On était venu te trouver dans ta chambre pour te convoquer. Le regard mauvais que tu avais lancé au garde chargé de seulement rapporter les ordres annonçait déjà ton état d'esprit. Qu'avaient-ils osé raconter sur toi, tous ?
Tu sentais par avance un coup monté pour te reprocher des injustices montées de toute pièce par leurs esprits malades et victimaires. Tu les haïssais, ces hypocrites cachés aux quatre coins de ce château immonde.

Tu te dirigeas vers les appartements d'Antigone, non pas sans la boule au ventre. Une fois entré, tu pris sur toi pour avoir l'air le plus innocent possible. Tu levas les yeux vers elle, comme soudainement affecté par les accusations qu'on lui avait rapporté.

— « Ah oui...? »

Tu baissas directement la tête, les bras le long du corps, quand elle se leva pour pour te rejoindre. Si tu voulais la décevoir ? Jamais de la vie. Tu n'avais qu'une idée en tête depuis le début, lui être fidèle, et protéger ses intérêts.
Le pire, c'est que tu en étais persuadé.

— « Je ne me permettrais pas Votre Majesté. Je ne sais pas qui vous a conté ces rumeurs abjectes à mon égard mais si je puis me défendre, je les déments totalement. En plus d'être infondées elles sont calomnieuses. Ils me détestent tous, vous savez. Je suis sûr qu'ils ne cherchent qu'à ternir mon image auprès de votre grande générosité. »

Antigone était à toi, et tu ne la partagerai pas.

L'énième mensonge n'avait pas pris et tu avais perdu ton sourire d'assurance pour faire tout simplement la gueule. Vexé de ne pas avoir réussi à la berner (pour son propre bien) tu avais grimacé. Alors que tu comptais répondre à sa première question, elle te coupa net dans ton impulsion et tu fixas tes pieds.

— « Mais Majesté ... ! »

De nouveau, elle employa le ton interrogatif et tu te surpris à gesticuler tes doigts nerveusement. Pourquoi, oui pourquoi ?
Sa réponse ne te satisfit pas. Au delà du fait d'être blessante, elle était humiliante. Tu avais chassé cette vérité de ton esprit et jamais tu n'avais pleinement assumé le fait d'être un lâche. Tu perdais d'ailleurs de l'énergie à démontrer le contraire en mensonge et artifices constants. Si avant tu te satisfaisais du moindre effort car tu n'avais personne à impressionner, la donne avait changé.

Tu n'es qu'un pleutre.
Tu avais tourné la tête pour regarder le feu crépiter dans la cheminée, serrant les poings pour rester debout.
C'était la honte totale. Tu leur ferais payer, à ces cafards qui avaient cafté. (Tu n'avais rien compris).

— « J'ai fauté. Je me suis montré querelleur envers Iphigénie Vaudreuil. Je l'ai suivi jusque dans ses appartements personnels pour la provoquer injustement. »

Devoir confesser t'était insupportable, surtout quand tu estimais que cette idiote le méritait amplement.

— « Mais elle conspire contre vous avec sa garde ma Reine ! Vous vous laissez apitoyer par son histoire alors qu'elle ne cherche qu'à obtenir vos faveurs ! »

Comme toi, au final.

Tu t'étais attendu à ce qu'elle te flagelle sur place. Mais il n'en était rien. Non seulement elle ne semblait pas prendre au sérieux tes mises en garde, mais en plus elle se montrait presque satisfaite de tes aveux.

Tu fronças les sourcils, l'observant se redresser. Tu ne savais pas si tu devais être réellement fier de toi pour avoir dit la vérité mais tu esquissas un léger rictus qui laissa croire que tu l'étais.

Tu obéis sans discuter et vint prendre place là où elle t'avait indiqué de le faire.
Soudain, tu répondis sous l'impulsion et tu te montras presque insolent.

— « Le gouverneur Riegel aussi pensait qu'on ne pouvait pas l'atteindre. »

Tu te mordis la lèvre inférieure et baissa les yeux - avant de finalement soutenir ton regard. Tu avais projeté sur elle une admiration malsaine, et un amour immature pour combler le fait que tu n'en avais reçu aucun.

Mais l'amour était toujours intéressé.
Que ça l'était pour en avoir en retour. Pour voir s'offrir des privilèges. Tu n'avais jamais aimé gratuitement à défaut d'avoir aimé tout court.

— « Majesté..? Me pensez-vous capable de vous trahir ? »

Tu avais l'air offensé.
Mais lentement les traits de ton visage s'affaissèrent en une mine plus renfermée. Une goutte de sueurs avait perlé le long de ton front et tu avais déglutit.

— « Je veux bien admettre que je suis lâche mais c'est justement pour cela que je serais idiot de vous attaquer. »

Elle avait explosé de rire et tu n'avais pas compris tout de suite pourquoi. Tu fronças les sourcils dans sa direction, cherchant à capter dans le fond de ses yeux la raison de son hilarité. Te jugeait-elle ridicule ?
Elle arrêta de rire progressivement et tu tus ton indignation dans un silence faussement respectueux. Tu la trouvais plus inquiétante quand elle te jaugeais de cette manière là.

Elle avait exprimé à voix haute qu'il ne t'avait pas sous-estimer, et que c'était plutôt l'inverse. Tu ne savais pas si tu avais le droit d'être fier mais tu détournas le regard pour ne pas assumer.

— « Votre analyse est d'une justesse presque angoissante. Vous avez raison. »

Tu avais toujours été le plus faux quand il s'agissait de prêter serment. Tu serais forcément dans le camp des gagnants, celui qui t'offrirait le plus.
La trahison n'avait rien de honteuse pour toi quand elle était l'instrument de ta survie.

— « Cependant, avec vous, il y a plus que cela. »

Il n'était pas question de promesse ou de parole mais de sincère loyauté. La femme que tu avais en face de toi avait changé de nombreuses choses dans ta vie, et tu espérais l'aimer un jour comme une mère, une soeur, une déesse et non une cheffe de guerre.

Tes yeux ébahis face au courage dont tu avais fait preuve te mit mal à l'aise.
Tu te levas de ta chaise pour te mettre à genoux devant elle, le front collé au carrelage à ses pieds.

— « Votre Majesté. Laissez-moi faire parti de votre garde personnelle. Je peux être aussi courageux que vous le souhaitiez. »

Elle t'avait vite pardonné, ou du moins le sermon n'avait pas dépassé le serment. Elle avait une aura telle que tu ne contrôlais plus le besoin pressent de te mettre à genoux devant elle, pour seul horizon que ses pieds. Tu aurais voulu qu'elle te considère d'avantage mais tu ne comprenais pas encore ce que signifiait le privilège d'être protégé par Antigone Bathory.

Tu te relevas instantanément après qu'elle te l'eut ordonné. Les traits de ton visage étaient marqué par l'inquiétude face à son mutisme. Quand la voix caverneuse s'éleva, sa remarque te frappa de plein fouet.
Tu étais faible. Faible.
Tu avais pu encaisser tout les qualificatifs : lâche, traitre, félon, pleutre.
Mais tu te sentais rabaissé à être faible.

— « Mais Majesté... »

Tu avais tus ta protestation, tu l'avais étouffé en cours de route.
Soit, tu avais sa protection.
Tu reculas de quelques pas pour te rassoir à ta place.

— « Je saurais m'en contenter, ma Reine. »

Mais tu détournas finalement la tête, la mine un peu renfrogné et boudeuse. Comme un enfant face à sa mère, tu voulais faire mieux, prouver plus, gagner une place trop importante dans un coeur qui n'en avait surement aucune.

— « Pourquoi avez-vous épargné les soeurs Vaudreuil ? Etait-ce par stratégie ou par pitié ? »

Aucun des deux.
Tu ne savais pas si cette réponse te satisfaisait au fond car tu avais fantasmé sur les deux options que tu lui avais proposé. Tu baissas donc la tête pour effacer tout signe qui puisse trahir ta bonne foi. Elle avait de l'honneur, toi tu n'en avais pas. Si elle justifiait sa conquête comme légitime car elle n'avait pas plus tué que nécessaire, tu la considérait légitime tout simplement car tu l'avais choisi comme Reine.
Il n'y avait pas de sang qui méritait plus de couler que d'autres : les usurpateurs devaient s'agenouiller ou tomber. Et l'arrogance des soeurs te rendait nerveux.

Mais soit, tu n'avais aucunement le droit de t'opposer aux ordres d'Antigone et tu étiras un sourire faussement réjouis (hypocrite) lorsqu'elle te demanda si elle s'était bien fait comprendre.

— « Tout est limpide comme de l'eau de roche, votre Majesté. »

Tu t'inclinas dans une courbette respectueuse et lui jetas un dernier regard - cette fois sans l'once d'un sourire ; avant de tourner les talons.
Pourquoi ne voulait-elle pas reconnaitre le danger qui planait peut-être sur elle ?
Pourquoi s'obtenait-elle à te considérer inapte à prendre des décisions allant dans le sens de sa prospérité ?

Tu étais un pleutre, mais surtout frustré.