C’était la sensation sincère, l’énervement existentiel. Le fait de tout simplement, perdre son temps depuis plusieurs jours. Qu’importent ses explorations, qu’importent ses rencontres. Rien ni personne n’était apte à lui apporter la trace de sa chère sœur. L’envie, lorsqu’il l’attrapera de la suspendre par les pieds jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’envoyer Ul n’était pas un acte réfléchit. Plus encore lorsqu’aucune lettre n’y était attachée ou que le message sonnait plus inquiétant qu’apporteur de bonne nouvelle.

Alex qui finalement, se mettait parfois inconsciemment en danger pour espérer retrouver Ann. Sans grand succès. Il retournait, encore et encore au point de départ. Avait fait le tour du lac à plusieurs reprises, avait longés la rivière jusqu’au gouffre. Avait parcouru les moindres recoins de Trois-Rivières. Et tout cela pourquoi ? Rien, de toute évidence.

Alors, anéanti. C’était ce qu’il était. Car le mage avait beau être en colère contre son sang, c’était une crainte qui avait raison d’être. L’idée que, finalement, elle avait pu belle et bien être kidnappée ou bien emporté par le courant jusqu’à tomber dans le gouffre. Un frisson avait parcouru l’ensemble de son corps tandis que la pression qui s’exerçait sur l’ensemble de ses muscles avait finalement lâché. Molasse, il était tombé sur le banc pour s’y asseoir. Tête dans ses mains. Bref, il n’en pouvait plus.

Il était fatigué, blasé. Sa tête le faisait souffrir tant les informations inutiles y fusaient encore et encore, sans jamais qu’il ne puisse s’en débarrasser. La peur, la crainte. Ann était beaucoup de chose, mais plus que tout, elle était une idiote. Comment pouvait-elle disparaître de cette façon, jouer les gamines insolente quelques semaines seulement après le décès de leur père. Laissant ainsi, mère seule avec Alain. Sa poigne attrapa ses cheveux, dans l’espoir que sa poigne qui tirait sa chevelure pouvait être suffisante pour faire échapper ses bourdonnements incessants sur les pensées sombres qui entouraient le jeune mage d’air.

Et finalement, c’est une autre voix qui vient le sortir de sa torpeur. Alex qui n’était pas capable de s’en souvenir, quand bien même il l’avait rencontré quelques jours auparavant. Alors, c’est lorsque son visage amorphe de toute vie qui s’élève pour voir qui pouvait bien l’appeler, lui qui ne connaissait presque personne sur les Trois-Rivières, qu’il la reconnu immédiatement.

« Ah ! Claire la marchande. »

Qu’il avait eu la bonté de ne pas se limité qu’à son métier.

Puis tandis que le mage remarque ce sourire qui s’efface, l’inquiétude qui se ressent. C’est un soupir qu’il exprime, lasse d’être ici, lasse de tourné en rond.

« Pas vraiment non. »

Alors qu’il garde sa bonne humeur habituelle lorsqu’il réponde d’une voix rauque. Claire n’y était pour rien dans son malheur, mais la moindre chose pouvait l’énerver plus que d’ordinaire.

« Vous avez bien vendu ? »

Mais que malgré tout, il s’intéresse au bien être d’autrui.

Il avait silencieusement acquiescé face à cette bonne nouvelle. Sans trop d’expressivité de sa part, il était pourtant compréhensible qu’Alex remerciait la Maison-Dieu d’avoir permis à Claire de vendre sa marchandise durant ces derniers jours. Ambrive était finalement beaucoup plus sujet à la vente de bijou, peut-être que si ses connaissances n’étaient pas en grande majorité sur le savoir des arcanes et de son Dieu, Alex aurait pu savoir que le commerce prospérait à Trois-Rivières, bien plus que les autres villes du royaume ne le permettaient.

Et Alex était finalement là, bredouille. Lui aussi, apprécierait que ses affaires roulent sans le moindre problème. Plus précisément, il aurait souhaité retourner à Sombrelune pour s’atteler à quelques tâches qu’il avait mise de côté durant la période qu’il avait effectué auprès de sa famille, pour les accompagner lors des derniers jours de son paternel. Mais de toute évidence, Ambrive n’était pas la solution à son problème. Rien ne l’était. Aucune magie ne lui permettait de retrouver ses traces, rien ne lui permettait de s’assurer qu’elle était toujours là et belle et bien sur ses pieds, à jouer au pitre ambulant.

« Nan. »

Qu’il grimace, exposant cette douleur d’incompréhension qui écrasait son cœur. A cette simple idée que, peut-être, il ne la retrouverait plus jamais.

Elle s’était finalement présentée comme une lueur d’espoir aux travers de ses multiples inquiétudes. Des paroles qui n’éprouvaient en rien une certitude, mais à l’heure actuelle, aux yeux du jeune mage d’air, la moindre supposition lui était importante. Le simple fait qu’Ann puisse avoir été aperçu dans les rues de la ville signifiait déjà que les pensées premières d’Alex étaient bonnes : elle s’était belle et bien dirigée vers sa ville de cœur.

Et alors, d’un bon, il s’était levé du banc pour attraper la marchande par les épaules. Avec une poigne remplie d’une force d’espérance, comme si Alex s’était retrouvé face à sa sœur qu’il ne lâcherait plus jamais.

« Vous êtes sérieuse ? »

Qu’il lui hurle alors dans les oreilles, sans véritablement le vouloir. Sa voix portait et la distance rapprochée de son geste ne faisait pas vraiment bon ménage.

« Elle était seule ? Elle allait bien ? Elle ne semblait  pas être sous la moindre contrainte ? »

Alors qu’il n’avait aucune assurance sur l’identité de cette personne. Son caractère était peut-être bien atypique, mais le physique pouvait parfois être courant.

« Elle me ressemblait ? Est-ce qu’elle me ressemblait ? »

Parce que souvent, on les comparait. Ann qui avait les traits presque identique à son frère, alors il était assez simple lorsqu’on les voyait côte à côte, de dire qu’ils appartenaient à la même famille.

C’était un soulagement certain. Peut-être que la vision de Claire tendait vers ce que le mage souhaitait entendre, que ses souvenirs de cette rencontre était légèrement décalés dans l’espoir de suivre le courant. Il existait d’innombrables possibilités en lien avec l’esprit humain qui pourrait, en vérité, faire planer le doute.

Mais le corps d’Alex réagisse en conséquence, les muscles de ses bras dorénavant flasques avaient fait disparaître la pression qu’il exerçait sur la marchande. Sa tête, troublée mais surtout débarrassée d’un certain mal être lui fit perdre sa droiture, un pas en arrière pour que ses fesses retournent en contact direct avec le banc qu’elles avaient quittés quelques secondes plutôt.

Plus que tout, Alex avait envie d’y croire. Et cela lui suffisait amplement, simple d’esprit qu’il était en réalité.

Sa joie était palpable, mais un refus qu’il exprime d’un mouvement de tête. En vérité, plus qu’une absence de réponse, le mage n’avait pas véritablement chargé. Bien trop occupé à tenter de suivre les traces de sa sœur cadette, il ne s’était pas vraiment attardé aux personnes qui ne correspondaient pas à ses critères de recherche.

Chose qui, sans doute changerait, une fois qu’il aurait enfin mis la main sur cette foutue gamine.

Alors, c’est finalement le regard rempli d’étoile qui lève vers Claire pour lui demander, avec tout l’espoir du monde.

« Ça fait combien de temps exactement ? Est-ce qu’elle aurait pu vous donner la moindre information ? »

Savoir qu’elle était passée à Trois-Rivières était une chose, savoir si elle y était toujours en était une autre.

Et l’information tombe.

De quoi s’accrocher, de quoi être persuadé. Alex qui entend, comprend. Acquiesce.

Il est vrai qu’Ann n’était pas le genre d’enfant à rester très longtemps quelque part, elle aime voyager. Elle aime s’amuser. Elle est ainsi, naïve et sans la moindre pensée (comprenez ici, dénuée de logique et d’intelligence).

Alors la tête s’incline, légèrement sur le côté. Tombe-à-pic ? Il en avait vaguement entendu parler, quelques fois mais c’était il y a bien longtemps. Incapable même, de dire s’il y avait déjà mis les pieds pour un quelconque patient.

« C’est à l’ouest d’Ambrive, ça nan ? »

Qu’il tente de visualiser, le phare est connu. Eclaire le gouffre avec une inutilité sans nom. Car a quoi bon éclairer dans la brume si seul le vide du gouffre existe. Mais soudainement, il se questionne. La joie qui l’avait pris de court, lui fait oublier la raison de cette supposition. Non pas qu’il craint les mauvaises piste, Alex sait que son temps est perdu de toute évidence. Cependant, si d’un accord commun avec sa cadette c’est un plan foireux qui lui est tendu.

« Elle vous en a parlé ? Ou bien ? »

Il s’agissait que de pure supposition. Deux réponses toute aussi possible, car Ann pouvait possiblement vendre la recette du paume secret de sa famille, qu’elle ne se rendrait même pas du tort qu’elle viendrait de causer.

Il est vrai qu’Ann passait souvent du coq à l’âne. C’était un fait qu’Alex ne pouvait qu’acquiescer avec les années qu’ils ont vécus sous le même toit. Elle était difficile à comprendre, difficile à appréhender. Alors au court d’une discussion, elle était capable d’inventer et de surenchérir à volonté. De quoi perdre son interlocuteur, sans nul doute. Plus encore, lorsqu’il n’était pas habitué a de telle manigance.

Alors dans un grognement, il avait réfléchi. Certes, il n’avait aucune sureté quant à la fiabilité de l’information. Mais, c’était déjà une piste. Et une piste qui tenait un tant soit peu la route, c’était finalement, ce qui lui manquait depuis quelques jours, car la seule information qu’Alex disposait était les connaissances sur sa sœur, et l’envie de découvrir le monde. L’évidence d’Ambrive, les murmures des villes. Et ses dents grincent lorsqu’il se relève une nouvelle fois, manque de peu de se mordre la langue.

Et d’un hochement de tête, il remercie Claire. Car ses habitudes restent encrées en lui comme dans la roche. Remercier de mot était un acte si difficile à exprimer, seul quelques rares personnes en avaient déjà perçu le son, de ce merci sincère.

« Je vais y aller de ce pas, je ne peux me permettre de la rater. »

Qu’il marche, passe devant la marchande pour finalement se retourner une dernière fois. Une seconde inclinaison de tête avant de repartir sans ce retournée. Il se promettait à lui-même que si il croiserait quelqu’un qui ressemblait à ses critères de recherche, Alex y ferait plus attention une fois la main mise sur Ann.