Devant  l’apparition de la dame de cœur, les quelques spectateurs présents furent stupéfaits. Ann se tenait devant son public, quelques applaudissements retentirent. D’un moulinet gracieux, elle tendit son chapeau, récupérant quelques pièces durement gagnés.  Depuis quelque temps elle remarquait que son gain était plus grand, ce n’était pas vraiment dans ces préoccupations. Elle battait les cartes alors que la petite foule se dispersait. George, son âne adoré broutait tranquillement. La tête vers le ciel, elle se disait qu’Ul n’était pas revenu.

Dans la brume, elle pensa à sa famille. Sa mère devait sans doute être dehors, à s’occuper de ses plantes qui n’avaient pas soigné son père. Cette pensée ne la rendait pas triste, mais nostalgique. Elle était pourtant partie depuis peu, mais elle avait l’impression qu’elle avait toujours été sur les routes. Le temps, Ann ne le maîtrisait pas. Son père était mort hier ou il y avait 10 ans, cela avait le même poids. Si sa mère avait pleuré, elle n’avait pas réussi à verser une larme. Elle n’avait pas été triste par la mort de son père, la Maison-Dieu prenait soin de lui. Elle rangea son paquet et l’argent scrupuleusement. Elle n’avait pas à s’en faire, elle n’avait jamais été du genre inquiet.

Dans cette ville près du gouffre y régnait une paix particulière. La jeune femme n’arrivait pas à mettre le mot dessus, mais elle le sentait. Peut-être l’imaginait-elle, mais elle se sentait d’humeur chanceuse. Elle se balader dans les dédales et rue, pour trouver le chemin le plus agréable pour Georgette. Mais dans une artère un peu plus passante, une longue chevelure sombre, ne lui était pas inconnu.

Son sourire s’épanouissait en pensant que ça pouvait être son frère.

Avait-elle une bonne raison d’y croire. Pas du tout. Toutes les personnes qui faisaient à peut-être sa taille et les cheveux longs faisaient l’affaire. Pas plus tard que la vieille elle l’avait confondu avec une jeune dame et son enfant. Mais elle ne perdait pas espoir, tant que Ul ne revenait pas, tout était possible. Elle lâcha les rênes de George et sans une once d’hésitation, elle masqua les yeux de l’individu qu’elle pensait être son aîné.

« Devine qui c’est grand frère ? »

Cela aurait été risible si elle s’était trompé et que le vrai mage voyait son impair.



@Alex Teyrieur  Je te laisse le choix du placement d'Alex entre la personne qu'elle vient d'acoster qu'il voit la scène /o/

Ann attendit, mais sa réponse se faisait attendre. Une seconde, deux secondes, mais derrière ses mains, il n’y avait qu’une personne tétanisée. La jeune fille se balança à gauche à droite, jusqu’à remarquer un visage bien connu devant elle. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau à son frère adoré, mais il était normalement à ses côtés. Ses lèvres se figèrent dans un sourire vide, le temps que son cerveau trouve une solution à peu près vraisemblable. Elle laissa ses bras tomber, et l’homme qui s’avérait une personne bien plus âgée qu’elle ne l’aurait pensé. Il s’enfuit d’ailleurs en l’insultant de folle ou de brigand, peut-être les deux. Mais elle n’oscilla pas. Tant qu’elle ne trouverait pas un peu de sens à ce qui venait de se passer, elle ne bougerait pas d’un poil. Elle était très nulle pour cela.

Elle resta ainsi plus longtemps que de raison.

Puis enfin elle se mit à se mouvoir de nouveau. D’un léger, elle s’approcha de son aîné et lorsqu’elle fut à sa portée, elle se jeta à son cou comme si rien n’était. Elle était heureuse de le revoir, après tout elle adorait Alex comme tous les membres de sa famille. Peut-être lui un peu plus que les autres, c’était son privilège de premier-né et d’avoir disparu de son champ de vision quelques années Elle déclara de sa naïveté naturelle :

« Tu t’es téléporté pour me surprendre ? C’est trop bien la vraie magie !»

Elle ne pensa pas un seul instant qu’elle avait pu se tromper, puis son frère tellement un bon magicien que cela la surprendrait moins. Elle plissa les yeux en agrandissant son sourire. Elle ne le lâcherait pas avant un petit moment. Ann pouvait s’avérait aussi gluante qu’un poulpe à son rocher. Puis elle avait la certitude qu’il aimait ça.

« Tu n’aurais pas vu Ul, je te l’ai envoyé il y a quelques jours. Tu as vu, j’ai mangé une poire cette fois ! »

Ann n’avait pas encore acquis le rituel des retrouvailles, mais elle s’était grandement améliorée. Quand son père était encore vivant, elle avait eu cette fâcheuse tendance de l’ignorer quand il revenait de ses voyages et à aller chercher le goûter. Maintenant au moins elle cherchait le contact physique, même si on la regardait bizarrement quand il s’agissait d’une personne qu’elle n’avait rencontré que deux fois. C’était parce que son petit frère lui a dit que c’était ainsi qu’elle devait procéder. Elle se demandait comment il allait.

Mais peut-être devrait-elle plus s’intéresser au membre de la fratrie qu’elle avait avec elle à cet instant.

La mauvaise humeur d’Alex n’atteignait pas la blanche Ann. Déjà parce qu’elle était consciente que c’était son état par défaut. Ensuite, parce qu’elle ne pouvait imaginer un instant que son frère adoré pouvait ne pas aimer ces retrouvailles. Imperméable à cette lassitude, elle ne souriait que de plus belle.

Après tout, son frère était là donc tout irait bien.

Il la poussa légèrement et elle suivit le mouvement. Cela durait moins longtemps qu’à la normal, mais elle n’en prit pas compte. A l’entente de la localisation de son pigeon adorée, elle soupira de soulagement. Il avait l’ai fatiguée lors de ses derniers voyages, il aurait pu être mangé par un prédateur. Elle ne songea pas instant que sa fatigue soit dû aux allers-retours incessants qu’elle l’obligeait à réaliser. «  Ul doit sans doute manger les graines de Papa. » Elle en parlait comme si son père était encore vivant. Mais ses graines étaient éternelle, c’était ce qu’il lui avait dit sur son lit de mort

Elle ne tiqua pas vraiment quand son aîné l’accusa de maltraitance, elle fut plutôt interloquée. Elle pencha légèrement la tête, peut-être en espérant mieux comprendre. Mais cela fut inefficace.

« Je lui donne pourtant les graines et je le brosse comme dit Papa…. A moins que ce soit pour George ? »

Vrai interrogation. Peut-être que brosser un pigeon n’était pas possible, surtout avec les outils qu’elle possédait. Mais cela lui semblait un instant plausible. Mais cela n’abîmerait pas ses ailes ? Elle n’osa pas le questionner là-dessus, sans doute parce qu’elle était émue de le revoir, ou plutôt qu’elle était déjà passée à autre chose. Après cela faisait des années qu’elle avait Ul et elle ne l’avait jamais vu en mauvaise posture. Elle faisait tout comme on lui avait appris, donc elle devait bien faire. Après tout son père restait une plus grande figure d’autorité, même mort.

Elle se saisit de sa main, qu’elle trouvait étrangement  petite. Mais les souvenirs se permutait, alors il était possible que cela ne soit pas le cas. Il n’était pas malade au moins. Elle plissa les yeux, scrutant Alex sans une once de retenue. Elle fut cependant rassurée, il était toujours égal à lui-même.

« Tu devrais dormir ! »

Sa lassitude lui faisait déjà des rides, ou plutôt leurs prémisses.  C’était sans doute sa manière à elle pour lui demander comment il allait. Poser les bonnes questions n’était pas vraiment dans ses cordes.


@Alex Teyrieur