Elle était enfin devenue Reine. C'était étrange, tu n'aurais pas cru que cela arrive aussi tôt et pourtant il était déjà bien tard. Tu avais pu profiter du temps qu'il te restait avant de sceller votre union (devoir).
Tous le monde s'était déplacé à Souffleroc, et ta mère avait eu la délicate intention de venir te trouver avant le début de la cérémonie.

— « Calmez-vous Clovis, ce ne sont que des fiançailles. »
— « Mère, vous n'avez pas le droit d'être ici. »
— « Je suis la Reine, mon fils. J'ai tous les droits, ne l'oubliez pas. »

Elle se rapprocha de toi, déposant sa main sur ta joue. La gorge serré, tu témoignais d'une impuissance qu'elle n'arrivait pas à supporter.
Son front se colla au tien et alors que ses mains vinrent chercher à se lier aux tiennes, elle instaura un espace de proximité ou même les convenances n'avaient plus leur place.

— « J'étais plus jeune quand j'ai du épouser ton père. »
— « Ne me faites pas la leçon comme si j'étais un enfant, s'il vous plait. »
— « Tu es mon fils, et tu seras toujours mon enfant. Tu as juste grandi trop vite. »


Tu avais tenu à t'habiller aux couleurs de Belorge, d'or et de vert également - mais sur ton veston étaient brodés des filaments carmins. Tu avais fait cette demande auprès de la couturière assignée à la maison Vaudreuil, ne tenant pas compte des propositions des Cascabel. Il se dégageait de toi une aura plus confiante, plus assurée, même si la réalité était tout autre. Non pas soulagé, mais résigné. Non pas heureux, mais l'important était de le faire croire.

Tu traversas lentement la haie d'honneur pour la retrouver devant l'autel. Ce n'était pas un mariage - pas encore - alors tous le monde n'était pas convié. Il ne se trouvait dans cette maigre foule que la famille, quelques familles issues de la noblesse et des personnalités politiques liées à l'alliance entre Malronce et Belorge. Beaucoup trop pour de simples fiançailles tu trouvais.

— « Votre Majesté. »

Elle portait la couronne désormais.
Tu inclinas légèrement la tête puis d'un regard neutre, tu balayas l'assemblée. Tu posas un genoux à terre et sortit un anneau d'une petite poche située en haut à droite de ton veston.

— « Alcyone Cascabel, je m'engage à respecter mes engagements auprès de vous et à vous accepter comme épouse quand la Maison-Dieu l'aura décidé. Que les Arcanes en soient témoins. »

Que les Arcanes en soient témoins.

La bague au doigt, les applaudissements. Tout se passait exactement comme il était prévu, orchestré avec brio, exécuté avec une perfection presque aussi intense que le fond de ses yeux reconnaissants.
Tu savais pourquoi tu faisais tout ça Clovis. Par amour ? Ce n'était pas la priorité. Par devoir, par conviction. Pour Malronce et aussi pour le royaume de ta fiancée.

Ta main dans la sienne, tu te tenais droit (menton relevé) et tu balayais l'autel dans la montagne de longs regards. Tu lui accordas un sourire chaleureux lorsqu'elle complimenta ta tenue et tes couleurs - c'était assez drôle vu que c'était les siennes.

— « Vous trouvez ? Vous m'en voyez ravi. »

Tu baissas la tête en signe d'allégeance. Elle était reine désormais. C'était impressionnant de se dire qu'elle avait le même rôle que ton père. Et que tu prendrais bientôt celui de ta mère.

Quand elle questionna ton bonheur, tu haussas un sourcil. Tu la trouvais adorable de se soucier de tes sentiments, et tu la remercias par un sourire sincère.

— « J'essaie de l'être. Cette situation ne me réussit pas, vous le savez. Mais je m'y accommoderais par amour pour vous. »

Tu en avais assez de te plaindre. Alcyone Première du Nom n'y pouvait rien. Et Alcyone Cascabel non plus.
Tu avais été audacieux d'imaginer échapper à ton destin alors que tu aurais du l'accepter depuis de nombreuses années désormais.
Et pourtant ton égoïsme se débattait dans tes entrailles, s'insurgeant de ta soudaine subordination à l'égard de tes obligations.

— « Et vous, l'êtes-vous, Alcyone ? »

Tu murmuras :

— « Maintenant que vous êtes à moi, je ne tâcherai de plus vous importuner avec Votre Majesté. »