Tu n'irais pas te coucher, pas alors que les étoiles et la lune te murmuraient de les rejoindre à l'extérieur de ta tour d'ivoire, de ta cage dorée.
Parce que tu l'avais décidé et que tu ne supportais pas qu'on te force à faire quelque chose que tu ne voulais pas. Capricieuse pour certains (tous), audacieuse et caractérielle pour d'autres ; tu étais têtue quand il s'agissait de désobéir plus que tu n'étais déterminée à faire fuir tout ceux qui tentaient de te faire entendre raison.

Parce que c'était l'heure des mauvaises idées, tu avais erré dans ta chambre pour réfléchir à un moyen de t'échapper. Honteusement séquestré par tes parents et trahie par un frère rangé de leur côté, tu avais décidé de fuguer loin de ces tortionnaires. Mais tu reviendrais le lendemain pour profiter du petit déjeuner.
C'était un plan parfait.

Tu attachas toutes tes robes à la suite et cette entreprise te prit au moins une bonne heure. Tu avais failli abandonner de fatigue mais tu t'étais accroché en décrochant la dernière robe de ta penderie.

Tu avais attaché le haut de la corde à la colonne de ton lit à baldaquin et tu t'étais frotté les mains face à la belle vue d'un Colza illuminé - qui t'attendait.

— « Parfait. »

Tu avais escaladé le rebord et alors que la porte s'ouvrit bruyamment sur la silhouette de ton frère, tu avais eu le temps de lui tirer la langue avant de glisser dans un cri étouffé.
Heureusement tu t'étais raccroché à la corde mais alors que tes pieds pendaient dans le vide, tu avais hurlé.

— « AAAAAAH ! ROMAN AU SECOURS JE VAIS LÂCHER JE VEUX PAS MOURIR COMME CA ! »

Les doigts glissaient lentement des tissus de soie sous le stress et la transpiration inspirée par la peur.
Cette fois la mort t'attendait réellement en bas.

— « ROMAAAAAN ! »

Tu avais cru mourir, tant les robes sous la pression faisaient glisser ta peau. Les coutures craquaient à chaque soubresaut de ton poids. Il avait réagi aussi rapidement que ton corps avait chuté et s'était improvisé sauveur héroïque. La peur paralysait tes membres alors que tu tentais vainement de lever le bras pour attraper sa main. Alors qu'il ordonnait que tu t'accroches à lui, tu t'accrochais surtout à la vie.

— « Je lâche PAS mais j'ai MAL ! DEPECHE TOI JE GLISSE ! »

Les larmes aux coin des yeux, étaient remontées d'angoisse et d'effort. Tes jambes pendaient au dessus du vide, irrémédiablement attirées par la gravité.
Tu n'avais plus de force à donner pour contrebalancer, alors tu t'étais laissé pencher d'un côté : c'était la chute assurée.

— « ROMAAAAAaaaan- »

Il avait réussi à se saisir de ton poignet et le souffle coupé par un arrêt temporaire du coeur, tu t'étais laissé hissé comme presque morte.
Et c'était vrai, car tu avais presque failli mourir.

Son regard ampli de colère brisa le dernier rempart à tes larmes, qui coulèrent à flot sur tes joues rougies par l'effort. Tremblante, tu t'imposas dans ses bras pour frotter ton visage contre son torse.

— « Si tu ne m'avais pas... Si tu n'étais pas entré je ne serais pas tombé ! »

Tu te détachas de lui et le fusillas du regard.

— « C'est ta faute ! »

C'est ta faute.
Mais c'est grâce à toi aussi, tu m'as bien rattrapé, tu t'es bien rattrapé.

Ta propre colère apaisé par son abandon si rapide face à ta réalité, tu avais laissé tomber aussi - tes épaules dénudées.
Tu n'avais pas conscience de l'impact que la peur avait sur lui, trop concentrée sur ce que tu avais ressenti toi, trop obnubilée par tes émotions qui dominaient chaque aspect de ton comportement.
Quand cesseras tu de faire l'imbécile ? Et tu avais articulé en déglutissant le plus naturellement du monde.

— « Jamais. Parce que si je redeviens sage, tu ne t'occuperas plus de moi. »

Tu en étais persuadée, c'était la source de tes angoisses et de tes caprices. Tu voulais que l'attention de Roman soit centrée sur tes désirs car tu les savais essentiels à votre relation.

— « Mais non je ne veux pas que tu meurs !!! »

Tu avais crié alors que tu avais attrapé ses épaules pour le secouer dans tous les sens. Tu l'avais ensuite serrer dans tes bras, glissant tes mains derrière ton cou. Tu renfilas et brisas le silence.

— « Je ne vais pas mourir non plus. Je suis solide et tu seras toujours là pour me protéger. »

Tu déposas un baiser sur sa joue.

— « Je ne veux pas dormir, fais-toi une raison et reste. »

C'est ce qui t'inquiétait ?
Oui. Tu en faisais des cauchemars la nuit, mais tu n'osais pas lui dire.
Il était plus grand, il ne pouvait pas comprendre. Il se marierait plus tôt, et quitterait le foyer. Toi qui était si attachée à lui, tu dépérirais, à voir ton idole vivre son idylle, te laissant seule entre les deux parents au milieu du foyer.
Entre deux royaumes sans personne pour t'occuper.

— « Oui, mais tu t'en fiches. »

Tu gonflas les joues, prête à bouder jusqu'à le faire céder mais il abandonna la bataille bien vite. Persuadée d'avoir gagné la guerre, tu levas les bras vers le ciel en guise de célébration. Tu te levas et marmonnas un "héhé" à peine virulent avant de danser de joie.

Tu grimpas dans ton lit, jetant un oeil vers le désordre au sol.
Tant pis, Nana (la préceptrice) rangera demain.

— « D'accord mais alors tu quittes cette chaise et vient dans le lit avec moi. »

Une nouvelle lubie aux coin des lèvres qui s'étirèrent dans un sourire diabolique.

— « Oh je sais, je sais ! Et si on construisait une cabane avec les draps ? »

Dépitée de ne pas avoir réussi à obtenir ce que tu voulais - ou croyais vouloir - tu croisas les bras sur ta poitrine et fit la moue. Mais la consolation qu'il vienne finalement dans le lit avec toi t'arracha un sourire de satisfaction. Très vite chassée par une nouvelle idée, une nouvelle envie, une terrible lubie.

— « Dis, demain on pourra jouer à cache cache ? »

Mais soudainement, Roman ne sembla plus aussi concentré qu'il l'était tout à l'heure et tu le remarquas malgré toi par son manque d'enthousiasme, son manque de sévérité aussi. Il était las et cela t'angoissa.

— « Comment ça...? »

Tu ne te sentais pas coupable, mais tu avais peur que ton frère ne considères plus normal que tu t'amuses avec lui.

— « Tu ne fais ni trop ni assez Roman. Tu fais et c'est tout ! C'est ça qui me plait. »

Tu avais senti que Roman voulait parler de ce dont tu ne voulais pas aborder. Jamais. Tu n'avais pas la tête ni la maturité nécessaire pour réfléchir et avoir du recul sur votre relation. Tu aimais juste ton frère si fort que tu aurais eu l'impression de mourir s'il t'abandonnait. Tu ne voulais pas imaginer une seule seconde la vie sans lui, ça t'était insupportable.

— « Non. »

Tu t'étais remise à pleurer, de rage et de colère cette fois-ci.
Tu pleurais parce que c'était la seule façon que tu pouvais d'exprimer tes émotions. Dans la lutte éternelle de te contenir, tu débordais.

— « Non, non, non, non ! »

Tu te redressas et grimpas debout sur le lit, les poings serrés.

— « Si tu m'abandonnes, je me donnerai la mort ! Comme ça, tu l'auras sur la conscience et je te hanterai toute ta vie ! Ça sera bien fait pour toi ! »

Tu ne le pensais pas, tu avais juste peur.
Peur de mourir, peur de vivre - sans lui. Au moins dans les ténèbres il n'y aurait plus le coeur qui crie famine et c'était la seule faim (fin) méritée.

Cela avait suffit à te calmer un peu.
Il l'avait dit pour se libérer de ton emprise mais tu l'avais entendu comme une promesse solennelle qu'il ne devrait surtout pas briser.
Alors tu avais obéis pour la première fois de la soirée avec sincérité, tu avais glissé sur les draps pour te lover dans ses bras.

— « Oui... »

Tu avais tendu l'oreille, baillant - tu écoutais à moitié mais tu perçus quelques mots. Il voulait que tu sois heureuse et tu l'étais quand il était là, dans les parages.
Mais comment serait la vie quand il ne serait plus dans ton paysage ?
Les couleurs paraitraient bien ternes quand il faudra que tu t'assumes toute seule.

— « Je ne veux pas grandir, Roman. Je ne veux pas avoir un mari mais je ne veux pas me retrouver toute seule non plus. »

La tête sur son torse, il sentait bon. C'était rassurant, aux allures de protection.

— « Je suis fatiguée, tu as gagné. »