Tu es en retard, Lazare, alors Harmony compte les secondes de ce temps si cruel qui s'écoule inlassablement. Tic. Un. Tac. Deux. Les doigts qui tapotent le bois de la table, Robin présent à ses côtés, elle attend, Lazare.
10 minutes passent.
20 minutes passent.
Et puis 30 et à 31 elle décide que c'en est trop.
Elle sait bien à quel point les chasses peuvent être excitantes, seulement dans le ciel à la tombée de la nuit pas l'ombre d'une flèche. À l'orée de ces bois qu'elle connaît par coeur pas l'ombre d'un rire et le son de ta voix aussi morbide soit-elle lui manque terriblement.
Elle a besoin de te retrouver.
De te voir.
De t'entendre.
De s'extasier - t'embrasser.
(jamais aimer non, ce sont des choses qu'on ne dit pas, aimer)

Elle ne pensait pas découvrir au milieu des feuilles un corps presque mort entouré des siens - des chiens.

Elle aurait tout donné pour que ce ne soit pas toi, allongé là.
Et pourtant.

Elle accourt
Peut-être que ton prénom s'échappe trop fort de ses lèvres elle n'a pas fait attention tu sais.
Elle est déjà près de toi, à genoux
Et toi tu es contre elle, la tête posée sur ses cuisses tandis qu'elle se sert de son don de guérison les doigts tremblants.
La plaie est grande.
Trop.

L'animal a trahi.
L'animal s'est enfui.
Keira est partie.

C'est Keira qui a fait ça ?

— Ne parles pas Lazare, tu t'épuises - tu l'assassines, le sais-tu ?

La voix si faible et c'est son coeur qui se brise, fébrile.
Les soins ne fonctionnent pas.

— Depuis combien de temps baignes-tu dans ton sang... ?

Parle, raconte-lui Lazare.
Comment Keira a trahi,
Comment Robin a faibli,
Comment tu vas mourir aujourd'hui
Parce que les soins ne fonctionneront pas.
Elle le sait.

Et c'est son âme qui se brise cette fois,
Tandis qu'une larme roule sur sa joue.

Il est trop tard.

Pauvre idiote.
C'est vrai, c'est vrai qu'elle est idiote Lazare.
Parce qu'Harmony est bien trop lucide pour ne pas l'être, parce que c'est toi et c'est seulement pour toi qu'elle continue de soigner dans le vent.
Ton corps s'épuise encore,
Tu pâlis.

Elle a fait de son mieux, tu sais ?
Bien sûr que tu le sais.

— Mieux n'est jamais assez., à peine soufflé.

Jamais assez pour toi,
Jamais assez pour elle.
Ça ne voudra plus rien dire si tu meurs aujourd'hui.

Est-ce qu'il est idiot de dire qu'elle ne sera plus rien sans toi, Lazare ?

— Je refuse de te laisser partir. Tu ne peux pas m'abandonner Lazare tu m'entends ?

Pas maintenant
Pas comme ça.

Jamais.

— Ne m'abandonnes-pas.

Je t'en supplie.
Prié si fort entre les larmes qui dégoulinent sur ses joues, tombent sur ta peau.
Les secondes semblent si longues.
Faites quelles ne s'arrêtent jamais.
Impossible, pas vrai ?

— Tue-moi.

Emmène-la avec toi.

Elle aimerait hurler.
(elle en est incapable)
Les mots bloqués dans la gorge elle avale sa salive, ferme les yeux un bref instant pour ravaler ses larmes et elle espère, l'espère si fort
Que tu seras vivant encore lorsqu'elle les rouvrira.

Elle a encore à faire ici.
Tu n'es pas mort c'est vrai
(pas encore)
(jamais)

Mais elle ne peut pas.

— J'en suis incapable..

Ne l'entends-tu pas hurler sa peine Lazare ?

— J'en suis incapable !

Plus fort
Plus fort
Plus fort !

— Tu es mon seul moteur, sans toi elle n'est rien, même l'âme vengeresse. Je ne peux pas.

T'écouter.
Pas cette fois Lazare.
Et elle est atrocement désolée de te décevoir.
De faiblir elle aussi et

De t'embrasser.
Toucher tes lèvres une dernière fois
S'imprégner de la douceur de ta peau
De ton odeur
Une dernière fois.

À l'intérieur il n'y a déjà plus rien.
Harmony brisée,
Lazare tué.

Vous voilà bien beaux tous les deux - elle aurait adoré pouvoir lutter.
Elle en est incapable.
(sort une lame de son fourreau pour la placer doucement dans tes mains)

— Achève-moi, Lazare, murmuré entre vos lèvres collées, avant un ultime baiser.

Tranche sa gorge
Elle tranchera la tienne.
Alors à deux vous mourrez puis à trois vous retrouverez.

En Enfer pour l'éternité.