la capitale enfin en vue ;
tu venais rarement ici mais la ville ne manquait jamais de te couper le souffle – l'eau, à perte de vue, et tu accueilles le changement de décor avec grand plaisir.
tu étais venue chercher un cadeau pour Dame Martell, la remercier de t'avoir pris sous son aile, et l'une des servantes t'avait soufflé l'idée du gigantesque marché à Trois Rivières.
— --te demandera rien d'autre après, on te laissera tranquille.
tu coupes nette à ta marche, observant aux alentours. tu aurais juré...
— --Laissez-moi partir !
la voix faible mais claire, tu es certain d'avoir bien entendu cette fois, te dirigeant sans attendre vers l'endroit d'où elle provient.
et c'est la colère qui vient froncer tes traits lorsque tu croises le regard d'une pauvre femme, seule face à trois hommes. tu n'hésites pas, jamais – la source de tes misères, à dire vrai – tu réduis la distance entre elle et toi, posant un bras amical sur ses épaules.
— Bon sang, chérie, je te cherchais partout ! Qui sont ces braves gens ? Tes amis ?
tu ne retires ta main que pour la lui tendre.
— Laisse-moi porter tout ça, tu veux ? Désolé du retard.
et tu te penches vers elle, murmurant pour qu'aucun d'entre eux ne puissent entendre.
— Donnez-moi ce sac et à trois – de l'autre main, tu glisses tes doigts dans les siens – on court.
une fois le sac installé sur ton dos, tu fais le décompte... et à trois, la tires avec toi au plus loin de ces types là.
ne t'arrêteras qu'une fois certain de les avoir semés;

tu as un regard surpris lorsqu'une bête se dresse entre les hommes et vous, inquiet surtout et tenté de faire demi-tour – ces brutes oseraient certainement la frapper, et l'idée ne te réjouit pas. sauf que la jeune femme en décide autrement, du doigt pointe une direction que tu suis sans sourciller ; elle a l'air de mieux connaître les lieux que toi, qui étais tout bonnement prêt à courir ligne droite. tu prends le temps de lui adresser un sourire dans une tentative de la rassurer.
— Oh, il y a pas..., tu freines sur tes talons pour esquiver un mur, ça t'apprendra à faire le beau, de mal !
le sac commence à peser lourd sur ton dos et quand tu es certain de ne plus entendre leurs pas sur vos traces, tu te permets une pause, glissant au sol en position accroupie.
— Eh beh ! Vos affaires pèsent une tonne. Si ça ne vous dérange pas, maintenant qu'on a l'air sorti d'affaire, je vais retourner voir ces voyous. Je suis un peu inquiet pour la bête qui a tenté de les attaquer.
et tu te redresses, essuyant d'un revers de main la sueur qui perle à ton front, prêt à revenir sur tes pas.
— Faites attention à vous, jolie demoiselle.

la tête qui pivote pour observer la demoiselle –
— Ametsa ? C'est le nom de la bête ? Attendez, c'est la vôtre ?
ce qui explique pourquoi elle s'est jetée entre vous et les agresseurs.
— Ah, oui, non, effectivement, du coup.
tu te passes une main sur la nuque, l'air penaud. peut-être n'avait-elle pas besoin de ton aide, alors, si son animal de compagnie était prêt à la défendre comme il l'a fait ici.
— Ca va, du coup ? Plus de peur que du mal ?
tu t'accroupis de nouveau, à son niveau, pour inspecter une éventuelle blessure qui t'aurait échappé lors de votre fuite précipitée. ne constatant rien, tu viens t'asseoir à côté d'elle ; tu n'allais tout de même pas laisser seule une personne qui vient de se faire agresser.
— Vous êtes marchande, c'est ça ? Vous vendez quoi ?
tu zieutes le sac, curieux de quelle marchandise peut peser aussi lourd. avec un peu de chance et si elle connait la région, elle pourrait t'aiguiller vers quelqu'un qui possède le cadeau parfait.

tu l'écoutes, attentivement, sa voix claire qui sonne bien plus chaleureuse qu'elle ne l'était auparavant – la faute à ces goujats pas fichus de traiter les gens correctement.
— Des bijoux ?
tes prunelles s'illuminent, en voilà un cadeau pour Dame Martell ! Un joli collier, ou simple bracelet, bleu – non, tout sauf le bleu – ou plutôt vert, comme votre fier emblème ; tu allais t'encquérir de sa marchandise lorsqu'elle te fait signe de te cacher et tu t'exécutes.
les voix qui passent à côté, pestant contre l'animal sûrement, et leurs pas s'éloignent enfin – fini pour aujourd'hui, la course-poursuite, et ce n'est pas plus mal.
cependant –
— Comment l'avez-vous su ? Qu'ils allaient passer, je veux dire. Je n'ai rien entendu.
et tu ne penses pas avoir une si mauvaise ouïe,  àguetter toute ton enfance le bruit de la porte qui s'ouvre en espérant que ce soit la figure de ton père qui soit derrière, ça forge l'attention auditive.
— Oh, euh, suis-je bête, je ne me suis pas présenté. Lloyd, pour vous servir demoiselle. Et vous ?
tu tends ta main un peu gauchement pour serrer la sienne.

tu plisses les yeux, l'air dubitatif – avant d'éclater de rire.
— Ah ! La fameuse intuition féminine ? La personne que je sers possède la même, c'est redoutable.
et tu souris, peu importe si elle ment ou dit la vérité, elle a su et t'a sauvé d'une confrontation inutile ; confrontation dont tu pensais, toi, la sauver, mais tu commences à douter d'avoir fait quoique ce soit, tant elle semble se débrouiller.
— Oh, il n'y a pas de quoi, au final, vous auriez sûrement pu vous en sortir seule.
un regard vers le gros chat, tu avances un peu ta main avant de décider que c'est une mauvaise idée ; il ne se laissera probablement pas caresser par un inconnu.
— En fait, si, il y a quelque chose. Vous vendez des bijoux, c'est ça ? Je peux voir ? Je cherche un cadeau pour ma Dame.
pour la remercier de t'avoir accueilli au sein de son palais, toi qui ne savais où aller, pour la remercier de sa bonté inconditionnelle – aux antipodes de celle de ton père, quoique tu ne te rappelles même pas de cette dernière ; autrefois, peut-être, avant maman, avant d'être adolescent.

tu cherches dans un premier temps dans le regard de la bête s'il n'y a aucun piège et qu'elle est vraiment consentante puis, lorsque tu en es assez certain, tends la main pour venir caresser le haut de son crâne ; émerveillé par la douceur de sa fourrure, tu te perds en papouilles jusqu'à ce que la voix de Claire te ramène à la réalité.
— Hein ? Oh e- oh, oooh !
tu l'observes faire, disposer les bijoux en un claquement de doigt et ne peux qu'admirer la beauté de chacun ; tous délicats, à l'image de leur propriétaire et un en particulier.
un joli bracelet parsemé de pierres aux reflets verts et violets – tu es séduit.
tes doigts délaissent la bête pour venir le saisir, doucement, l'observer à travers un rayon de soleil pour mieux en admirer la couleur.
— Celui-là est sublime ! Pas qu'ils ne le soient pas tous, mais je pense que ça ira parfaitement bien à Dame Martell.
tu fouilles dans tes poches, en sors une petite bourse que tu poses devant toi, le tintement des pièces accompagnant chacun de tes mouvements.
— Combien ?

pièces déjà sorties alors que les mots traversent les lèvres de Claire et tu relèves la tête, surpris.
— La courtoisie voudrait que je refuse.
mais tu tends tout de même deux dores au lieu de trois, sourire bénet, car tu ne saurais refuser pareille offre et peut-être pourras-tu ajouter des fleurs au joli bracelet avec l'argent économisé.
— Mais je vous avoue que ça m'arrange bien.
tu récupères le bracelet et le ranges précieusement dans la poche de ton manteau, guettant encore et toujours l'allée d'en face au cas où les hommes auraient la bonne idée de revenir sur leur pas.
— Vous êtes du coin ? C'est seulement ma deuxième visite ici, le coin est charmant. Quoiqu'un peu mal famé. En tout cas, encore merci pour le cadeau ! Je n'aurais même pas besoin de me rendre à la capitale.
même si l'occasion était en or, de découvrir enfin la capitale aux si jolies cascades, mais il te coûte d'admettre que tu ne te sens à l'aise qu'à Grandvent.

— Non, celui-là suffira amplement.
en espérant qu'il sied à ta dame, et tu décoches un dernier sourire à Claire.
— Je pense pouvoir faire demi-tour, à présent, j'arriverai peut-être même à Zéphyr avant la nuit tombée.
tu te redresses et lui tends les mains pour qu'elle fasse de même, la hisses à ta hauteur et jettes un dernier regard vers la rue. un autre jour, peut-être, reviendras-tu ici, mais il est l'heure de rentrer pour aujourd'hui.
— Ce fut une agréable rencontre, et j'espère pouvoir vous recroiser si jamais je reviens dans les parages.
beau-parleur parce que tu le peux, parce que tu préfères finir cet instant sur une note joyeuse ; des rencontres incongrues à fuir les malotrus ; tu recules et t'inclines, disparaissant dans l'allée tout en lui adressant un dernier salut de la main.

— A une prochaine fois, qui sait !