il pourrait être sombre et noir, il est plutôt éteint et gris. c'est parce qu'il se creuse en lui une nuance cruciale entre vivre et exister. son fardeau est celui des sentinelles qui ne savent plus ce qu'elles surveillent. il est meurtri dans le silence d'un exil aussi profond que sa blessure. il ne mesure pas sa peine et vaque à son existence anachorète, reclus derrière la vie sans plus y prendre part. l'entièreté de la forêt contient sa solitude. il pense que s'il meurt un jour les sangliers mangeront sa dépouille et il en sera heureux.






pour lui qui n'a jamais tout à fait accepté d'être un miraculé, il se charrie à travers le quotidien comme sa propre croix. il traverse le jour et la nuit comme un spectre ou un rôdeur. le lien social est une chose qu'il repousse par peur du malheur car son deuil est encore frais comme le sang qu'il voit parfois en rêve. il ne partage rien de sa perdition et ne fraye qu'avec les oiseaux de passage ou les autres ermites. s'il aime encore les gens quelque part en son cœur, leur compagnie l'épuise et leur contact l'effraie. comme avec les bêtes sauvages et blessées, il faut pour l'approcher accomplir le dur travail de l'apprivoisement. s'il lui vient parfois l'appétit communautaire ou le désir des gens, il reste timide et renfermé en lui-même.






d'autres marginaux, explorateurs, marcheurs, chasseurs, cueilleurs, éleveurs, errants de la forêt ont pu faire sa rencontre. il vit en ascète dans le bois depuis trois ans et n'en sort que rarement. il est aussi possible de le voir vadrouiller à blanchefeuille.

survivant de la dynastie riegel, il visitait une église pendant le massacre de sa famille - il a fui briserune pour grandvent après s'y être aménagé une tombe laissant supposer son suicide - sur l'épitaphe figure le nom de lia riegel, son identité assignée à la naissance et dont il s'est affranchi - il n'a jusqu'ici révélé son patronyme à personne - il abhorre son statut de survivant - il n'a aucune velléité belliqueuse ni désir de représailles - l'idée d'une croisade vengeresse le fatigue par avance - il écume la forêt en y semant les chantiers, les charpentes inachevées et les cabanes qu'il brûle - il ne reste jamais plus d'un mois au même endroit et anéantit toutes traces de son passage - il s'inflige l'abstinence, la privation et la dépossession pour se punir d'exister encore - il passe son temps le nez dans ses ébauches de maisons qu'il n'édifiera jamais - c'est un fervent lecteur, friand de traités scientifiques en dur - il dessine admirablement et réalise d'impressionnantes vues en perspective - il joue aussi de la mandoline après qu'un barde en voyage le lui a enseigné - c'est un trappeur d'exception qui peut poursuivre le gibier blessé pendant des jours jusqu'à l'exténuement - il ne pleure jamais et ne sourit pas davantage - sa voix est douce et lointaine comme un horizon distant - il semble incapable de colère, tout consacré qu'il est à son chagrin - s'il est maigrichon et disparaît dans sa peine, il est étonnamment endurant - il semble en permanence plongé dans une sorte de torpeur ou de léthargie