“La valse des coeurs” & Faux sourires, tenues sophistiquée et rires distingués. Tout le monde s'était paré de sa plus belle hypocrisie en cette soirée qui, comme toutes les autres avant elle et toute les autres qui suivront, n'étaient qu'apparences et faux-semblants. Et c'était bien pour cela que Prudence détestait plus que tout ce genre d'instant qui ne lui correspondait que peu. Mais on courbe l'échine. On fait bonne figure. On accompagne ses parents, ses frères et sœurs qui, même jusqu'à la plus téméraire, semblent avoir bien plus leur place ici qu'elle. Elle avait toujours eut l'impression d'être en trop. Et ce soir, Prudence Vaudreuil, habillée d'une robe bouffante et traînante bleu pâle faisant écho à ses yeux (Diane ayant insisté pour qu'elle enfile ça au lieu de son habituelle culotte d'équitation qui était bien "plus confortable" selon les plaintes de la jeune princesse) était venue aborder une fenêtre en retrait du groupe pour se perdre alors un instant dans la contemplation de ce ciel parsemé d'étoiles, rêvant honteusement de s'échapper loin d'ici, loin de ce brouhaha ennuyant et de ces mets qui, à eux seuls, représentaient plus que la totalité des richesses du bas peuple.

Mais voilà qu'une voix, à mi-chemin entre familière et inconnue, l'arrache de ses rêveries. Un léger frisson l'accable. Peut être allait on se plaindre de sa façon de se tenir. Hors de question pour elle de jouer des cils pour des gens avec lesquels elle n'avait aucune affinité, aucun point communs, aucun...
Rien de cela. Alors qu'elle se retourne en ravalant un soupire qui manque de lui échapper, son léger levé de sourcils peut surement trahir la surprise qu'elle a à découvrir Roman Harcourt, devant elle. Élégant et bienveillant. Lui, avait l'air bien plus à sa place ici qu'elle, encore une fois. Mais quelque chose dans ses yeux faisait comprendre à Prudence que, tout comme elle, il était las de ces ennuyantes banalités, de ces vulgaires mondanités. Avec attention, la voilà qui observe ses gestes, et écoute ces mots. Ses lippes dessinent un bref instant l'esquisse d'un sourire, et, alors qu'elle répond à ses politesses en attrapant sa robe pour effectuer une révérence gracieuse, sa voix s'élève et lui répond

« Sir Harcourt. Pitié, appelez moi Prudence. »

"Ou bien je risque de me prendre sur-le-champ." était la fin de sa phrase... Mais elle préféra la taire. On serait capable de l'attacher pieds et poings liés de peur qu'elle mette à exécution ses menaces... Si l'ennui ne la foudroyait pas avant. Et elle tenait bien trop à sa liberté pour prendre ce risque.
Roman, elle le connaissait. Du moins, autant qu'on connait les alliés de sa famille, où les amis de son frère. De loin, rapidement. On entend de rumeurs. On observe les manières. Espérons qu'il n'ait pas trop entendu parler d'elle et de ses intrépides habitudes. Ou au contraire. Peut être était-ce là la raison de cette approche, et il pourrait lui proposer de mettre les voiles loin de cette soirée dont le parfum lui montait à la tête. Arf. Ne rêve pas trop, Prudence.

« En effet.... Il faut dire que vous êtes un homme bien occupé, autant que je peux l'être moi aussi. »

L'ironie est plus que palpable dans sa voix mélodieuse sur la fin de ces mots la concernant. D'un regard rapide, elle balaye la salle. Pour une fois, elle ne se sent pas épiée. Tout le monde à l'air bien occupé à jouer la comédie. Grand bien leur fasse.

« Il n'est pas trop tard pour rattraper le temps perdu. Vous pourriez me décrire la totalité de l'histoire de votre lignée que je vous écouterai avec plaisir. Tant que cela nous éloigne ne serait-ce qu'un peu de cette réunion ô combien ennuyante.. »


 

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“La valse des coeurs” & Certains diraient qu'il faut être fou pour contredire une princesse... Surtout lorsqu'on a rien de royal. Et pourtant. Elle ne s'en offusque pas. Au contraire même ! Voilà qu'un léger rictus étire les lippes de Prudence qui ne peut s'empêcher d'hausser légèrement un sourcil tout en écoutant les paroles du mage à ses cotés.
Un court instant, un éclat de rire détourne ses attentions du blond près d'elle, pour s'abandonner sur une femme. Un instant, Prudence s'imagine être elle : à l'aise, souriante, élégante... A sa place. Tout ça lui semble tellement loin de son quotidien. Et pourtant. Loin d'elle l'idée de se plaindre... Malgré une enfance gâchée entre les quatre murs de sa prison dorée ayant fait office d'hospice.

Malgré tout, il regagne bien vite son attention, et cette nouvelle question fait rouler ses yeux au ciel. Alors, en guise de réponse, elle préfère opter pour de l'ironie et un trait d'humour, plutôt que laisser parler la rancune qui peut veiller au fond de son cœur.

« Pensez vous qu'être une princesse est de tout repos avec une fratrie comme la mienne? Je dois veiller à ce que Clovis et Iphigénie ne se blessent pas, chaque jour que la maison-dieu fait, entre autres ! »

Grande ironie venant de la plus petite de la famille, évidemment... Mais ces deux là était, malgré sa curiosité et sa tendance à faire le mur, bien plus casses-cou qu'elle.
Puis, ses perles bleutés vagabondent et observent cette main proposée, accompagnée de ces quelques mots. La proposition est plus qu'alléchante... Et elle rêve de s'éloigner de tout ce brouhaha aristocratique plus que de raison.
Alors, légère et délicate, Prudence dépose sa main sur celle du mage, après avoir jeter un coup d’œil autour d'elle pour éviter qu'un Vaudreuil la voit et le lui reproche, ou pire... La taquine avec, et dans un souffle, elle répond.

« Cette idée est tout à fait charmante. Un peu d'air frais sera la bienvenue. Allons y. »

Malgré tout, avant qu'il n'ouvre la voix... Prudence prend la peine de, de sa main libre, venir voler agilement deux verres emplis de vin, enroulant avec adresse (et savoir faire, habitude de taverne) ses doigts autour des deux pieds de verres... Pour en tendre un à Roman, et garder le second. Evidemment. Alors, un sourire malicieux éclaire le visage de la blonde, qui glousse, l'air de rien.

« Il serait déplorable que vous vous retrouviez la gorge sèche... »


 

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“La valse des coeurs” & Bientôt, ils rejoignent ensemble les jardins. L'air est frais mais agréable, et la brise qui vient parfois soulever avec élégance ses boucles blondes donne l'impression à Prudence de pouvoir souffler à nouveau, comme libérée d'un corset trop serré. Ses yeux se baladent sur les couleurs et les formes diverses et variés des fleurs qui poussent ça et là, et finalement, comme toujours, c'est Roman qui gagne à nouveau l'attention de son regard.

« Non. Ne vous méprenez pas à votre tour, je vous en prie. Ne me considerez pas comme une invitée, mais plutôt comme une amie. »

Un sourcil se lève, accompagnant ces quelques mots bien sincères. Prudence avait toujours été de celles qui écoutent. Elle se nourrit des mots et des aventures des autres. Elle, n'a jamais été prompt à parler d'elle, au contraire. Elle se considère bien peu intéressante, tout comme sa vie, qui, durant les 10 premières années, avaient été monotones et douloureuses, entre les visites médicales régulières... Et devoir se contenter l'au-delà du château que dans des livres. Les autres, eux, semblent avoir tant de choses à dire, à dévoiler, à lui apprendre. La curiosité est peut être un vilain défaut, mais il ne tuera pas Prudence. Du moins, pas aujourd'hui. Et elle comptait bien continuer de se laisser emporter par sa soif de connaissance.

« Ne dites pas ça. Vous êtes bien venu au monde d'une femme et d'un homme, comme tout à chacun. Et chaque histoire est intéressante, à sa manière. »

C'est bien là la philosophie de Prudence. Mais, quelque chose lui fait comprendre que, peut être, ce choix de conversation n'était pas le plus plaisant aux oreilles de Roman. Et elle ne s'en incommoda pas. Après avoir prit une légère gorgée de vin, et s'être approché d'un rosier qui attira son attention, elle lança.

« Dites moi, sir Harcourt. Votre quotidien doit être bien éloigné du mien. Racontez moi... S'il vous plait. »

 

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“La valse des coeurs” & C'est en silence que la princesse s'était tourné vers Roman pour faire glisser sur ce sourire la caresse de ses yeux. L'espace d'un instant, elle le voit se fondre dans le décor. Avec les autres. Peut être s'est elle fourvoyée. Peut être... Est-il comme les autres. Pouvait même elle vraiment le blâmer pour ça? Malgré cette pensée fugace et volatile, elle lui rend ce faible sourire, par réflexe. La tendresse lisible du mage pour sa soeur réchauffe doucement le cœur de la belle qui, elle aussi... Espère que ses deux frères tiennent les mêmes propos et les mêmes sentiments à son égard. Peut être... Même si, la petite voix présente dans sa tête lui confirme que non. Après tout, elle n'est pas à sa place ici, parmi les autres et beaux Vaudreuil.

« Oh vraiment? Je n'ai jamais eut la chance de la rencontrer. J'espère pour elle qu'elle ne vous ressemble par trop alors... »

Encore une fois, elle ne peut se retenir de ponctuer ses mots d'une touche de taquinerie, qui l'amuse.. Surtout lorsque c'est le genre de comportement et de réponses qu'on lui interdit en tant de princesse. Mais, c'est bien pour ça que ça lui plaisait tant : l'interdit avait toujours plus de charme que le reste.

« Étrangement... Et j'ignore pourquoi... Je ne suis pas sûre de vouloir vous confier cette tâche... Sans vouloir vous offenser ! »

Un gloussement taquin s'élève et conclut cette réponse qui a le mérite d'être honnête. Elle sait ce que Clovis peut faire lors de son temps libre. Et, connaissant ces deux là... Roman serait surement du genre à finir comme son frère, le nez rougi par l'alcool entre les cuisses d'une charmante aux mœurs légères. C'est donc avec cette image peu flatteuse mais presque trop réelle que la blonde vint attraper la traîne de sa robe pour s'approcher d'un petit banc de pierre enfoncé dans la terre... Pour s'y asseoir, et observer son compagnon du soir... Il était charmant, elle ne pouvait pas le nier. Mais il y avait quelque chose d'autre. Au delà de ses airs et de ses manières. Quelque chose... De plus profond. C'est surement pour ça qu'elle se voit alors l'observer un instant, trop plongée dans sa réflexion pour prendre la peine de répliquer autre chose, et dissimuler son trouble.



 

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“La valse des coeurs” & Au diable les manières. Pourquoi s'entêter à imiter un rôle qui ne lui allait aucunement ? Et puis... Elle n'avait jamais été bonne actrice. S'il y avait bien quelqu'un avec qui elle pouvait être elle même... Roman semblait être le plus approprié non? A ses yeux, malgré ses obligations... Il prenait toujours la peine de faire ce qu'il avait envie de faire. Après tout... Il était le partenaire de crime de Clovis lorsqu'il sortait boire et jouer là dehors, aux tavernes des coins de rue... Exactement comme ce que toi, tu pouvais faire... A l'inverse de ton frère, Prudence, tu n'avais personne avec qui partager ces moments.

Observant Roman, qui reste droit et debout, elle remarque que malgré son année de moins... Le garçon la dépasse largement. Elle n'avait jamais été bien grande de toute façon. Mais ce n'était qu'un détail qui la perturbait dans le plaisir qu'elle prenait a se sentir enfin plus âgée que quelqu'un. Car à la maison... Elle avait toujours été, et resterait la petite dernière.

« En toute honnêteté... Je n'en espérais pas moins de vous. »

Il était plus ou moins l'ange gardien de son frère. A la fois présent pour veiller sur sa sécurité... Et veiller sur le fait qu'il s'amuse, et profite de sa vie. Et rien que pour celà, elle ne pouvait que porter ce garçon dans son cœur, même si elle ne le connaissait que si peu.
Sans plus de cérémonie, la petite blonde finit son verre d'une traite... Qui lui paraît bien peu rempli d'ailleurs. Elle soupire et abandonne la coupe vide à côté d'elle avant de se lever... Et refaire face au mage.

« Et la volonté d'une femme qui aspire seulement à vivre libre? Iras-tu à son encontre? »

Ses yeux, clairs et profonds, se mettent à pétiller d'un feu qu'elle savait dissimuler lorsqu'il le fallait. Un feu qu'elle étouffait malgré elle lorsqu'on lui demandait d'être une princesse et rien d'autre. Alors qu'elle voulait être tellement plus. Un sourire se dévoile sur sa bouche et la voilà qui fait le tour agilement et rapidement du garçon tout en laissant sa main glisser sur son bras en une furtive caresse.

« Je ne t'oblige en rien. Je me demande simplement si tu auras le cran de suivre la cadence. Ce n'est pas la princesse qui t'ordonne. C'est la femme qui te le demande... »

Peut être qu'un jour, quelqu'un verra au delà de l'ombre royale qui plane au dessus de sa tête... Et qu'elle méprise tant.


 

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