Tu pensais avoir fui Archenoire. Ton corps en avait été épuisé, presque ... Cassé. Ta fin aurait dû geler tes os, fendre ta peau de mille entailles, tu n'aurais été qu'un vague souvenir enseveli sous la neige. Tu n'es pas parti longtemps et tu te sens déjà comme un étrange face à ta ville natale. Se souviennent-ils de toi comme celui qui a remis leurs paroles en question ou comme un simple adolescent dont la crise l'a mené à fuir ? Peut-être, t'ont-ils tout simplement oublié ... La seule chose que Briserune n'oublie pas, c'est sa haine envers les autres. Cette même haine dont ton esprit s'était imprégné, voir ton corps. À une époque, tu aurais pu prendre les armes et te battre, aujourd'hui, tu as tiré un trait. Pourtant, tu n'avances plus.
Confortablement assis sur le dos de Hati, vous contemplez les bâtiments qui se dressent face à vous. Ton hésitation se ressent, il t'attend. D'un mouvement de tête, tu sors de tes rêveries pour poser ton regard rougeâtre sur le coupable. Es-tu sûr de vouloir y aller ? Comme un murmure, sa douce voix résonne dans ta tête. Son interrogation fait sens quand on sait ce qui les attend par-delà la frontière : Malronce n'est pas fait pour un Briserunien. Pour autant, Sombrelune, est-ce la solution à tes problèmes ? Tu ne connais rien de ce monde, ton savoir se limite à des livres et au peu que tu as pu apprendre. Hati ne peut pas t'aider, il a grandi sur ses terres enneigées. Tu devrais demander à quelqu'un ...

Ses mots continuent à hanter tes pensées. Votre discussion de la nuit dernière n'était pas de tout repos, elle t'a empêché de dormir sur tes deux oreilles. Tu veux fuir Briserune sans te soucier du reste mais seul, tu ne peux rien faire. Tu le sais que leur parler de tes projets ne t'aidera pas, après tout, tu deviendrais un ennemi. Un frisson t'échappe. Hati te regarde, tu lui souris maladroitement. J'ai un peu froid, c'est tout. Ce n'est pas en hésitant toute la journée que tu avanceras. Enserrant les poils de ton compagnon, tu essaies de te motiver mais c'est quand tes pieds touchent le sol que tu te rends compte de ton impuissance. L'immensité de la ville te fait tourner la tête. Un goût amer envahit ta bouche : tu as envie de vomir. Dans cette angoisse grandissante, ta vue se trouble et tu abandonnes Hati pour t'enfuir dans le sens opposé. Tu dois t'éloigner de cette exécution. Mais, tu n'es pas seul Neah. Regarde devant toi ... Neah ! Tu ne sais pas si ce sont tes pieds, la neige, le cri de ton ami ou autre chose, mais ce que tu sais, c'est que la neige froide pénètre tes vêtements pour mordre ta peau blanche.

Illusion face à la crainte de cette aventure par-delà les frontières ou tout simple, un mauvais tour de la part de son cerveau ? Dans les deux cas, la douleur te paraît bien trop réelle pour y croire. Sous toi, la reine des neiges se débat comme une furie sortie d'un blizzard. Plus poignante que des stalactites, plus frappante que le froid; tu ne savais pas d'où elle sortait. L'étonnement peignait ton visage d'une expression à en pouffer de rire, celui-ci se mélangeant à ton angoisse d'un visage familier. Pourtant, une chevelure dont la couleur te rappelle les aurores boréales devrait être gravé dans ta mémoire si cette rencontre n'était pas la première avec l'illusion d'un Yéti des neiges. Elle s'énervait contre toi, tu subissais sans grande conviction de réplique, après tout, la situation t'avait déjà échappé.
Un bruit dans ton dos attirait ton attention avant même que tu n'aies ouvert la bouche. Hati se précipitait sur ses grands sabots pour te rejoindre, attrapant le haut de ton manteau, il te force à te lever. Face à toi, la furie des neiges semble prête à en découdre. Tu restes confus. Tu n'es pas blessé ?! Cette douce mélodie te sort de ton monde pour lui offrir un regard rassurant, d'un simple hochement de tête, tu lui réponds. Sa détresse était légitime, car Neah, tu aurais pu aussi être blessé par cette étrange personne. Ta conscience ne veut pas le prendre en compte, après tout, tu es trop bon.

« Je suis vraiment désolé ... Quand je me suis retourné, il n'y avait personne ... Est-ce que tout vas bien ? »

Si tu as appris à penser par toi-même et si tu es devenu un pseudo-rebelle, tu n'es pas encore assez mûr pour être un adulte confiant. Lentement, tes iris sang se reposent sur cette inconnue dont les traits du visage semblent fatigués. Tu n'es pas très observateur, mais les quelques flocons traînant dans sa chevelure te font remarquer qu'elle n'était pas sortie de nulle part; tu te demandes même ....

« N'avez-vous pas froid ? »

Cette sensation, tu la connais. Elle te rappelle de vieux souvenirs, pas si lointain. Peut-être est-elle une Briserunienne que tu ne connais pas et de ce fait, tu te trompes complètement. Tu n'as jamais été doué avec les relations humaines même si tu as peur de finir seul.