encore une journée où ton esprit couve de noirs desseins ; les premiers d'une longue série, mais c'est la voie sur laquelle tu t'es engagé
pour lui
pour elle

((la promesse
de la protéger))

tu sais – sais que tu le fais animé par cette volonté mais la culpabilité ronge aux parois du coeur
est-ce le bon choix ?
si la maison-dieu le veut, elle n'apprendra jamais que tu étais derrière tout ça, maigre consolation mais suffisante pour te pousser à t'approcher des douves ;
un regard, bref, à la recherche de la cible parfaite – et c'est un enfant qui se démarque, dos courbé par l'effort et l'expression peu enjouée. tu t'en approches sans bruit et, à quelques mètres de celui-ci, élèves la voix :
— En voilà un qui n'a pas l'air satisfait de son quotidien.
comme attiré par l'aura qu'il dégage, une désagréable sensation de similarité entre lui et toi –
si ce n'est vos positions inversées, car tu sais ce qu'est être à la solde d'un roi que l'on n'approuve pas,
ce qu'on ferait, pour se sortir de là.
tu souris sous ta capuche, le sourire narquois
de l'oiseau de proie
((yeux rivés sur toi
petit pion qui ne le sait pas))

l’instinct qui a eu bon cette fois encore lorsqu’il te répond avec hargne – d’autres auraient courbé l’échine et ceux-là sont les pires ; stupides et incapables de comprendre les bons mécanismes pour survivre.
alors que lui, boueux, médiocre, semble suffisamment attaché à la vie pour marcher droit dans les fils que tu tendras ;
— Loin de moi cette idée…
tu n’es pas là pour te moquer, non, de ceux qui pourrissent sous la coupe des mauvais rois – il t’évoque tout juste de la pitié, comme un reflet de miroir imparfait – ce que tu aurais pu être si Antigone n’était pas arrivée, radieuse, pour te sortir de la médiocrité. quoique de ce garçon se dégage une haine plus véhémente que la tienne et
tant mieux
il n’en sera que plus désireux de venger les injustices que les Riegel ont perpétré ;
— J’ignorais que les pupilles faisaient les besognes des serviteurs. Les Riegel sont donc tombés si bas ?
chaque expression chaque g e s t e qui trahirait la volonté de ce garçon – son ambition
l'assurance qu'il sera le pion parfait pour renverser cette famille maudite, sans même devoir hausser un cil ; et Antigone n'appréciera pas,
et Idriss la secondera
toutefois, mieux vaut une victoire parfaite qu'un minime risque de défaite.

— Au temps pour moi.
tu retires ta capuche, assuré que personne n'écoute votre discussion – tous trop occupé à s'écorcher les mains dans la vase à leurs pieds
tu réalises que le combat à mener n'est même pas pour les sauver
Antigone sait-elle seulement le traitement qui leur est infligé ?
quelle f a r c e que cette révolte, et ce n'est pas ta place d'y réfléchir, tu attendras le sommet pour te permettre de juger ;
— Je cherche quelqu'un pour m'aider. Et vous m'avez l'air parfait dans ce rôle.
tu lui tends une main sans considération pour sa saleté – mains déjà salies de sang qu'est-ce que de la boue à présent
voix basse, tu murmures à ses oreilles et les siennes seulement :
— Ne désires-tu pas voir les Riegel crouler à tes pieds ? Reprendre ta vie en main ? Je peux t'en donner les moyens.
que le diable en témoigne, l'offre paraît si parfaite que tu t'attends à un rejet – espères presque qu'il va douter,
pour mieux le convaincre qu'il est irremplaçable ; miséreux comme il est, l'ambition qui dort sous la peau crasseuse, tu sais qu'il finira par accepter.

— Ce pays tombe en ruines, tu n'es pas d'accord avec moi ?
le pauvre s'attend sûrement à des réponses claires, nettes mais c'est par détour que tu opères – tu laisses la franchise à la reine et son Chevalier, pour qui la subtilité relève de faiblesse et manque à tous les honneurs
tu plaides volontiers coupable, si ton plan marche aujourd'hui – si ce garçon sans nom devient la clef de votre réussite.
— Sais-tu ce qui se passe, en ce moment même ? As-tu entendu la révolte qui gronde et menace chaque jour un peu plus les Riegel ? Ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils soient renversé et je te pose la question... A ce moment-là, veux-tu vraiment être de leur côté ?
tu replies ta main pour fouiller dans ta poche et en sors une petite fiole que tu lui tends :
— Cette fiole contient un poison qui tue quelqu'un quelques heures après ingurgitation.
la glisses rapidement entre ses doigts sales, histoire que personne ne pose les yeux sur cet échange indiscret ;
— Mes intentions sont simples. Je veux le meilleur pour ce pays, au nom de ma Reine, et je veux que tu m'y aides. Bien sûr, tu seras remercié si tu acceptes.

((tu resteras en vie
et c'est bien assez de merci))

en faire partie – oui, le coeur est avec Bathory ; plus que tes convictions ce sont les siennes qui te poussent à suivre la révolte, te pousserais à la suivre au bout du monde s'il le fallait
si elle le demandait
o b s é d é depuis son arrivée dans ta vie, la raison a déserté et l'honneur, pour elle, est volontiers mis de côté ;
— C'est une demande raisonnable. Je te garantis ma protection à une condition.
alors même que le pauvre accomplit déjà les basses besognes, tu dois t'assurer que jamais
jamais personne ne saura que tu es le commanditaire de cette action
— Tu ne dois dire à personne, sous aucun prétexte, que cette idée vient de moi.
et tu lui attrapes la main avec poigne, grand sourire aux lèvres lorsque tu murmures à ton tour au creux de ses oreilles ;
— J'ai le pouvoir d'assurer ta protection lorsque la Reine franchira ces murs, et tu m'as l'air d'un garçon intelligent. comprendre la menace sous-jacent que si tu peux le protéger, tu peux tout aussi bien le tuer s'il osait te défier. Tu as tout à y gagner, les cartes sont entre tes mains à présent.
le relâches et te recules d'un pas, t'assurant que personne n'a écouté ; quoiqu'un indiscret aurait été parfait en cet instant, pour illustrer ta capacité à te débarrasser de la moindre contrariété sans sourciller.

Tu ne peux retenir un sourire mauvais l’espace d’une seconde lorsque, comme tu l’avais espéré, il comprend les mots que tu n’as pas prononcé à voix haute – (parle et tu mourras) –et tu renfiles ta capuche sans plus de cérémonie.
tu as perdu déjà trop de temps ici et l’heure de la révolte approche, c’est aux côtés de ta reine que tu dois tenir ; en priant, encore, qu’elle ne découvrira rien de tes stratagèmes et cet échange plus particulièrement.
— Tu fais bien, je n’en attendais pas moins.
et pas plus, s’il ose dire un mot à Antigone, tu lui feras regretter toute sa vie durant d’avoir parlé
tu en fais le serment.
— Dans trois jours. Bientôt, tu auras ta liberté.
((mort ou vif, ce que tu te gardes de préciser))
— Donne-lui le matin, le temps que ça fasse effet.
tu lui offres un dernier sourire et voyant le soleil décliner, tu tournes sur tes talons ;
— Tu as ma parole que je te protégerai.
mais que vaut ta parole
lorsque tu es prêt à trahir la reine même à qui tu as juré fidélité ?
((l'enfer te veut damné))