagine que les sens de son altesse royal Euterpe sont un peu plus affutés que ceux des princesses. »

Et elle avait finalement hausser des épaules, comme si c’était une solution miracle qu’elle venait de proposer à son amie d’enfance.

« Vous avez déjà essayé d’en discuter ? La Princesse Maïa est assez réceptive lorsqu’elle fait quelques choses qui peut s’avérer dangereux. »