Un pas métallique, l’alliage se fracassant contre le sol alors que tu déambulais dans les couloirs. Un amas de métaux bien distinct de celui des gardes royaux qui se pavanaient en leur armure scintillante, en leur armure qui n’avait jamais connu l’adversité. Des gardes pour une bonne partie nouveaux ou alors qui avaient survécu et failli à leur tâche de protéger la royauté de Malronce il y a des années.

La forme de parasite que tu étais se faufilant de couloirs en couloirs, la personnification de l’indignation que tu étais pour certains de par tes origines. Un homme du nord à la tête d’individus de pure souche, d’individus qui n’avaient connu que le griffon. Tout ceci n’avait plus vraiment le don de t’atteindre alors que tu remuais en ton esprit la raison de ta convocation, une raison inexistante à vrai dire. Tu avais juste été demandé en un lieu précis à une heure précise ni plus ni moins. L’appréhension te nimbait l’esprit ne sachant quoi penser de tout ceci, tu n’avais rien à te reprocher et tu n’avais pu ouïr la moindre rumeur sur de potentielles opérations à mener à l’encontre d’autres royaumes.

Un mystère se formant, tu allais bientôt avoir ta réponse dans tous les cas alors que tu approchais doucement mais sûrement de la salle que l’on t’avait indiquée. Une pièce qui servait en général aux rassemblements du conseil ou plutôt au regroupement des régents qui s’occupaient de ce peuple, de ce pays. Six chaises et une table, voilà ce qu’était le cœur de cet endroit, les diverses décorations n’ayant que très peu d’intérêt à tes yeux.

Tu n’avais dénié t’asseoir alors que tu étais dos à la porte principale. Tu osais espérer que l’on ne t’avait fait déplacer pour rien tandis que tu cherchais encore et encore en les tréfonds de ta psyché l’origine de ce ménage. Tu étais toujours tourmenté en quelque sorte par les entrevues non pas forcement illégales mais quelque peu confidentielles. Cela ne présageait rien de bon et avait le don d’apporter plus de problématiques qu’autre chose. Les rats savent se faufiler partout et tu ne doutais point que cela était aussi le cas en les murs même du palais de Roseraie. Une impatience malgré tout des plus présentes paradoxalement, que tout cela s’entame et se finisse rapidement.

Un regard furtif en un premier temps avant que ta curiosité ne soit totalement capturée. Il te semblait avoir une ou deux fois entrevu le visage qui appartenait à ton interlocuteur. Les lèvres toujours clauses alors que tu le décrivais silencieusement, avec un peu plus d’attention cette fois-ci qu’il aurait pu l’espérer de par le passé en un tout autre contexte. Il était indéniable que sa tenue et ce qu’il y avait sous son bras avaient fini de captiver ton esprit. Une couronne, la couronne du roi de Malronce, une chose que l’on ne confiait en aucun cas à un serviteur te disais tu. Tu n’avais malgré tout cilié, le laissant terminer sa prise de parole alors qu’un verre avait fini face à toi, au niveau de la place où tu pouvais t’asseoir.

Tu te contentas dès lors en toute première réponse de t’incliner en avant en guise de salutation et surtout de reconnaissance du rang du jeune homme, l’outil royal ne faisant qu’enfoncer le clou. Tu tiras doucement la chaise qui t’était attitrée lorsque tu finis de te redresser, des paroles précises se dessinant en ton esprit. Il semblait que le conseil avait su garder un précieux secret, la vraie question étant depuis combien de temps ? Tu avais depuis longtemps mis de côté l’idée de voir un roi sur le trône, tant que Malronce vivait, regagnait de sa splendeur. Il ne t’en fallait pas plus, une nation ce n’était pas un roi, une dynastie mais un peuple et ses traditions, ses coutumes pour toi.

« - Je vous avoue que je m’attendais à quelque chose de plus… Solennel votre majesté comme présentation. »

Un roi, à tes yeux tu te questionnais sur son intronisation, avait-elle eu lieu ? Allait-il y avoir une célébration officielle ? Des détails inutiles pour l’instant.

« - Mais la surprise est là je dois vous le confier et merci pour ce présent. »

Désignant le verre d’un prompt signe de main, tu étais là toujours droit, des doigts pianotant pour certains contre le bois de la chaise à tes côtés.

« - Je ne dirais pas cependant qu’il y a eu un quelconque concours de circonstances, il n’y a pas de hasard, juste des événements que l’on ne pouvait prévoir. »

Tu ne croyais que très peu au hasard et la chance, toi qui considérais que ce monde était bâti sur un schéma très précis. Son destin était de devenir roi, c’était la voie que les arcanes avaient prévu pour lui.

« - Cependant une chose m’étonne, pourquoi ne point porter votre couronne, est-elle trop lourde de par... Ce concours de circonstances ? »

Tu pris sur ces propos place sur l’amas de bois qui permettait de reposer ton être, toujours face à lui. Ta dernière phrase n’avait pour but d’être mesquine ou incisive mais plutôt à double sens, les derniers mots décrivant parfaitement l’idée que tu avais en tête. Il était jeune à tes yeux et comme il l’avait avoué indirectement peut être non préparé à un tel fardeau de par ce fameux « concours de circonstances ».

Le fixant en parallèle, ne le quittant du regard qu’importe ce qu’il pouvait déclarer. Tu fus quelque peu interloqué par une de ses phrases, ce temps est presque révolu. Du changement était il encore à prévoir de façon subtile ou plus brutale ? Tu avais tantôt porté à tes lèvres la coupe pour te désaltérer jusqu’au moment où les questions qui pouvaient fâcher finissaient par s’échapper. La langue se déliant un tant soit peu, cela n’était pas la première fois que tu étais confronté à ce genre de questions et cela ne sera sûrement la dernière. Pourquoi avoir fait le choix d’avoir le sang de Briserune sur les mains à l’opposé de membres de ton peuple qui eux avaient fait couler celui de leurs semblables et de Malronce. Pour toi la réponse était rapide même si d’un individu à l’autre la perception de biens des variables pouvait rendre ton point de vue caduque. Tu ne t’étais point fait prier pour exposer ta vision, tu n’avais rien à cacher et de toute façon tu n’appréciais tenir ta langue lorsque l’honnêteté était de mise.

« - Pour comprendre tout cela il faut revenir à la base de la relation entre Malronce et Briserune ou plutôt je dirais Malronce et sa région annexe. À partir de cela j’ai toujours perçu personnellement Briserune comme une extension de Malronce, il n’y a qu’à voir l’interaction entre les Riegel et les Vaudreuil votre majesté. »

Reprenant une gorgée alors que maintenant l’une de tes mains se divertissait avec le réceptacle, tu n’avais fini d’exposer ta pensée. Une pensée que tu appréciais toujours d’approfondir, peu avare en détails.

« - Il n’y avait que la culture, notre perception à la magie qui faisait diverger Malronce et Briserune et sûrement la tolérance vis-à-vis du climat mais passons ce détail. »

Une vision des choses simples, Briserune n’a toujours été qu’une autre région, un nom secondaire mais tu étais de Malronce au plus profond de toi.

« - De plus un vassal doit assistance et loyauté à son suzerain et mener une rébellion sans avoir utilisé la diplomatie avant… Je peux être bien des choses mais je ne suis pas un parjure. Lorsque l’on génocide deux capitales il ne s’agit pas d’une lutte pour le bien de tous mais d’une lutte pour le pouvoir juste pour le pouvoir. »

Une idée profondément encrée en ton esprit, tu n’étais pas un renégat, un traître, un régicide mais quelqu’un fidèle à ses convictions. Le peuple passe avant le pouvoir et on n’utilise celui-ci pour mener à bien ses ambitions personnelles. Il était toujours complexe de trouver l’équilibre entre fédérer et berner pour ses propres intérêts.  

Un génocide… Il avait utilisé ce mot mais était-ce vraiment le plus adapté là où bien des briserunes auraient pu se retourner vers Malronce. Il était de toute façon impossible de revenir en arrière et chacun devait composer avec le tragique déroulement de la destinée. Ce génocide, cette vendetta avait eu au moins un effet non pas bénéfique mais plutôt des plus pragmatiques du point de vue du peuple du nord. Bien nombre d’entre eux avaient trouvés une mort de par les armes, une mort de guerrier ce à quoi il n’y avait pas plus noble pour un briserune.

Tu vins terminer ton verre alors que tu n’avais quitté ton souverain maintenant dos à toi, baignant en la lumière du soleil. Tu te redressas à ton tour faisant quelque pas pour te retrouver face à lui s’il venait à se retourner, malgré tout éloigné alors que tu pouvais t’adosser à la table si tu le désirais.

« - Il n’y a pas de nom à donner, la guerre nous a frappé avec toute sa gloire et surtout ses atrocités. Qu’elles viennent de nous ou eux, il a fallu trancher et il est inutile de se tourmenter. Chacun a fait son travail et continue d’avancer aussi longtemps qu’il le peut, c’est nos devoirs respectifs aux rangs que nous occupons. »

Il y avait chez vous deux du sang sur les mains, chacun à sa façon, l’un en tant qu’instigateur et l’autre exécutant. Tu en profitas pour saisir la carafe et te servir un nouveau verre, le temps que ces propos soient digérés. Il y avait quelque chose qui t’avait fait quelque peu tiquer en son discours sur le conseil, ce qu’il disait n’était pas mauvais mais il y avait quelque chose de faux à tes yeux.

« - Vous dites que vous assumerez mais c’est vous le monarque, c’est à vous de prendre la décision, le conseil doit juste vous donner les cartes avec lesquelles composer. Faites attention en politique, la régence leur a peut-être ouvert l’appétit par rapport au pouvoir concernant les sages du conseil. J’appliquerai les décisions malgré tout là où notre objectif commun est de faire prospérer Malronce. »

Tu avais te concernant une requête maintenant que l’éminence, l’entité la plus importante de Malronce se trouvait face à toi. Maintenant que l’échiquier était enfin complétant celui-ci ne se limitant plus au conseil.

« - En tant que citoyen de Malronce j’essaie d’appréhender ce monde sous un autre angle, de base un homme né à Malronce ou à Briserune ne verra le monde de la même façon. J’ai besoin à défaut d’abandonner mes anciennes convictions d’entendre le discours qui s’oppose à celles-ci pour me conforter ou non dans mes croyances. Pensez vous qu’il soit possible que je prenne congés temporairement pour aller à Sombrelune sous votre recommandation de par mon rang. J’aimerai voir comment les magiciens peuvent m’exposer leur compréhension de la magie, leur vision des choses afin de la mettre à l’épreuve des croyances que j’ai connu depuis ma naissance. »
 

Il s’était montré relativement réservé en ses réponses même si ses mimiques pouvaient au moins trahir quelques réactions. Sans grand étonnement de ton côté, tu t’attendais à la réaction qu’il t’offrit lorsque tu évoquas le fait d’aller à Sombrelune au moins une fois en ton existence. Il ne semblait pas comprendre le pourquoi du comment mais en ton esprit tout était des plus clairs, limpide à souhait. Les briserunes n’étaient plus et les éventuels nouveaux ennemis de Malronce n’étaient que des peuples qui avaient embrassé la magie en leurs hautes sphères.

En parallèle tu ne t’étais point fait prier pour t’asseoir lorsqu’il t’y invita. Tu aurais pu être tenté de le tourmenter de questions afin de pouvoir du mieux possible le cerner néanmoins tu avais déclaré que tu exécuterais les ordres sans broncher. Être inquisiteur aurait été opposé à ce que tu avais énoncé.

« - Tant que cela n’est pas un non ferme mais juste une problématique d’agenda en quelque sorte je ne peux réaliser la moindre protestation votre majesté. »

Il avait soulevé des détails intéressants même si actuellement le royaume n’était guère en danger, il était toujours bon de prévenir que guérir. Briserune n’était plus et les autres royautés ne souhaitaient s’engager en des conflits sans avoir de meilleures cartes à jouer.

« - Sinon je voulais me rendre à Sombrelune car j’aimerai en apprendre plus sur la magie, ses possibilités car de potentielles ennemis de notre patrie seront mages. Vous n’affrontez pas un ennemi sans connaître l’ensemble de ses atouts à défaut d’aimer le risque. »

Tout ceci était à nuancer, la rébellion de Briserune avait bien écrasé Malronce alors que le pays du griffon disposait d’éveillés. Curiosité piquée malgré tout par un de ses propos, tu plissas un léger moment les yeux avant de reprendre la parole face à une inconnue qui s’était glissée en votre conversation.

« - Vous partez en voyage diplomatique ? Officieux ? Vu que la couronne de Malronce est toujours une énigme pour les puissances étrangères. Après si la raison de ce voyage est plus personnelle je comprendrais parfaitement votre silence. Il est juste toujours intéressant de savoir au moins où son suzerain va atterrir si problème il y a. »

Il est toujours fâcheux de finir comme son géniteur autrefois possesseur de la couronne.

Le sujet était parfaitement clos concernant ton désir d’aller en pèlerinage à Sombrelune au moins une fois en ton existence. Pèlerinage, un mot qui n’était pas forcement des plus adaptés en réalité. Tu avais pu au moins esquisser au travers de ce sujet le fait que Clovis était peut-être quelqu’un d’un tant soit peu ouvert au minimum. La suite de votre échange allant de surprises en surprises, tu fus étonné de savoir qu’il partait pour la Sphère même si tu avais conservé cette fugace émotion avec habilité. Les traits de ton faciès n’ayant que très peu bronchés, Sombrelune avait toujours été une chose distante alors concernant la Sphère… Tu avais tendance à oublier leur existence. Un monde sans érudits ne pouvait exister mais tu ne seras sûrement jamais apte d’appréhender le travail de ces individus. Être un Briserune était après tout comme une force et à la fois un malheur, un précaire équilibre malgré tout bien présent.

Tu ne t’attendais cependant à la suite et à la prise de parole de ton nouveau roi. Les sœurs ou plutôt les princesses, il est vrai que tu t’étais battu pour leur vie mais que tu n’avais su garder leurs traces. Un homme seul aussi talentueux soit il ne pouvait tenir face à son destin si celui-ci était de faillir à sa tâche, même la plus habile des lames n’était apte à exterminer des légions. Des sujets toujours complexes, tout le monde en le château avait au moins perdu un proche durant la chute de Roseraie. Tout le monde avait déjà porté le deuil même si toi tu l’avais connu avec la chute de Brave et la conquête de Briserune. En un sens Clovis avait une chance à tes yeux de par son âge, il n’avait eu lui à porter le deuil pour un enfant et il n’avait connu la discorde familiale…

« - J’aurai souhaité que les arcanes me permettent d’en faire plus mon roi. »

Alors qu’il t’avait congédié, maintenant dos à toi, tu méditas brièvement quelques propos maintenant que tu savais sur quelle tête reposait la couronne.

« - J’espère que vous saurez rapidement quel roi vous voulez être, que vous réussirez à être plus qu’un homme et à vous dévouer entièrement à un idéal. Si vous réussissez vous serez éternel, incorruptible. Je ne veux pas vous contraindre mais le peuple a déjà vu trop de sang. »

Quelques pas s’enchaînant à ton tour, il était temps pour toi de quitter ces lieux sauf imprévu ou retournement. Il était jeune, assumant tout juste son fardeau, un fardeau que l'on ne saurait quantifier.