Le soleil est encore haut lorsque tu pénètres l'enceinte des murs de la Capitale Malronçoise. levé tôt pour accompagner Dame Martell jusqu'à la Cérémonie de l'Arbre, tu as ensuite pris la décision de te rendre à Roseraie pour cette année – ne connaissant que trop bien les fêtes de Grandvent et Belorge, depuis le temps ; en réalité, désireux surtout de fuir le royaumes des Blés, porteur d'un passé que tu n'as pas cœur à affronter par cette période festive – que ce soit ton père, sûrement occupé à garder sa princesse capricieuse, ou Roman qui ne rentrera pas cette fois encore –
trois ans déjà, et tu espères secrètement le voir venir toquer à ta porte, prêt à te pardonner – quoi, tu ne sais pas bien mais pour lui, tu t'excuseras tout entier, pourvu qu'il revienne, enfin, à tes côtés et
que ton amour trouve délivrance à l'instant où tu te confesseras et qu'il te rejettera – qu'il te libère enfin de son ombre dans chacun de tes pas ;

tu ne réalises avoir baissé la tête que lorsque tu la relèves, intrigué par une musique qui se joue à quelques mètres de toi ; un air que tu ne connais pas, sûrement Malronçois, et entrecoupé de rires et brouhaha.  
les pieds naturellement attirés, tu te frayes un chemin à travers la foule qui s'agglutine, laissant la fièvre festive te gagner et un sourire orner tes lèvres – jusqu'à reconnaître le musicien acclamé
un souvenir, lointain, d'un été et de draps froissés, la promesse de ne jamais en reparler, sa voix lorsqu'il était –– applaudi par le public, tu sors de ta torpeur et remarques avec effroi que le numéro est terminé ; pire encore –
qu'il t'a remarqué.
il te faut quelques secondes pour faire volteface et tenter de tourner au coin de rue comme si de rien n'était.

tu n'es pas prêt à te rappeler cette soirée, terrible.

sa voix qui t'appelle et c'est le mauvais souvenir qui s'y associe – le souvenir de cette nuit – tu accélères le pas mais déjà, ses doigts saississent ta manche et il te barre la route ;
une bouffée de chaleur aux joues, de gêne ou de –– quoi ? – tu le toises de haut en bas.
— Errr.... Non je pense que vous devez vous tromper de personne.
honteux mensonge et absolument aucune crédibilité.
tu le sais mais tu places quand même une main devant ta bouche dans l'espoir qu'il comprenne que tu ne demandes rien d'autre qu'à disparaître, loin d'ici, loin de lui – le souvenir de cette nuit qui se rejoue en boucle c'est trop ça suffit.
— Bon ok, non, c'est moi, bonjour Yekun.
tu passes tes doigts sur ta nuque, fixant le sol avec insistance.
— J'aurais préféré que tu m'oublies mais je suppose que... on oublie difficilement un client nul, c'est ça ?
et tu tentes un rire, histoire d'amoindrir la honte – tu maudis le Lloyd qui a cru intelligent de quérir les services d'un gigolo pour se rassurer sur sa sexualité. non seulement tu n'as eu aucune réponse à ce sujet, tu t'étais en plus ridiculisé.
— En vrai, je me suis amélioré depuis, tu sais.
de toutes les remarques possibles
tu as la connerie de choisir celle-là.

et sa moquerie n'a rien de méchant, tu le sais. Yekun rit et tu te rappelles – encore et encore – cette nuit ;
il avait ri aussi.
face à ta maladresse, ton air penaud, le mec pas très assuré venant quérir les services d'un gigolo. et tu ne lui avais jamais expliqué pourquoi, si ce n'est en lui disant que tu voulais vérifier quelque chose – sans préciser quoi, trop gêné, éternellement gêné devant lui il semblerait
plus particulièrement lorsqu'il s'approche, près, très près, assez pour que tu réalises enfin avoir un mur derrière toi et aucun échappatoire.
— Certes, c'est un point valide.
tu es dépité ; sans être un grand dragueur, tu estimes avoir suffisamment de charme pour pouvoir séduire mais face à lui – face aux souvenirs qu'il réveille – tu te sens atrocement gauche.
alors, lorsqu'il saisit ton menton, ton cerveau court-circuite certainement car tu le saisis par le col et inverses vos positions – c'est d'autant plus ridicule qu'il a bien dix centimètres en plus mais foutu pour foutu, Lloyd, tu le tiens dos au mur, une main de part et d'autre de sa tête.
— J-je peux pas faire ça en plein jour. mauvaise formulation. Ce n'est ni l'endroit, ni le moment. pas beaucoup mieux. Arrête de te moquer ! là, la panique parle pour toi.
parce que tu le vois, son sourire ravi pendant que Yekun se rit de toi.

enfer
et damnation
du sourire qui vient orner les lèvres du blond et par la maison-dieu, que ce sourire lui sied bien ;
tu balbuties, cafouilles, honteux des ouragans qu'il réveille en ton sein – un mélange subtil de désir et de gêne mais surtout de gêne lorsqu'il s'abaisse à ton niveau et pose ses mains sur tes reins.
— Oh putain Yekun, tu- Ok, attends. Pause.
tu retires les tiennes du mur pour les poser sur les siennes, paniqué, Lloyd, en terrain inconnu et le ciel en est témoin, tu fais un piètre aventurier face à l'incertain ;
— Non, ok, c'était. Très bien.
un râle d'exaspération, écoeuré par ton éloquence qui a pris congé –
— Mais, euh, j'ai quelqu'un dans ma vie.
mensonge éhonté, tu as l'absence pour seule maîtresse et compagne de tes sentiments passionnés ;
— Et pas beaucoup de sous, aussi.
tu
soupires
grand, long soupir, et tu utilises les mains du malronçois pour venir claquer tes joues – un sourire con aux lèvres parce que la situation y appelle.
— Franchement, Yekun, on t'a déjà dit que tu faisais facilement perdre les moyens ?
sans être très charmeur, l'air un peu plus confiant maintenant que la douleur te ramène solidement à la situation – tu es ridicule et face à lui, ça n'a rien d'alarmant.

alors autant en rire, comme tu le fais si souvent.