La tête enfoncée dans son capuchon, elle avait la mine grave, Iphigénie, tandis qu'elle se hâtait de traverser le marché noir une nouvelle fois. Visiter cet endroit la veille en compagnie de Jack Roy l'avait fait redescendre de son petit nuage -et c'est toujours tout ce qu'elle avait souhaité alors la nouvelle aurait pu être bonne si seulement la belle n'avait pas enragé. Sa colère contenue dans le coeur pourtant elle avait le visage fermé, et si d'apparence elle paraissait comme tout le monde ici, inattentive aux cris de ceux qu'elle supposait être des esclaves à l'intérieur des bâtiments, il n'en était rien. Son âme saignait, et son être tout entier réclamait que justice soit faite.

Alors justice il y aurait, mais pas aujourd'hui.
Car aujourd'hui les intérêts divergeaient et l'influence n'y était pas.
Iphigénie princesse déchue, que pouvait-elle bien faire ?
Rien de plus que rester cachée.
Encore un peu.
Serrer les dents encore un peu et suivre son objectif.

Trouver Clovis en se fiant à cet espoir qui ne s'éteignait pas.
Puis rentrer à la maison pour sauver le monde ensuite.

Pourtant il y avait eu cette main tirant sur son poignet pour contrecarrer ses plans, et lorsqu'elle s'était vivement retournée, de surprise et sous l'élan du geste, laissant alors tomber en arrière la capuche qui camouflait ses longs cheveux dorés, elle avait vu un sourire se dessiner sur les lèvres de l'inconnu.

Un sourire carnassier qui disait
B i n g o
Et c'est d'ailleurs ce qu'il avait dit à haute voix.

— Bingo, c'est qu't'es encore plus jolie qu'il n'y paraît de près...
— Je ne vous retourne pas le compliment.

La faim de son sourire était hideuse.

— Vous êtes ? questionné le ton froid et le regard brûlant.
— Celui qui va s'faire un paquet de fric en revendant ta tête à mes supérieurs ma belle. Sois pas si revêche, tout va bien s'passer.

Et ceci dit il l'avait traînée à sa suite un bout de chemin sous les regards assassins ou envieux de quelque uns de ses confrères. Il avait raconté l'avoir aperçue la veille lorsqu'elle était accompagnée et ne pas s'attendre à ce qu'elle remette les pieds ici aujourd'hui. Une aubaine qui valait son pesant d'or, jamais il n'aurait laissé l'occasion.

Elle tentait encore de s'enfuir et pourtant il la maîtrisait.
Comme si elle n'était rien.
(une vérité)

— Sérieusement calme toi, j'vais perdre au change si je t'abîme pour te faire fermer ta gueule.
— Tant mieux c'est le but !

Pourtant elle avait beau protester, les mains liées elle ne pouvait se défendre. Malgré tout Iphigénie n'avait pas cédé, et au bout de quelques mètres l'homme, grand et costaud, avait finit par s'arrêter. Blême face à l'homme se trouvait en face.

Toi.
Lancelot.

Elle n'avait pas saisit la totalité de l'échange qui se déroula sous ses yeux mais décida qu'il valait mieux s'écarter tant qu'elle en avait la possibilité. Alors à la première occasion elle était parvenue à se dégager rapidement, à s'échapper sans honte malgré quelques remords en vous laissant seuls tous les deux.

Pourtant, toi tu semblais décidé à ne pas la laisser filer.
Le charme au bord des lèvres laissant tandis que tu lui bloquais le chemin après avoir renvoyé l'autre gros lourdeau. Des bras autour de son corps qu'elle ne souhaitait pas plus que ceux du précédant -elle eut un soupir.

— T'ais-je à ce point manqué malgré une seule rencontre, très cher Lancelot ?

Visiblement pas.
Ou peut-être que si ?
Tes doigts enserrant ses joues, elle n'avait pourtant pas faibli.
Jamais dans ce genre de situation.
Jamais même dans les autres.

— Très certainement me relâcher et cesser ce regard malsain qui ne m'effraie pas le moins du monde.

En continuité de ses paroles, ses mains étaient venues serrer le poignet qui la retenait pour t'intimer de la lâcher -et elle aurait pu te dire qu'elle était ravie de te retrouver mais ça n'était plus le cas à présent.

— Es-tu sérieusement venu me sauver pour m'enlever une seconde fois ? En moins de cinq minutes, un record. Ne t'attends pas à un remerciement de ma part.

Et sous ton regard affamé la belle avait tournoyé en ton honneur dans une danse macabre qu'elle aurait préféré ne jamais réaliser. Elle aurait pu hurler sa colère pourtant rien d'autre que des ordres étaient sortis des lâche-moi, des tu vas le regretter, des es-tu donc devenu fou ? Elle souhaite que tu la laisse tranquille, Lancelot et pourtant face à ses faibles protestation (par manque de force) tu avais rigolé. Rigolé de cette façon si particulière propres aux démons, ces gens sans scrupules qui vendraient leurs amis pour atteindre leurs objectifs. Par chance vous n'étiez pas de ceux là, elle et toi, vous étiez simplement de enfants qui se retrouvaient une fois grands -et jamais elle n'aurait pu supposer que tu tournes ainsi.

— Tu n'es prédateur de rien Lancelot.

Elle n'avait cessé de se débattre depuis qu'elle avait comprit dans quel guêpier elle était tombée. Malheureusement les forces semblaient bien trop inégales, aussi ne pu-t-elle rien faire pour se sauver de ces dames qui l'encerclaient -attachaient son corps pour la priver de liberté et

Oh Lancelot si tu savais.

Jamais il ne fallait la priver de liberté.
Car de la patience elle en avait, une trop grande bien plus grande que son coeur tu sais ?

Mais on ne touchait pas à sa liberté.

— Arrête ça et libère-moi.

Tu n'as rien à y gagner, le regard dur planté dans le tien.
Un ordre que tu n'écouterais pas, elle s'en doutait.

— Tu ne sais pas dans quoi tu t'engages.

Dans ses iris l'ombre d'un brasier tandis que d'un coup sec elle tenta de dégager ses épaules des mains de ses geôlières, en vain. Pourtant elle était parvenue à faire un pas en avant, vers toi, calculé pour ne pas tomber autant que pour te prouver son sérieux.

Elle te laissait cette chance que tu ne saurais pas saisir, à tous les coups.

Le plus gros défaut d'Iphigénie restait sans doute le manque de peur, ou du moins ce courage bien trop grand qui la rendait parfois insolente et éclipsait d'une évidence ahurissante toutes les craintes qu'elle pourrait avoir concernant l'avenir. Pourtant loin d'être idiote car elle avait bien comprit où tu désirais la mener, il y avait cette part d'elle qui refuserait n'importe quelle tentative d'oppression, et une autre qui voulait se croire assez forte pour gérer la situation toute seule.

Ce qu'elle ne comprenait pas tout à fait, c'est que tu n'étais pas de ces hommes que l'on pouvait faire reculer aussi facilement. Tu avais ce tempérament enflammé quelque part semblable au sien -et si elle passait un moment clairement mauvais, Iphigénie quelque part (de façon tout à fait morbide) s'amusait. Cela ne se remarquait pas, même elle ne l'entendait pas.

Votre colère montait crescendo, et sans qu'elle n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche pour aboyer de nouveau, tes doigts vinrent griffer ses joues. Vos regards s'étaient croisés pour ne pas se quitter, le tien si mauvais tandis qu'elle y répondait de toute l'insolence dont elle savait faire preuve. Tu ne serais jamais plus haute qu'elle, Lancelot. Elle t'accueillerait sur la même marche avec plaisir mais jamais personne ne grimpera plus haut qu'elle -elle se le refusait, et c'est ce qu'elle te fit comprendre tandis que tu parlais pour lui faire comprendre à quel point elle était seule.

Qu'est-ce qu'elle aimerait te dire à quel point tu te fourvoies, Lancelot.
Tu as tort.
Iphigénie n'est jamais seule.

Un sourire s'était dessiné à ses lèvres, invisible et douloureux à cause de tes doigts qui empêchaient le moindre geste, mais lorsque tu la libéras après avoir déversé ton venin (sans qu'il ne l'ait atteint), il avait prit place naturellement. Un sourire provocant de ceux qu'elle n'usait pas si souvent. Celui-ci était rien que pour toi.

— C'est trop d'honneur, merci du cadeau.

À nouveau elle forçait pour faire un pas en avant.

— Cependant détrompe-toi Lancelot, je ne suis pas morte pour tout le monde. Il y a des personnes à ma recherche actuellement, et s'ils me trouvent dans cette situation je ne donne pas cher de ta tête.

Elle n'aimerait pas la voir tomber, ceci dit.

— De plus, je ne vois aucune tombe ici.

Ni la sienne, ni la tienne en sous-entendu.
Alors sans une parole de plus, après avoir jugé son flot de paroles assez important pour abaisser légèrement la garde des molosses (femmes) qui la tenaient, elle les avait bousculées pour se jetter contre toi, sur ton bras le plus proche d'elle qu'elle mordit aussi fort que possible.

Dans ce regard qu'elle leva vers toi une seule phrase :
Je ne mourrais pas.
Ni ici ni ailleurs.

Les crocs plantés dans la chair et le regard farouche -elle lit la surprise mais voit le sourire bien vite et
Ta main dans ses cheveux
La débecte.
Elle voudrait te faire comprendre l'erreur que tu t'apprêtes à faire mais elle n'est pas assez forte. Le serait-elle seulement un jour ? Si l'espoir ne faiblissait jamais, les doutes eux finissaient souvent par s'installer. Aujourd'hui elle n'est pas capable de les chasser, malgré toute la force mise dans sa mâchoire malgré toute sa hargne malgré tout
Absolument tout

Tu fais pitié.

C'est vrai.
Vous faisiez pitié Lancelot, elle à se débattre en vain et toi à te complaire de cette vie minable que tu mènes, de ces horreurs que tu orchestrais. Vous faisiez pitié, tous les deux.
C'est juste qu'elle n'en a jamais rien eu à foutre
De faire pitié.

Les doigts tirent en arrière et lui arrachent un gémissement, plus de surprise que de douleur quand finalement tu parviens à extirper ton bras blessé de sa bouche ensanglantée.

Elle aurait préféré une giffle au cri déchirant qu'elle avait lâché quand en retour tu avais mordu sa nuque. La douleur attire alors les larmes et les gémissements, paralyse le corps tout entier, fait se serrer trop fort les poings et la laisse moins incapable encore de se défendre qu'auparavant. Ce n'est pas la volonté qui manque pourtant.

Alors c'est ça ta punition Lancelot ?
C'est ça l'homme que tu es devenu ?
C'est triste.

— Arr-

Elle se retient de continuer parce qu'elle ne veut pas t'implorer ni se soumettre à ton autorité mais ça fait si mal elle suffoque et
Finalement
Elle ne peut résister bien longtemps.

— Arrête..

Retire-toi maintenant.

Elle n'a pas pu réagir lorsque le sac l'avait frappé.
Elle était simplement restée là, entre ses larmes et dans sa douleur - immobile, elle avait regardé Lancelot s'écarter sans tout à fait réaliser que tu n'avais pas à être ici, Diane. Lorsqu'elle le comprit tes bras l'avaient entourée et tu te dressais, fière et mortifiée, en bouclier contre ces fous - ce monstre - qui avait voulu l'enlever.

Iphigénie ne savait pas s'il fallait qu'elle s'en inquiète ou qu'elle s'en soulage. Pourtant quand elle vit le sac se tendre elle n'avait pu s'empêcher de crier.

— Diane arrête !

Ne fais pas ça.
Ne m'achète pas !
Même pour la sauver Iphigénie désirait que tu gardes ton honneur, car du sien elle s'en fichait mais toi, Diane, toi tu ne devais pas te rabaisser à son niveau. Ni à celui de cet idiot de Lancelot, ni au sien. Alors elle s'était débattue, légèrement pour ne pas te faire mal (ne pas te repousser toi qu'elle se rassurait à avoir contre elle). Elle avait lancé à Lancelot son regard le plus sombre - le plus dangereux, empreint de toute la colère qu'elle éprouvait à son encontre. Si elle avait pu le briser à l'instant elle n'aurait pas hésité.

— Tu es une ordure, une ordure Lancelot !

Parce qu'elle savait que sans aucune honte il prendrait cet argent.
Il allait la vendre à peine acquise.
Il allait la briser - serait le premier.

Elle le détestait.

Et rien que pour ça, si vous vous en sortez aujourd'hui, elle le retrouvera.

Vous ne l'aviez pas écoutée. Ni toi ni lui, et si elle pouvait comprendre, Iphigénie ne l'acceptait pas pour autant car cet échange au final ne signifiait qu'une seule chose : elle était à toi, Diane. Peu importe ce que tu en pensais, peu importe ce que tu pourrais bien lui dire ou ne pas lui dire pour tenter de changer ce fait, ce ne serait pas vrai. Tu avais acheté ta sœur, et Lancelot irait pourrir en Enfer pour l'affront qu'il venait de faire.

Alors lorsqu'il t'avait regardé après s'être éloigné,
Lorsqu'il avait osé
Osé, Diane
Te menacer.

Elle avait hurlé et sois certaine que si tu ne l'avais pas retenue c'est à sa gorge qu'elle serait allé mordre cette fois. On ne menace pas sa famille impunément. Jamais.

— Je te retrouverai Lancelot.

Oh qu'il en soit en sûr.
Qu'elle soit seule ou non elle reviendrait.
Pour retrouver sa liberté, pour lui faire payer, pour se venger hurlait son coeur tandis qu'elle fondit en larmes dans tes bras. Épuisée, rassurée, mortifiée mais avant tout si heureuse de te retrouver, même en pièces.

Alors elle avait murmuré quelques paroles entre deux sanglots, des dizaines de pardons et des centaines d'excuses en s'accrochant à toi.

— Pardon, je suis tellement désolée Diane..

Jamais un merci.
Trop fière et trop dégoûtée pour le concéder malgré la reconnaissance immense qu'elle te vouait pour l'avoir sauvée.