(end) l'enfant de la charrette

" L'enfant de la charrette "valerian + minuit

Une immense impatience, sur ses traits, s'est figée. Aux aguets, une main pleine de richesses - trouvailles du jour, les muscles se tendent à la vue de celui qui l'avait jadis jetée au loup. Des enfants de la charrette elle ne se rappelle le visage d'aucun car l'oubli fait moins mal que de se souvenir de leurs cris - leurs corps affaissés meurtris dans l'herbe du domaine du loup gris. Mais sous ses yeux ce n'est pas un souvenir qui se pavane, c'est lui en chair et en os, le seul et unique traître de la charrette, le canard noir parmi la volée de cygnes voués à disparaître, dévorés par le prédateur qui les attendait.

Son sang ne fait qu'un tour, ses pas se fondent dans les siens. Elle ne réfléchit pas car les pensées pourraient la freiner, elle n'a pas peur car elle préfère n'avoir peur de rien. Minuit tapie dans son sillage le suit et lorsque les mains du garçon épousent des trouvailles qu'elle convoitait avant lui, Minuit fronce les sourcils.

Elle enfonce un bout de pain dans la poche de son chandail rapiécé et de sa main désormais libre elle attrape le garçon par le col à son dos et le tire vers une ruelle plus isolée.

Elle le plaque contre un mur, pousse sur sa poitrine, et le menace avec le saumon cru et entier qu'elle tient dans son autre main.

« Toi. Voleur nul. »

Pousse plus fort de son petit bras frêle.

« Traître. Plus voir ici. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu errais en ces rues trop vivantes pour la carcasse que tu trainais. Tout ces gens heureux, en sécurité, te donnaient la nausée. Tu savais que tu devais repartir au plus vite dans ton royaume, que tu devais retrouver Idriss sur les terres de ton passé. Tu n'étais pas un enfant du vent mais de la glace, et ton histoire cristallisée en avait assez de réfléchir à sa fin possible - mais voulait écrire encore quelques lignes.

C'était l'espoir jusqu'au bout des pieds que t'avait insufflé Callisto. Elle n'avait pas eu besoin de te pardonner mais avait allégé ton coeur trop longtemps alourdi par les regrets. Alors que tu refusais d'utiliser les dores qu'elle avait trop gentiment prêté, tu avais volé une poire par delà les échoppes du marché.

Une main t'avait empoigné et alors que tu avais cru à un soldat, c'était en réalité le corps frêle d'une enfant qui te traina jusqu'à une ruelle.
Sur tes gardes, tu lui avais craché un peu agressivement :

— « Qu'est-ce que tu veux ?! Je n'ai pas d'argent, gamine ! »

Tes yeux s'étaient figés sur un visage que tu avais honteusement oublié et qui pourtant te hanta dès la seconde où tu crus reconnaitre ses traits.

— « Toi... »

L'enfant de la charrette. Celle que tu avais lâchement trahi pour sauver ta peau, que tu avais vendu à ce sale type qui ne t'avait pas remercié de la manière dont tu espérais. Tu avais vendu sa vie pour la tienne ; et ça n'avait même pas marché.

Tu t'enfonças un peu plus contre le mur, lâchant le fruit croqué sur le sol. Celui ci roula dans la crasse un peu plus loin.

— « Tu es vivante. »

Cette constatation ne te soulageait qu'à moitié. Tu jettes un oeil un peu effrayé vers le poisson cru qu'elle agitait vers ton visage. Tu la repoussas finalement violemment de tes deux mains pour gagner un peu d'espace.

— « Dégage ! Tu es vivante non ? Ça ne devait pas être si terrible alors. »

Tu étirais un sourire tordu, mal à l'aise et pas vraiment convaincu par tes propres propos. Tu cherchais à te rassurer, à te convaincre que tout allait bien.
Si elle était là, c'était que tout allait bien.

— « Non ? »

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Le corps jeté en arrière titube et les pas sont silencieux tant elle est légère. Dans sa colère, les lèvres boudeuses et les sourcils froncés, Minuit le visage froissé grogne car les mots manquent mais qu'elle refuse de se taire - de le laisser parler.

« Vivante ?! »

Elle s'offusque, avance d'un pas décidé et c'est l'oppresser qu'elle fait sans se gêner. Son poisson toujours en main, elle baisse le bras et se met sur la pointe des pieds - il est plus grand que lui, à son grand dam, quoi que ça ne l'empêchera pas de s'énerver.

« Moi vivante mais autres morts et ça ta faute. Toi nul. »

Elle pointe du doigt le fruit qui a roulé dans la boue.

« Ça trésor et toi jeter. Toi nul. »

Elle pointe du doigt le visage de Valerian qu'elle n'a pas quitté de ses yeux sévères.

« Moi vivante mais moi voir la mort partout. Alors très mal là. »

Pointe sa poitrine, son visage en colère est devenu triste. C'est son cœur qui pleure mais ses yeux ne versent aucune larme.

« Toi abandonner nous. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Elle s'était offusqué sur le mot vivante. Etait-elle morte ? Etais-tu mort, et plongé dans un enfer éternel ?
Tu refusais de croire que cet ange n'était pas parti au paradis, car elle - jamais n'aurait trahi. Vous étiez donc bien sur Valdore et la Maison-Dieu avait décidé de la placer sur son chemin pour te donner une leçon.

C'est le visage marqué par l'horreur que compris que tous les autres étaient morts. Ils n'avaient pas survécu ? Mais elle oui, comment ?
Tu serras les poings et tournas la tête quand elle mentionna la poire salis par les déchets abandonnés sur le bas côté.

— « Tu peux la ramasser, je te l'offre. »

Tu la regardais comme une pestiféré, effrayé par son courroux, rongé par une culpabilité que tu tentais de cacher.

— « Je.. Je ne voulais pas d'accord ? Je n'ai pas eu le choix ! »

Tu ne trouvais aucune saveur consistante dans tes excuses pré-machées. Tu te doutais bien que ça ne pouvait la consoler, et encore moins te rattraper.
La mort, c'était parfois une douce libération à laquelle tu aspirais. Exister faisait trop mal, surtout quand tu savais que ta vie ne valait pas le prix de toute celles que tu avais sacrifié.

— « Je vous ai abandonné et votre acheteur m'a trahi aussi. Il m'a refilé à son ami. J'ai été puni, alors laisse-moi ! »

Tu l'avais saisi par les bras, et tu avais froncé les sourcils. Finalement, tu avais laissé ton tomber ta tête sur son épaule - épuisé.

— « Qu'est-ce que tu aurais fait à ma place ? »

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Elle plisse les yeux de son visage expressif, visiblement amère, l'arête du nez froncée et des colères au bout des lèvres. Minuit grogne plus qu'elle ne mord et les aboiements peinent à avoir du sens, mais Minuit grogne plus fort alors et elle pense que c'est suffisant pour se faire comprendre.

« Toi imbécile. Ta place être ma place aussi dans la charrette et moi pas traître. »

Elle lève le menton dans une mine hautaine. Ce qu'il dit ne fait sens à ses oreilles car ils étaient tous les deux assis dans la charrette ; "si tu étais à ma place" devenait caduc.

« Moi toujours vivante mais moi mériter parce que courir. Keira donner moi chance. Toi pas puni, toi en vie. Si toi puni assez, toi mort. »

Elle hausse les épaules.

« Moi pas tuer toi. Moi pas assez forte encore. Mais si moi te revoir et moi forte, moi te tuer. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu la regardais d'un air désespéré comme si sa colère n'était qu'une punition de plus que la Maison-Dieu t'infligeait. Tu avais eu pour habitude de prendre une série de mauvaises décisions, et croiser Minuit ne faisait qu'être le châtiment de plus à une suite déjà bien méritée. Mais pourtant, tu ne voulais pas te laisser faire. Tu ne voulais pas te laisser écraser par une enfant. Si les autres étaient morts, alors tu aurais pu l'être tout autant.

— « Exactement. Je serais mort. »

Tu la toisas cette fois avec un peu plus d'assurance.

— « Et j'ai pas envie de mourir. Pas plus qu'hier. Tant mieux pour toi si tu as pu survivre. »

Lorsqu'elle te menaça, tu eus d'abord la chair de poule. C'est pour combattre de sentiment de faiblesse que t'avait toujours reproché ta Reine que tu érigeas pour seule barrière un rire moqueur.

— « Haha ! Toi ? Me tuer ? Si tu peux t'accrocher de nouveau à des rêves, je suis content pour toi. »

Tu essayas de la contourner, sans la toucher.

— « J'ai dis que j'étais désolé, maintenant retourne mendier comme tous le monde. »

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Personne n'a envie de mourir et Minuit le sait. Elle lui reproche d'avoir été lâche parce que Minuit ne comprend pas les relations de causes à effet. Le danger imminent de la mort elle ne le ressent que lorsqu'il est effectivement imminent, elle ne parvient pas à penser au passé. Alors au présent, elle se jette sur le fruit tombé dans la boue, le lance sur sa tête pour l'empêcher de partir, attirer son attention, elle n'a pas fini d'être en colère contre lui.

« Arrête arrête arrête »

Minuit est comme une furie, elle se rapproche de plusieurs enjambées tant pis pour les pieds dans la boue, les flaques n'avaient qu'à se trouver ailleurs que sur son chemin. Elle fronce les sourcils dans une mine mauvaise et le poisson toujours dans sa main vient dévisager lui aussi Valerian de ses petits yeux globuleux et morts.

« Toi idiot bête. »

Reprend le poisson vers elle.

« Et méchant. Toi pas sortir sans consence. »

Conséquence était un mot encore difficile et elle ne l'avait entendu que trop peu de fois.

« Toi ramène pain chaud. Maintenant. »

Ses doigts caressèrent la bosse formée par la croûte de pain sec dans sa poche.

« Accord partager truite si toi pain. »

Ou saumon en l'occurrence, mais Minuit suppose que truite veut dire poisson.

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu allais partir, déterminé à fuir son regard trop accusateur que tu avais du mal à supporter, à encaisser. Et pourtant tu te figeas quelques secondes en l'entendant répéter ce mot plusieurs fois : arrête.

— « AIE ! »

Tu te retournas brusquement, une main sur la tête pour caresser la bosse qui allait surement se former à cause du choc que tu venais de recevoir.
D'un regard assassin, tu la menaças d'une colère sourde. Et pourtant tu n'étais pas crédible - idiot en effet, incapable de bouger.

Tu analysas le marché qu'elle venait d'énoncer, un peu interloqué par le fait qu'elle avait bifurqué sur une autre idée fixe.
Hésitant, tu plissas les yeux dans sa direction.

— « D'accord. » Prononças-tu seulement comme pour sceller votre accord.

Tu la contournas en la suivant du regard, les doigts grattant toujours le haut du crâne avant de retourner dans l'aller du marché.
Voler une miche de pain ne serait pas aisé au vu des étalages mais tu revins dans la ruelle au bout de dix bonnes minutes, quelque chose de caché sous le manteau.

— « J'ai failli me faire prendre avec tes histoires. »

Ton interêt se porta soudainement sur le poisson.

— « On le fait cuir sinon c'est pas un vrai festin. »

Tu la toisas de haut, méfiant quand au fait qu'elle pouvait encore changer d'avis.

— « Alors on va faire un feu dans la forêt ? »

Et peut-être même qu'à l'abris des regards tu pourrais la dépouiller dans son sommeil.

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Minuit sourit, regarde le pain tiède entre les doigts de Valerian. Elle ferme les yeux, quelques secondes. Dans l'ombre surgit rapidement Nuit, ses griffes contre l'allée dallée, la course rapide, le corps poilu glisse jusqu'à Minuit qui lâche le saumon ; la loutre le réceptionne. Minuit ouvre les yeux, s'empare de la miche de pain d'une main habile et semble s'enfuir tout à coup.

La loutre a le poisson.
Minuit a le pain.
Mais à peine quelques pas en direction de la forêt, elle se retourne.

« Toi venir ? »

Elle ne le vole pas ; contrairement à ce qui a semblé.

« Toi lent. Moi faim. Venir vite, hop. »

La voix autoritaire, sévère, elle se retourne à nouveau et décampe, elle détale rapidement, s'éloigne des gens. Les pieds nus quittent les pierres pour rejoindre la terre, fait craquer des branches à son passage, et ralentit une fois loin de la ville, regarde derrière elle pour voir si Valerian la suit.

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu n'avais pas vu venir l'animal, qui surgit d'un coup pour récupérer le saumon. Tu eus un sursaut de recul lorsqu'elle te vola le pain des mains pour s'enfuir. Surpris mais surtout hébété par le culot dont tu n'avais pas toi-même fait preuve, tu mis quelques secondes à réagir avant de lui courir après.

— « ATTENDS EH ! RENDS-MOI LE PAIN SALE VOLEUSE ! »

Tu lui courus après, traversant les rues, bousculant du monde dans le passage sans la perdre de vue. Une fois à l'orée de la forêt, elle s'arrêta et toi aussi.
Essoufflé, elle te fit comprendre qu'elle ne fuyait pas, mais que tu étais trop lent. Alors qu'elle t'ordonna de la suivre, tu marmonnas pour toi-même :

— « Sale gamine... »

Tu l'avais finalement rejoint dans la forêt et reprit ton souffle, les mains sur les cuisses (plié en deux) dans des respirations bruyantes.
Une fois stable, tu fixas l'animal du coin de l'oeil.

— « C'est quoi cette chose ? Pourquoi elle te suit comme ça ? »

Tu avais saisis une branche au sol pour lui donner des coups de bâton.

— « Lâche ce poisson sale bête ! »

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La loutre prend la fuite, le corps rapide, et grimpe à toute vitesse sur Minuit qui courbe le dos pour lui faciliter la tâche. Minuit fronce les sourcils, et s'approche de deux grands enjambées de Valerian, lui arrache le bâton des mains et le frappe avec, d'un seul coup, sévère.

« Toi très stupide et nul ! »

Elle jette le bâton sur le côté, et pose un doigt contre sa poitrine comme pour l'accuser. Ses deux grands yeux foncent sur lui et le foudroient.

« Ca, Nuit. Toi pas frapper Nuit sinon toi mourir avant jour d'après. »

Elle attrape le poisson que Nuit lâche de sa gueule.

« Moi pas faire feu. Moi pas appris. »

Elle garde le pain et le poisson, ses deux yeux sur Valerian ne semblent plus agressifs, mais curieux.

« Toi faire feu ? Moi apprendre. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Elle t'avait arraché le bâton des mains alors que l'animal s'était enfuit pour grimper sur son dos. Tu te protégeas avec les bras alors qu'elle te donna un coup avec.

— « AIE MAIS C'EST BON ARRETE MAINTENANT ! »

Tout danger d'enfant furieuse écarté, tu fixas d'un air méfiant la loutre blottie dans le cou de Minuit. De quoi parlait-elle ? Et pourquoi l'animal sauvage adoptait un comportement aussi familier avec la jeune fille ?

— « Oui oui, très bien. Peu importe. »

Tu levas les yeux au ciel et te baissas - accroupi - pour soulever la mousse jonchée sur le sol.

— « Je ne vais pas t'apprendre à faire du feu à la sauvage. J'ai volé un briquet chez mon ancien maitre, et c'est bien pratique. »

Tu redressas le menton vers elle et levas le doigt pour lui indiquer de s'asseoir.
Tu sortis de ta poche un briquet à percussion et un morceau de silex.

— « Il faut des petites brindilles pour que les flammes grandissent, et de la mousse sèche. Tu peux me trouver ça ? On fait un puits de chaleur avec des pierres, comme ça. »

Alors que tu lui expliquais, tu avais rassemblé des grosses pierres que tu avais disposé en cercle.

— « Je suppose que ta Nuit, elle se mange pas n'est-ce pas ? »

Et tu avais étiré un sourire moqueur.

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Minuit ne comprend pas l'humour, et le second degré. Lorsqu'il parle de manger Nuit elle hausse un sourcil, et analyse le ricanement en imaginant qu'il s'étouffe peut-être. Ce n'est pas possible de faire un bruit aussi moche pour le plaisir de le faire. Elle hausse les épaules.

« Toi bizarre. Si toi manger tes amis toi stupide. »

Elle hausse les épaules, n'a pas l'intention de débattre davantage. Elle l'a assez insulté pour aujourd'hui à vrai dire. Ce n'est pas tant que ça l'amuse, mais il lui donne toujours plus de raisons de le faire.

Elle se retourne pour aller chercher ce qu'il lui a demandé, elle répète les mots à voix haute, elle se dit sûrement que ça va l'aider à ne pas oublier, bien qu'elle ne soit pas sûre de quoi il s'agit.

« Mousse. Sèche. »

Elle ramène du bois, de l'écorce, des feuilles mortes et des brindilles.

« Mousse sèche. »

Elle les jette aux pieds de Valerian, le regard figé sur le briquet qu'il tient en mains.

« Mousse sèche et briquet. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu avais ignoré la remarque sur ta stupidité. Tu l'avais bien mérité, avec tes vannes tordues. Elle ne semblait pas vraiment comprendre et du coup ton machiavélisme tombait à l'eau. Tu te concentras du coup sur l'élaboration du feu. Utiliser ce briquet était plus rapide et pratique que de faire du feu avec des pierres où la friction du bois mais il fallait tout de même être patient.

Tu l'observas du coin de l'oeil ramasser ce dont vous aviez besoin. Tu t'écartas d'un pas de côté - toujours accroupi au dessus du puits - pour qu'elle dépose les brindilles au centre.

— « Ouai, c'est très bien. Maintenant ça, c'est des branches. C'est pas de la mousse. »

Tu lâchas le briquet et le silex et lui fit prit la main pour l'accompagner caresser le duvet doux couché sur l'herbe.

— « Ça, de la mousse. Ça crame hyper facilement et ça permet de nourrir le feu avant le bois. »

Tu la fixas ensuite silencieusement avant de lâcher sa main, un peu gêné. Tu lui tendis le briquet.

— « Tu veux essayer au pire ? J'allumais les cheminées au château de Briserune avant. Tu peux t'entrainer. Tu vois ce silex ? Tu dois le frotter très fort et longtemps sur pour créer une friction sur l'arrête tranchante du briquet. Fais-le au dessus du puits, je vais chercher du bois. »

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Le regard figé, oppressant, Minuit écoute avec attention, elle enregistre les informations et tout va très vite dans sa tête. Minuit apprend rapidement, mais il y a beaucoup à retenir, et elle n'est pas sûre de pouvoir construire les mêmes phrases que lui. Machinalement, elle fait écho à certains de ses mots, comme presque sûre qu'il s'agissait de ceux-là les plus importants.

« Branches. Mousse. »

Ses muscles se tendent lorsqu'il lui attrape la main mais elle finit par le laisser faire, méfiante, et le regardant étrangement. Elle dépose ses yeux sur la mousse, et hoche la tête.

« Crame. Feu. Bois. »

Elle assimile. La mousse sert le feu. Elle hoche la tête encore, et la tourne vers lui lorsqu'il lâche sa main. Il a fait une tête bizarre, et elle a remarqué. Elle ne dit rien, car elle n'a pas de mots pour expliquer. Alors elle hocha la tête pour la troisième fois.

« Moi frotter. »

Elle prend sa tâche très au sérieux, elle attrape le briquet et le silex et elle s'active. Elle ne le regarde pas s'éloigner, elle s'évertue à faire une étincelle, en s'exclamant de temps en temps en voyant des lumières s'échapper du contact des deux pierres. Elle s'est coupée la main par maladresse, mais elle ne ressent pas ce genre de douleurs, et ne fait pas attention aux quelques gouttes de sang qui s'échappent de la peau déchirée à son pouce. Elle se couche par terre devant les braises naissantes pour observer la lumière qui la fascine. Elle élève sa voix.

« A FEU ! A FEU ! CRAME MOUSSE ! »

Un sourire décore son visage, elle semble heureuse.

« FEU ET TRUITE CUITE !! HÉ STUPIDE VENIR VOIR CRAME MOUSSE !! »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu l'avais laissé un peu dans l'indépendance - déjà parce que tu devais finir de préparer le reste - mais aussi pour qu'elle apprenne d'elle-même. Les seules fiertés dont tu te targuais (souvent avec un peu trop de zèle) étaient celles que tu avais accomplis de toi-même. Et c'était beaucoup trop rare pour que tu ne puisses pas t'en vanter.

Tu ramassais des morceaux de bois de toute taille pour constituer un stock qui vous ferait tenir toute la nuit. Vous deviez alimenter le feu toutes les heures pour être sur de repousser els animaux sauvages sortant la nuit dans la forêt.
Quand finalement elle s'exprima, tu te précipitas, en manquant de trébucher dans la boue dissimulée sous les feuilles mortes, pour la rejoindre.

— « AH PARFAIT ! BIEN JOUE ! »

Tu agitais les bras comme un idiot pour témoigner de sa victoire, avant de lui crier dessus à ton tour.

— « MAINTENANT RAJOUTE LES BRINDILLES ! VITE ! »

Puis une fois la tâche exécutée tu soupiras de soulagement. Maintenant vous alliez pouvoir vous reposer un peu devant le feu.
Un peu gêné d'avoir été aussi expressif, tu étais reparti bougon en prétextant du travail à faire.

— « Je te laisse brocher la truite, je vais nous faire un abris. »

Et silencieux, tu t'étais un peu mis à l'écart.
Qu'est-ce qu'il t'arrivait, comment ça pouvait faire aussi mal de retrouver enfin le goût de vivre ?

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Abasourdie par la lumière qui grandit devant ses yeux ébahis, Minuit reste scotchée, la bouche ouverte, le regard vitreux. La joie de Valerian la fait grandir un peu, elle se gonfle et referme la bouche, un sourire s'y glisse. Puis un ordre claque, et Minuit se brusque. Elle n'est pas habituée à l'autorité, elle ne sait pas ce que c'est. Immédiatement, son corps s'active ; ça l'anime, ça la fait vivre un peu ; ça bouillonne dans ses veines ça pétille dans les yeux. On lui a dit quoi faire, elle n'a pas du deviner ; on lui a indiqué le chemin et il lui a suffit d'y marcher. Sans comprendre ce qui arrive, elle apprécie de ne devoir prendre aucune décision, aucune responsabilité. Elle est enfin l'enfant qu'elle est censée être, elle attrape les brindilles, les dépose sur les flammes, les mains nerveuses, mais le cœur satisfait.

« BRINDILLES ET TRUITE »

Lorsque Valerian s'écarte, Minuit reste accroupie devant le feu qui grandit. Émerveillée et saliveuse, elle passe parfois une main indélicate sur la tête de Nuit qui s'agite autour d'elle.

« Crame mousse. »

Minuit s'active à nouveau, attrape une branche solide et plante la truite dessus. Elle se lève, garde la branche en main, et va retrouver Valerian.

« Truite crame mousse et brindilles ! Toi fier ? »

Elle avait entendu quelque part entre les rues
" Je suis fier de toi "
Et avait eu si envie qu'on lui dise, en constatant le bonheur qui avait fleuri sur celui qui avait reçu ces mots, qu'elle se demanda pourquoi Keira, jamais, ne les lui avait adressés.
Peut-être qu'elle ne les connaissait pas.
Ou que Minuit ne les méritait pas.
Mais aujourd'hui Minuit a fait du feu et piqué une truite, alors Minuit, en dépit de Valerian, est fière d'elle-même, et ça lui suffit un peu.

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu avais du mal à t'occuper sans ressasser des énergies negatives. Elles s'agglutinaient autour de toi comme un nuage malveillant que tu n'avais pas la force de chasser. Elle était si heureuse et la voir ainsi t'avait provoqué des émotions nouvelles. Si tu avais eu l'habitude de construire ton bonheur dans le malheur des autres (en comparaison) ; tu découvrais aujourd'hui avec l'enfant Minuit qu'être gentil c'était pas si dur que ça, au final.

Tu t'attelais à étaler des feuilles grandes et sèches pour imperméabiliser le sol ou vous dormirez ce soir. De la ficelle dans la poche, tu joignais avec lenteur des bouts de longues branches. Tu n'étais pas très doué, mais tu avais juste besoin de t'occuper les mains au final.

Minuit se glissa dans ton dos, alors que l'odeur de la truite fumée picotait tes narines, attisait ta faim.
Et la question qu'elle te posa te fit froncer les sourcils. Tu ne te retournas pas, fixant tes mains irritées par l'effort.

La colère et le désespoir se mélangeaient.
Est-ce que tu étais fier Valerian ?

— « T'es bête ou quoi ?! »

Tu t'étais retourné, les larmes au coin des yeux pour lui faire face, l'air révolté (contre toi-même). Tu avais pensé tout ce temps à la trahir une fois la nuit tombée, à la voler et à t'enfuir comme un lâche.
Le visage dans les mains, tu avais étouffé un cri.

— « Bien sûr que non ! Non je ne suis pas fier de moi ! »

" L'enfant de la charrette "valerian + minuit

Le cri déchire mais s'étouffe vite. La colère gronde dans la gorge de Valerian et Minuit le regarde, sans bouger, hébétée. Les yeux grands ouverts, elle constate avec dépit un carnage émotionnel dont elle ne saisit pas le sens. Elle papillonne des yeux, et hoche la tête. A la colère, Minuit est habituée. A la tristesse, elle n'a jamais été confrontée. Elle ne sait pas comment faire, elle ne cherche pas d'ailleurs. Elle reste là, et hoche encore la tête.

« Moi croire que ça normal. »

Elle penche la tête.
Les mots lui manquent, et ça la frustre. Elle pense avoir compris, elle sait ce qu'elle veut dire, mais le vocabulaire est trop restreint. Elle met tous ses efforts, comme elle les a mis dans le feu et la truite.

« Toi pas fier de toi si personne l'être. Fier sert pour faire lien. »

Elle se mord la lèvre. En entendant sa propre phrase, elle se rend compte qu'elle est construite de travers.

« Dire "je suis fier de toi" pas "je suis fier de moi". Fier rend heureux avec autres. Fier inutile quand être seul. Mais moi là maintenant. Alors toi fier, accord ? »

Elle lui tend la truite.

« Pas tout manger, accord ? Moi faim. Toi premier. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu t'en voulais d'avoir craqué face à elle. Ça faisait mal à l'ego parce que pour une fois tu te devais de jouer le rôle du plus grand, du protecteur. Tu n'étais pas ce minus incapable caché dans les jupes de Antigone Bathory. Et si cette époque te manquait, tu la savais révolue désormais.
Alors pleurer face à une enfant, pleurer en exposant ta faiblesse, c'était aussi humiliant de la laisser prendre la responsabilité de te réconforter.

Tu étiras un sourire malgré toi, un peu apaisé qu'elle ne devine pas réellement tes plus basses intentions. L'important était que tu avais changé d'avis.

— « Accord. »

Et comme pour le sceller, tu te saisis de sa main pour la serrer.

— « Comme ça, on signe un accord. Je suis fier de toi, tu as réussi à allumer le feu. Et pour une première fois, tu étais plutôt rapide. »

Tu n'en rajoutas pas plus, et baissas les yeux sur la truite qui sentait si fond. Ton ventre gargouillait. Tu avais la dalle.

Tu croquas dedans et craquas quelques arrêtes en grognant. Tu avais rongé presque la moitié.

— « J'ai pas été sympa avec toi. Mange l'autre moitié et donne le reste de ma part à ta loutre. »

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Minuit attrape le poisson, avale goulument sa part, et Nuit grimpe à son épaule pour manger avec elle. Sans se concerter du regard, fusionnelles. Minuit a l'habitude et les arêtes de poisson tombent de sa bouche, rejetés par sa langue qui fait le tri à l'intérieur de ses joues. La dextérité avec laquelle elle mange est dénuée de toute élégance, mais Minuit se fiche d'être distinguée, car elle ignore tout des manières et de tout ça dont elle ne s'est jamais encombrée.

Elle parle la bouche pleine.

« Ca, Nuit. Pas loutre. Nuit. »

Elle ne suppose pas que "loutre" désigne l'animal. Minuit se lèche les doigts, et retourne chercher le pain, qu'elle partage en deux, et tend la moitié à Valerian.

« Pas compris. Quoi "sympa" ? »

Elle mord dans la mie, déchire la croûte, mâche en ouvrant la bouche.

« Ca grave ? Ou ça bien ? »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu la regardas manger pendant un moment, nullement dégouté de sa manière un peu sauvage de se nourrir. Après tout, c'était compréhensible au vu de son éducation (ou plutôt de son absence de celle-ci, précisément).
Un peu rêveur, elle t'extirpa de tes pensées quand elle te précisa le nom de sa loutre.

Minuit et Nuit.
Minuit et ... Nuit.
Tu n'avais pas relevé la première fois, et tu trouvas cela assez poétique.

— « Minuit sonne le début de la Nuit. » Bon, pas vraiment. « C'est joli, dans un sens. »

Tu n'aimais pas spécialement les animaux, les ayant toujours qualifié de voleurs ou de charognards.

— « Sympa, c'est un terme pour désigner ce qui est gentil. Agréable. Je sais pas moi. »

Tu précisas.

— « C'est bien. Du coup, ne pas être sympa c'est ne pas être gentil. Et c'est pas gentil de ne pas être gentil. »

Tu soufflas un coup.

— « Oh mais tu m'embrouilles la tête ! »

Et tu avais croqué dans le pain pour le dévorer.

" L'enfant de la charrette "valerian + minuit

Le regard perplexe, la mine circonspecte, Minuit écoute avec attention, comme toujours hypnotisée par ce qu'on lui raconte. Elle enregistre tous les mots, mais certains n'ont pas beaucoup de sens.

« Poétique. »

Elle n'a pas compris ce qu'il voulait dire. Elle n'a pas compris sa réflexion, mais elle répète les mots et espère les entendre plus tard dans des contextes qui lui feront apprendre. Alors elle garde en mémoire.

« Hm. »

"Sympa" résonne.
Elle se rappelle de Valerian qui les vend pour se sauver. Qui est le seul de la charrette à ne pas être emmené. Elle se rappelle bien des images, mais les sentiments sont refoulés. Ils rappellent la colère mais ils rappellent surtout les regrets. Les visages des condamnés.

« Toi pas gentil. Compris. »

Elle hocha la tête.

« Toi stupide, pas gentil, nul, idiot bête et méchant. Toi pas beaucoup bien. Mais toi fier et ça bien. Moi croire que toi plus tard bien. Aujourd'hui nul. »

Ses joues se gonflent en mangeant le pain, partagé avec la loutre toujours hissée sur son épaule.

« Quand toi traître avant toi nul. Aujourd'hui toi moins nul. Plus tard moins nul aussi, accord ? »

Elle tend la main, elle a retenu qu'on disait accord avec la main, comme il lui a appris.

« Toi plus tard bien, et moi alors fière. Plus tard moi fière de toi. »

Valerian & Minuit

l'enfant de la charrette

Tu avais été un peu présomptueux de croire tes péchés lavés parce qu'une gamine à peine éduquée t'avait dit qu'elle était fière de toi. Tu ne pourrais te soustraire plus longtemps à cette épée de Damoclès qui lévitait au dessus de ta nuque. Pour seule rédemption, dans certains royaumes il n'y aurait eu que la décapitation.
Sans tête, tu serais peut-être moins stupide. Et il y avait une logique subtile à cette réflexion.

— « Tout ça pour me désigner ? Tu manques pas de vocabulaire pour les insultes. »

Tu la toisas quelques secondes avant d'étirer un sourire carnassier. Tu avais avalé dans une déglutition ton dernier morceau de pain.
Tu étais touché par ces mots mais tu avais déjà bien été assez lamentable aujourd'hui pour t'attarder trop longtemps dessus.

— « Accord. »

Et tu serras la main, la tête haute et détournée.
Une fois l'accord scellé, tu t'allongeas grossièrement, en boule.

— « Bon, j'abandonne la cabane. On va dormir près du feu. Au moins on aura chaud. Faut le surveiller et qu'on alterne cette nuit pour remettre des branches. »

Par peur qu'elle ne comprenne pas, tu tentas d'expliquer.

— « Tu peux dormir en premier, j'essaierai de me réveiller dans la nuit régulièrement. »

Tes sens étaient toujours en alerte. Tu fermas les yeux en t'étirant puis les rouvrit une dernière fois pour la regarder.

— « Bonne nuit Minuit. »

" L'enfant de la charrette "valerian + minuit

La poignée de main scellée dans un souvenir, Minuit arbore un sourire maladroit. Elle n'est pas très à l'aise avec les mots qu'il emploie, il parle de nuit de réveil et tout ce vocabulaire lui paraît incohérent avec ce qu'elle en connaît. Nuit est le nom de sa loutre, réveil est associé au danger car quand on se réveille il n'y a plus personne.

Elle a la gorge serrée.
En le regardant elle se rappelle qu'il les a trahis.
Elle ne peut pas lui pardonner.

Elle baisse les yeux. Minuit est peut-être naïve, mais Minuit a confiance. Alors Minuit hoche la tête, et part dormir, penaude, avec l'impression de trahir Keira, en accordant quoi que ce soit à celui qui les avait menées là-bas - dans le jardin maudit.

Elle espère que demain le réveil ne sera pas synonyme de solitude.
Et en même temps elle préférerait qu'il ne soit plus là, pour se débarrasser de la culpabilité qui l'enserre.

« Bonuit. »

Durant la nuit, Minuit a sangloté.