Le bruissement des feuilles sous ses pas,
Et elle court.
Le crissement du vent en plein visage,
Et elle court, elle court toujours Harmony.

Le corps endoloris des bleus qui n'étaient pas partis, le cerveau fatigué d'avoir trop usé de magie et le sang frai des ronces qu'elle ne prend pas la peine d'éviter -elle court. Pour sa vie elle court, à en perdre haleine et pour respirer elle court. Elle ne s'arrête pas, saute les immenses racines comme si elles n'étaient rien, s'écorche encore et encore et encore tandis qu'au loin résonnent les cris.

Et ces cris pour une fois ne sont pas les siens
Ces cris sont des appels, des appels à l'abandon et tu lui demandes où elle se cache.
Ne t'en fais pas Lazare, elle n'est pas si loin.
C'est vrai, où pourrait-elle bien aller ?

Derrière cet arbre tes chiens la trouveraient bien trop facilement.
Au fond de cette crevasse il n'y avait aucune issue et
Harmony est fatiguée.
Souriante pourtant.
Apeurée aussi.

Elle ne veut pas mourir tu sais, alors elle court.
Court toujours.
Cours encore.

Contre toi et contre le temps.

Elle aurait voulu faire durer le jeu un peu plus longtemps, pour ton plaisir autant que pour le sien mais son corps est si fatigué qu'elle ne parvient plus à le coordonner correctement. Harmony finit par trébucher au milieu d'une allée, entre les pierres et les feuilles que tes chiens eurent vite fait de retrouver. Ils aboyaient si fort qu'elle en avait mal à la tête, ils étaient si proches qu'ils auraient déjà pu la dévorer -s'ils en avaient eu le droit.
Seulement ce droit ils ne l'auront pas tant que tu ne seras pas là, quel maître horrible tu fais...

Une grimace peinte à ses lèvres tandis qu'elle porte les mains à ses tempes pour tenter d'en apaiser les lancements.

— Raaah pas si fort mes chéris vous allez m'assomer à force d'hurler..., la voix traînante, elle avait secoué lentement sa tête de droite à gauche. Vous voulez me tuer avant l'heure ? Aaah... Bien bien, j'ai compris...

Il y a ce long soupir qui franchit ses lèvres après les plaintes, et tandis qu'elle ferme les yeux un instant, elle les sent s'approcher. Elle sait pourquoi ils le font, elle sait pourquoi tu y prends du plaisir aussi, Lazare. C'est la peur, sa peur, leurs peurs à tous qui attisent les crocs la douleur qui éveille tes pulsions alors elle utilise ces quelques secondes pour faire le vide dans son esprit.

Pour oublier tout oublier la douleur la peur la faim la soif les bruits les cris tes appels Lazare !
Elle oublie tout.

Lorsqu'elle les rouvre il n'y a plus rien.
Rien d'autre que cette chose menaçante qui l'anime. On ne saurait expliquer d'où ça vient, mais tout à coup c'est comme si elle n'était plus humaine. Qu'elle était devenu un animal elle aussi.
À quatre pattes dans la gadoue et les feuilles mortes, le regard à leur hauteur et les ondes sur la même longueur -prête à bondir pour dévorer le premier qui tenterait de la dévorer.

Voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas pratiqué l'exercice. Enfant pourtant, lors des chasses et même en dehors, elle appréciait le faire. Abandonner son humanité pour devenir un de ces animaux avec lesquels elle avait toujours eu tant d'affinité.

Ils se jaugèrent ainsi de longues minutes avant que les aboiements ne cessent et dès qu'elle se sentit plus en sécurité elle s'autorisa à en approcher un. Toujours à quattre pattes, lentement elle avait posé une main aussi ferme que douce sur le sommet de son crâne pour lui adresser une légère caresse. L'apprivoiser, lui et les autres aussi. Elle n'avait pas prévu que tu les sifflerais si vite. Les aboiements la surprirent et d'instinct elle se recroquevilla sur elle-même, pas trop pour ne pas paraître faible mais juste assez pour se protéger un minimum. Au cas où.

Elle se redresse lentement lorsqu'enfin elle t'entend arriver. Son regard semble mauvais, menaçant car elle ne semble pas tout à fait avoir retrouvé son humanité. Il n'y a pas l'ombre d'un sourire à ses lèvres ni même celui d'un mouvement tandis que tu t'approches. Elle te regarde faire avec méfiance, prête à te bondir dessus malgré qu'enfin tu calmes tes limiers.

— Qu'as-tu fait à mes chiens, femme ?

Même pas le temps d'une réponse que la flèche dans sa jambe lui arrache un cri. La voici bien de retour parmi vous cette fois, et ta remarque lui arrache un immense sourire s'esquisse à ses lèvres. Elle a l'air d'une démente, à rire avant de te répondre.

— Je leur ai parlé... Je les ai écoutés..

Le débit est lent et fatigué, mais le regard qu'elle pose dans le tien est bien plus féroce.

— Ils sont adorables, vous ne trouvez pas ?

Un rire encore, presque heureux tandis qu'elle fronsse le nez pour reporter son attention sur les bêtes. Alors la main se lève et comme à des enfants, comme s'ils étaient siens, elle apprivoise.

— Aaah.. Ne soyez pas timides, venez ! elle a un regard pour chacun d'eux. Maman est très heureuse de vous savoir avec elle ici... Laissez-moi vous donner mon affections mes amours...

Ils s'approchent alors, prudents, et toujours d'un grand sourire elle se mit à les caresser tendrement l'un après l'autre. Sans arrêter ses gestes elle finit pourtant par relever les yeux vers toi. Emplis de provocation.

— Je crois qu'ils m'aiment bien.

La douleur est brutale quand tu attrapes la flèche pour étaler sa jambe. Ça tire ça pique ça brûle elle sent sa peau qui s'arrache alors elle grogne à la manière des bêtes lorsqu'elles sont menacées. Le sourire a disparut et le regard est sombre, mais tout se calme quand la flèche se casse et qu'alors les maux s'apaisent un peu.

Si elle reste silencieuse c'est bien parce qu'elle n'a rien à te dire, elle se contente de te regarder sourire toujours méfiante, les sens en alerte, et elle écoute. Encore. Après deux mois elle a apprit à voir comment tu fonctionnais, elle s'est adaptée.

Au moins elle ne court plus maintenant.
C'est bien parce qu'elle est fatiguée.

Ses mains stoppent les caresses quand tu lui demandes d'être conciliante.

— Tu ferais ça pour eux, dis-moi Harmony ? S'il te plait, ça m'arrangerait.
— Non.

Ce n'est pas moi qui meurt aujourd'hui.
Elle n'en a jamais eu l'intention.
D'un applomb immense et sans quitter ton regard, elle tend son bras nu à hauteur de gueule des limiers. Si elle entend quelques légers grognements aucun ne bouge, alors elle attend. Cinq secondes plus tard elle reprend tranquillement les caresses, comme si de rien était.

— Ils ne veulent pas me manger de toute façon.

Un sourire qui se dessine encore, fier et fou tandis qu'elle semble réfléchir sérieusement à une autre alternative. Leur donner un bras ne la gênerait pas tant si seulement elle n'en avait plus besoin à l'avenir -seulement elle ne pourrait plus donner autant d'affection à ses braves bêtes et ça la contrariait terriblement. Elle aurait besoin de ses jambes également.

Vous étiez dans une impasse.

— Et si vous chassiez quelqu'un d'autre ? Je veux bien les laisser me mordre un peu pour les faire patienter en attendant que vous trouviez.

Leur donner quelques lambeaux de chair en guise de friandise, puisqu'elle pouvait se soigner.

Ça tire beaucoup quand tu la relèves alors elle grogne un peu mais elle est plus que satisfaite de la tournure que prennent les choses. Elle te suit au mieux, boîte et grimace tout le long du trajet et par chance au bout d'un temps la douleur finit par s'apaiser -oh elle est toujours là, c'est juste qu'à force de vouloir l'oublier elle y est parvenue. Harmony n'est pas une femme très compliquée, si elle ne veut pas elle a simplement à jeter. Si elle veut elle a simplement à prendre.

Même aujourd'hui sera un peu différent, parce qu'il faut sacrifier maintenant. Qu'importe, tant que ce n'est pas elle qu'on mange au déjeuner ce midi. Elle prend le temps de réfléchir sérieusement à la question, se dit que, quitte à tuer pour vivre autant que ce soit amusant à regarder et
Finalement la réponse est plus simple qu'il n'y paraît.

— Hum... Kara n'est pas encore assez abîmée, vous la gâtez trop... un long soupir, elle semble déçue de devoir le faire remarquer. Sa joie revint bien vite néanmoins. Cependant, Marie est magnifique et je suis certaine que son visage tordu d'effroi saura vous divertir autant qu'ils apprécieront sa chair.

Un petit rire enjoué et la folie dans les yeux qui pétille, elle est si sûre d'elle après tout ce temps passé à te regarder lorsqu'elle n'était pas à hurler sous doigts. Tu es pour elle une véritable fascination et elle ne saurait mieux te faire honneur qu'en te choisissant le plus beau des spectacles.

Pour une fois ce ne serait pas le sien,
Mais elle aura l'occasion de se rattraper.

— Si je fais erreur alors je me donnerai moi-même à vos chiens, Lazare.

Vos regards se croisent et tu peux voir l'immense sourire à ses lèvres lorsqu'elle met sa vie en jeu pour toi. Pour la première et dernière fois, pour te convaincre de sa bonne foi.
Une chance alors qu'elle soit certaine d'avoir raison.

Marie serait parfaite mais finalement Marie ne mourra pas aujourd'hui et Harmony ne cache pas la surprise de ton choix. Oh c'est qu'elle comprend rapidement le changement néanmoins alors ses yeux pétillent d'une lueur nouvelle et elle attend, trépignerait presque d'impatience si elle avait pu le faire sans que sa jambe ne la fasse grandement souffrir.

Elle comprend qu'aujourd'hui c'est Kara qu'on sert au déjeuner.
Elle sourit à l'idée, se délecte par avance de la suite des événements tandis que Robin s'en va chercher la condamnée.
Tu es pire que moi...
Pire parce qu'elle n'est devenue totalement folle qu'à cause de tes sévices.
Pire parce que tu changes les règles pour rendre le jeu meilleur
Pire parce que tu la rends elle
Accroc.

Et qu'elle aime ça.

Le majordome revient finalement avec la nourriture qu'elle observe sans gêne, l'esquisse carnassière étirée à ses lèvres - bougonne quelques mots, pour elle, une simple observation.

— Aaa.. Trop dodue.

La preuve que tu la gâtais trop en plein visage tandis que tes doigts enserraient les joues creuses de la pauvre femme. Au moins tes chiens mangeraient bien aujourd'hui. Un vrai festin ! Et quand tes yeux croisent les siens Harmony sourit, sans écouter Kara, sans même t'écouter toi elle ne fait que sourire, sourire si fort de hâte.

Elle veut la suite.
Elle veut entendre tes chiens.
Elle veut te voir à l'œuvre.
En pleine chasse.

Et puis.
Cours.
C'est enfin soufflé mais ça n'échappe pas à Harmony qui observe avec délice les larmes s'écouler et sans honte ni regret la femme s'élancer. Alors les chiens aboient et s'en vont courser leur repas tandis que son regard se pose sur toi, après l'avoir laissé s'éloigner.

— Devrions-nous la poursuivre ?

Harmony aussi avait faim.
Bien trop curieuse de connaître le sort que tu lui avais prévu avant Kara.

— Eeeh...

Elle semble déçue tout à coup, mais rapidement s'étonne encore du cri déchirant qui parvient à ses oreilles. Le visage se tourne alors en direction des bois et l'esquisse s'agrandit, imagine la chute, le visage effrayé quand l'esprit entend les pleurs et ressent la douleur jusqu'au coeur. Harmony avait toujours été douée pour ressentir les choses et tout ce qu'elle gravait dans sa mémoire était bien souvent trop proche de la réalité. Elle adorait ça, les cris désespérés et les tentatives de fuite - à l'époque il ne s'agissait que d'animaux mais finalement, n'était-ce pas la même chose ?

Ses doigts accrochent ta main pour se relever tandis qu'elle te regarde encore, affamée de questions auxquelles tu ne cesses d'en rajouter. Elle veut te demander de quel piège il s'agit mais déjà - encore - tu la tires à ta suite et elle court pour te suivre, la douleur à son poignet bien moins importante que celle qui lui tiraille la jambe sans qu'elle n'y accorde plus d'attention que nécessaire. Il n'y a que ces grimaces à chaque appui pour témoigner de la gêne (et de l'urgence) de soins à apporter, dont elle se fiche pourtant bien à l'instant. L'excitation de découvrir l'état du déjeuner de ses nouveaux amours est bien trop grande pour qu'elle se s'attarde sur son état.

Vous finissez par vous arrêter dans une clairière avant qu'Harmony ne tombe au sol sans s'en préoccuper, incapable de tenir plus longtemps debout à cause de sa blessure. Elle a le regard qui pétille et le sourire qui s'amorce de nouveau face à la vision qui s'offre à elle. Kara recroquevillée sur le sol entourée de chiens affamés. La nourriture a peur, elle tremble et sanglote - sait qu'aujourd'hui signera sa fin. Si elle avait pu se relever et courir alors peut-être… ? Mais Harmony ne l'aurait pas toléré.

Il ne devait y avoir qu'elle pour se relever et défier la mort en face sans jamais trembler. Alors c'est un peu de compassion dans le regard qu'elle porte à Kara, bien vite effacée par ta voix qui annonce l'arrivée du messie. Robin à l'histoire captivante, n'est-ce pas ? Son intérêt est décuplé.

— Oh, je serai ravie de l'écouter.

Robin tend l'arc et elle rit un peu lorsque tu décoches une flèche dans la cuisse de cette pauvre enfant. Cela n'ira pas plus loin pour cette fois. C'est dommage parce qu'Harmony aurait voulu en voir plus avant que les affamés ne la mangent et -
Elle a quand même le visage légèrement dégoûté.
Non pas que les hurlements la gênent mais elle n'a pas l'habitude encore.
Voir le goûter arraché aussi voracement l'impressionne sans qu'elle ne parvienne à apprécier pleinement le spectacle.

Elle a cette impression du travail inachevé.
La conception qui diffère.
C'est qu'elle aurait tiré quelques flèches encore avant de lui trancher la gorge, elle.

Si tu es le chasseur qui offre le repas à ses enfants affamés, Lazare...
Harmony est l'enfant.
Une enfant contrariée de n'avoir pas pu manger.

L'arc bandé vers le majordome, Harmonie détourne les yeux du repas déjà mort pour les poser sur cette scène étrange qui se déroule - Robin n'en semble pas contrarié et elle devine qu'il doit en avoir l'habitude. Pour qu'un si grand vide émane de lui malgré la menace flagrante que tu représentes, c'est forcément que vous deviez jouer à ce petit jeu régulièrement. Alors ton rire éclate pour confirmer ses pensées et tandis que tu la traînes à nouveau jusqu'à l'orée du terrain de chasse, elle jette un dernier regard à l'homme qui n'avait pas bougé. Condamné à observer. Obligé de rester nettoyer. Un sourire se dessine à ses lèvres tant elle se délecte de l'idée.

Vous arrivez enfin et tu te plantes devant elle.
Elle a ce sourire si grand et les iris pétillants d'une joie malsaine lorsque tu dis ne plus vouloir la tuer - et ça tombe bien parce qu'elle n'a jamais eu l'intention de mourir, tu sais ?
Et puis elle manque de sautiller d'excitation à la suite, se retient simplement parce que la douleur de sa jambe la fige sur place.

— Oh vous feriez ça-

À peine le temps de terminer sa question que tu la prends dans ses bras sans qu'elle ne puisse bouger. L'étreinte a quelque chose d'étrange, un genre de tension qu'elle ne saurait décrire sans savoir si elle l'apprécie ou non. Alors sortit de nulle part il y a ce rire fou qui résonne, son rire à elle plein d'une joie si grande qui fait tressauter légèrement son corps. Elle ne te rend pas ton étreinte mais l'impatience est immense Lazare.

C'est que le grandiose lui met des étoiles dans les yeux.
Elle a toujours aimé ça, après tout.

— Aaaa... J'ai si hâte Lazare, l'impatience me dévore ! glisse-t-elle entre deux rires plus légers. Apprenez-moi à être comme vous.

Si fascinant
Si fou et si parfait.