le goût de l'absinthe. ❞ ft. Le Duc (end)

What we are don't look clear my devil

Avec lenteur, elle attrapa le châle et s'en drapa avec. Ses pieds nus rencontrèrent l'épais tapis sur lequel trônait son imposant lit. Par automatisme, elle se dirigea vers le balcon où l'attendait une table en fer forgé et une chaise du même acabit, où elle se laissa tomber. Au même moment, la porte s'ouvrit sur une servante qui portait à bout de bras un plateau. Le petit-déjeuner ne tarda pas à lui être présenté et une tasse fumante lui fut tendue. Lakhesis poussa alors un soupir dramatique dont elle avait le secret.

« — Alice, je m'ennuie.
— Mademoiselle, vous venez de vous réveiller et il est seulement 8 heures du matin.
— Je sais Alice. Mais je m'ennuie déjà.
— Laissez le temps à la journée de vous surprendre Madame. »

Sur ces mots, sa femme de chambre se retira, refermant la lourde porte derrière elle.
Alice était désormais rompue à l'exercice ; presque tous les matins, sa maîtresse – les yeux encore à peine ouverts – faisait état de sa langueur anticipée tandis qu'elle se hâtait de lui répondre que rien n'était encore joué. Les mots changeaient chaque jour mais le sujet de l'échange restait le même. Être au service de Dame Lakhesis demandait patience et répartie. Ainsi, toujours d'humeur égale et prompte à la gaieté, Alice savait déjouer la morosité matinale de la princesse déchue du château. Ce n'était pas pour rien qu'elle était à son service depuis maintenant cinq ans.

Alors que la domestique susnommée s'en retournait en cuisine, Lakhesis ajouta cinq sucres à son thé. Elle fit tourner sa cuillère, se perdant un instant dans la contemplation des ondulations du liquide brûlant. La faim se rappela à elle et elle avisa les différents mets qui s'étalaient devant elle. Le paysage qui s'offrait à sa vue était sublime ; rien ou presque, n'égalait la beauté harmonieuse du domaine de Blanchefeuille avec son architecture savamment mêlée à la végétation luxuriante. Cette fois-ci, ce fut un soupir d'aise qui passa la barrière de ses lèvres.

Elle s'apprêtait à porter la tasse à sa bouche lorsqu'une silhouette se dessina petit à petit devant elle. Interdite, elle vit l'apparition se dessiner plus nettement jusqu'à se matérialiser complétement. En face d'elle, la table les séparant, se tenait un homme longiligne dans un costume probablement fait sur-mesure. Le sourire tranquille qu'il arborait avait quelque chose de carnassier. Par réflexe, son corps frissonna et cette réaction instinctive lui fit papillonner des yeux. Elle se demanda alors si elle avait encore versé de l'absinthe dans le sucrier.

Après avoir avalé sa première gorgée, elle sut que sa boisson était vierge de toute substance. Elle savait aussi qu'elle ne rêvait pas ; son mouvement avait fait glisser son châle et le soleil rougissait la peau de son cou et de sa gorge découverte. Lakhesis se demanda donc quelle sorte de magie cela pouvait bien être.
En même temps qu'elle fronçait les sourcils, ses yeux se mirent à briller d’intérêt.

« — Et vous êtes ? »

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" le goût de l'absinthe "
Le Duc & Lakhesis A. Volturne

Au grand dam du Duc, Grandvent se révélait bien moins intriguant que pouvait l'être Ambrive.
Si le Diplomate avait su eveillé chez le démon quelconque intérêt, ce dernier n'espérait pas trouver qui que ce soit à Grandvent capable de pareille prouesse.
C'est donc sans grande passion qu'il accompagnait Antigone dans cette région voisine.
A l'écoute des différents quolibets, dans l'espoir d'y trouver un moindre réconfort, c'est avec amusement qu'il découvrait les histoires concernant une dynastie déchue propre à la région : les Volturne.
S'il n'y voyait dans un premier temps qu'une distraction vagabonde apte à rendre le temps moins loin pour l'entité démoniaque, c'est finalement avec une ardeur bien différente qu'il s'empressait d'en apprendre plus sur l'héritage damné de cette dynastie qui n'avait conservé d'illustre que son nom et ses terres.
De nouveau contraint à se séparer d'Antigone pour agir de son côté, c'est sans un mot qu'il se dérobait à son attention pour apparaître dans la forêt luxuriante, à la recherche des terres de la famille Volturne.
Si cette forêt n'avait pas usurpé son nom, il espérait qu'il en soit de même pour sa cible.
Car il venait en ces lieux avec des intentions toute particulière.

S'il eut été amusant de s'infiltrer dans le château le plus imposant, vraisemblablement propriété immobilière de la famille avili, il s'attardait un instant sur la contemplation d'une fenêtre semblant donner vue sur une suite luxueuse.
Certainement lieu de résidence d'une membre importante de cette famille, en tout cas cette chambre appartenait visiblement à l'un des maîtres de maison, il apparut en une simple téléportation dans la pièce.
S'y trouvait une jeune femme qu'il situait dans la vingtaine.
Se dégageait d'elle une forme de raffinement et de délicatesse propre à la noblesse Valdorienne.
Noblesse qui, bien qu'il eut du mal à hisser à son propre niveau d'aristocratie, forçait malgré tout chez lui une sorte de respect.
Foncièrement, il avait toujours eu une petite tendresse pour les animaux blessés, à commencer par Antigone.
Malgré la surprise, elle sut conserver sa contenance et lui demandait avec un naturel presque insolent de décliner son identité.
Le Duc inclinait sa tête en avant un bref instant, témoignant du peu de courtoisie qu'il dédiait à une espèce inférieure à la sienne, et sans plus de manière s'asseyait en face d'elle à la manière d'un invité.
Invité de marque, qui plus est, car il était ici porteur d'une opportunité unique pour cette noblesse amoindrie par les calomnies et les moqueries.

Toujours habillé de son fantasque sourire, il entreprit de se présenter.

« C'est étonnant. J'ai reçu de nombreuses réactions suite à mes apparitions mais jamais je n'avais eu affaire à pareil aplomb. Enchanté de vous rencontrer. Je n'ai pas véritablement de nom mais j'ai bien l'intention d'y remédier. Vous pouvez vous adresser à moi comme "Le Duc". Quant à la raison de ma venue... »

Toujours aussi théâtralement, l'entité inhumaine joignait ses mains avant de déposer ses coudes sur la table de fer forgé, narquois.

« Laissons cela à plus tard. Quelle figure représentez-vous pour la famille Volturne ? »

Était-elle la personne qu'il recherchait ? »

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L'inconnu s'installa face à elle avec un naturel désinvolte, pour s'étonner ensuite du propre aplomb de la jeune-femme dont il partageait désormais la table. Elle lui répondit donc sur un ton tout aussi tranquille que le sien.

« — Vous pouvez mettre ça sur le compte de l'heure matinale et sur mon absence de prudence quand quelque chose éveille mon intérêt. »

Ne se démontant pas, Lakhesis était d'une franchise déconcertante, notamment en pareille circonstance. La réserve n'avait jamais été son fort.

« — En ce qui vous concerne... »

Elle marqua une pause, lui jetant un regard appuyé par dessus sa tasse.

« — Vous avez l'air tout à fait à votre aise. »

En effet, il dégageait une assurance non feinte, comme si rien n'était en mesure de le troubler. Il s'adressait à elle avec la même confiance, celle de quelqu'un se sachant écouter. Lakhesis devina qu'il n'était pas le genre d'homme à se préoccuper beaucoup de ce qui existait autour de lui, en dehors - bien entendu - de ce qui était susceptible de l'intéresser. Cette attitude insolente pour les autres lui était familière ; elle aussi en était pourvue.

Elle avala une nouvelle gorgée brûlante tandis qu'il poursuivait sur sa lancée. Sa présentation était pour le moins succinte et caractérisée par l'absence d'un nom. C'était peut-être un détail sans importance mais elle le jugea assez significatif pour l'enregistrer dans un coin de sa tête. Selon les propos qu'il tenait, il s'agissait d'un problème auquel il devait remédier. Cela sous-entendait sa propre ignorance quant à son identité. Néanmoins, il pouvait tout aussi bien mentir. Elle décida donc de ne pas relever sans pour autant réfréner un sourire à l'entente du surnom qu'il s'était attribué. S'agissait-il d'un pied-de-nez à un titre qu'il méprisait ou qu'il enviait ? Ou n'était ce que la démonstration d'un orgueil assurément bien portant ? Elle l'ignorait encore.

La suite de sa tirade ne manqua pas de la désarçonner lorsqu'il l'interrogea sur qui elle était. Il se présentait donc devant elle sans la connaître. Ça ne manquait pas d'audace et ce n'était pas pour lui déplaire. Aussi, cela permis à Lakhesis de comprendre qu'il n'était pas de la noblesse du royaume. Entre aristocrates, les visages des uns et des autres étaient connus : tous ceux originaires de Grandvent, de Belorge et même d'Ambrive, avaient pour habitude de se fréquenter. De plus, les chefs de famille étaient souvent sur le devant de la scène.
Elle en était là de ses réflexions quand elle réalisa que lui aussi allait analyser chacune de ses paroles. Elle ne savait rien de la personne en face d'elle, mais il n'était certainement pas né de la dernière pluie. Le Duc était entouré d'une aura intimidante et sa mine aimable ne parvenait pas à camoufler cela. Son culot notable et le petit sourire sardonique qu'il affichait en permanence étaient le signe d'un esprit très loin d'être dénué d'arrière pensées. Il lui vint alors une idée.

« — Je m'engage à répondre à vos questions si vous répondez aux miennes. »

Tout comme elle, il entendait imposer son rythme. Elle ne pouvait le laisser faire. C'est pourquoi, au lieu d'établir un rapport de force malvenu, l'héritière opta pour quelque de chose de plus équilibré : du donnant-donnant.

« — Pour vous prouver ma bonne foi, la première information sera gratuite. Je suis la dame de ce château, Lakhesis Volturne. »

Cette dernière ne précisa pas son statut au sein des Volturne volontairement. Elle voulait découvrir ce qu'il savait déjà.

Elle reposa la tasse sur sa soucoupe, faisant tinter la porcelaine. Plongeant ses yeux dans les siens, elle pesa le pour et le contre. La question devait être bien choisie pour ne pas impliquer une réponse trop vague.

« — Quelle magie utilisez vous ? »

Aux dernières nouvelles, seuls les mages pouvaient se déplacer d'un point à l'autre en employant la magie. Or, ceux-ci étaient obligés de visualiser leur destination et jamais, Lakhesis en avait invité un sur son domaine, encore moins dans ses appartements privés. Sa curiosité était donc piquée au vif. Par nature, ce qu'elle ignorait ne pouvait le rester.

Toi qui chez moi t'impose
et de tout ose
Sois prêt
en égale me traiter.

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Le Duc & Lakhesis A. Volturne

Lakhesis Volturne.
Ce nom était parfait pour faire d'elle la figure de proue de son infiltration dans la noblesse Valdorienne.
Elle se présentait comme la dame du château, un terme -volontairement- vague mais qui affichait malgré tout une certaine importance.
N'était pas dame d'un château d'une telle ampleur n'importe quel nanti.
La puissance de son sang se retrouvait dans l'histoire d'une dynastie vieilles de plusieurs centaines d'années, victime de calomnies ou non.
Son attitude était celle d'une femme intelligente, capable de conserver son calme et même de faire passer son apparition pour un rendez-vous savamment orchestré prompt à réjouir les deux parties.
Lakhesis n'avait aucune idée de la personne à qui elle s'adressait présentement et pourtant, elle voulait obtenir quelque chose de lui.
Un trait de caractère qui n'était pas vraiment inconnu au démon, même s'il entretenait cette mentalité à une échelle bien différente de la sienne.
Soit, si elle avait décidée de lui fournir une réponse aussi vague que "dame de ce château", il en ferait de même pour elle.

« Une magie à laquelle, j'imagine, vous n'avez encore jamais été confrontée. »

Dit-il fièrement, intimement convaincu que même s'il n'était pas l'unique membre de son engeance à fouler du pied les terres de Valdore, il en restait malgré tout particulièrement spécial aux yeux du commun des mortels.
Peut-être ne pouvait-il prétendre impressionner l'assassin d'Ambrive de par sa simple nature, il était persuadé que cela serait suffisant pour lui apporter du crédit auprès de la dame en face de lui.
Pour illustrer son propos, il agrandit son ombre tout en la modelant pour lui faire prendre son apparence démoniaque, recouvrant la moitié de la pièce.
Ses doigts frappaient en rythme les uns contre les autres.
Le Duc inclinait la tête sur la droite, l'air satisfait, avant de reprendre d'une voix plus grave qu'à l'accoutumé, presque inhumaine.

« Cependant, mes capacités ainsi que les vôtres - particulièrement les vôtres - n'ont finalement que peu d'importance. Ce que je cherche, c'est un moyen de mettre ces dernières à profit, dans mon intérêt. Et peut-être celui de votre famille, qui sait. »

L'ombre se déplaçait dans la pièce, allait se déposer à coter de celle de Lakhesis.
S'il avait investi cette chambre sans grande prétention de réussite, dans un premier temps, il était dorénavant persuadé qu'il obtiendrait de la dame une forme d'alliance.
Parce qu'elle semblait rechercher quelque chose, elle aussi.
L'important était de découvrir ce qui pouvait bien animer ses pulsions.

« Je suis une créature hors de votre compréhension, peut-être même hors de la mienne, et je n'ai pas pour habitude de perdre mon temps dans des discutailleries interminables. Je suis venu ici pour offrir aux Volturne, plus particulièrement à vous, l'occasion de regagner votre splendeur d'antan. L'ex souveraine des ronces est de retour. »

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La réponse du Duc fut toute aussi vague que celle qu'elle lui avait fourni auparavant. C'était de bonne guerre mais cela ne l'avançait guère. Lakhesis discerna dans le ton qu'il employa une forme de condescendance qui lui déplue fortement. Cependant, lorsqu'il se mit à utiliser la magie dont il était question, elle fut bien obligée d'admettre qu'elle n'avait jamais rien vu de tel. C'était aussi frustrant que fascinant.

Sur l'instant et par réflexe, elle se recula sur sa chaise, faisant grincer les pieds en fer sur la pierre du balcon. Le bruit était aussi désagréable que ce qui lui était donné à voir. L'ombre semblait être dotée d'une vie propre et n'avait de cesse de s'agrandir, avalant la pièce presque entièrement. Elle prit une forme inhumaine clairement menaçante. La jeune-femme avait assez de bon sens pour comprendre que c'était lui qui la modelait selon son bon pouvoir et, plus largement encore, la contrôlait dans son ensemble. Elle sentie sans la voir, la chair de poule envahir la peau de ses bras. Cette magie n'avait rien à voir avec celle des cinq éléments ou la lumière utilisée par les mages : elle était indubitablement néfaste. Lakhesis le ressentait viscéralement.

Le Duc reprit la parole et sa voix n'était pas celle d'un homme. Elle se crispa, réalisant que l'être en face d'elle n'était pas quelqu'un mais quelque chose. Elle se mordit la lèvre, peu habituée à perdre pied, ne serait ce que quelques minutes. Reportant son attention sur son interlocuteur, elle pu voir qu'il était visiblement fier de son petit effet.

Certains propos ne manquèrent pas de la faire tiquer. Même une personne aussi inconséquente qu'elle avait une fierté.

« — Vous ne savez rien de moi. »

Ce fut à son tour de se montrer plus froide, coupante. Le fait qu'il sache pour son nom, la réputation des Volturne ou même son rang, ne signifiait en rien qu'il la connaissait. Qu'il puisse déterminer qu'elle cherchait quelque chose était logique. Lakhesis n'avait jamais cherché à dissimuler sa nature insatisfaite. Mais quoiqu'il puisse être, jamais il ne pourrait prétendre -et personne ne le pourra jamais se l'était elle promis - savoir ce qu'il y avait au fond de son cœur. Remettre en cause ses capacités, même à demi mots, n'était pas recommandé lorsqu'on se présentait comme nécessaire.

Elle reprit sa tasse, consciente que ce n'était pas le moment de jouer la belliqueuse. Son thé était froid mais elle l'avala d'un trait. Elle reprit le contrôle de ses émotions, se redressant sur sa chaise, le dos droit.

« — La splendeur de ma famille n'est en rien ternie. Le discrédit de l'Ordre des Mages ne nous a coûté que notre place au sein de la Sphère. Pour le reste, nous restons une dynastie fondatrice et nous avons conservé honneur et intégrité. Des qualités rares dans la noblesse Valdorienne. Ma famille se satisfait donc de la situation actuelle. »

'Pas moi' disait pour autant une petite voix dans ta tête.

« — Moi non plus Monsieur je n'ai pas pour habitude de perdre mon temps. »

Ainsi parla la première née des Volturne, récupérant toute sa superbe.
Ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre, faisant fi de l'ombre reposant près de la sienne.

« — Développez je vous prie. »

Lakhesis n'était pas sans ignorer à qui faisait référence ce surnom et ce qu'il impliquait. Mais c'était une chose de le savoir, une autre de le croire.
Il lui en fallait plus. Comme toujours.

Elle ne le quittait pas des yeux, désireuse de ne rien manquer, même le pire. Ce-dernier se révélait d'ailleurs être un compagnon de longue date pour Le Duc. A la fois intriguée, agacée et apeurée, elle ignorait encore tous les bouleversements qu'allaient provoquer cette entrevue entre l'Avarice et l'Insatiabilité.

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Le Duc & Lakhesis A. Volturne

La dame du château était une fleur avec des épines.
Elle savait se montrer coupante et avait bien raison sur un point : il n'avait finalement aucune idée de ce qu'elle pouvait bien être, en dehors de son appartenance aux Volturne.
Mais il pouvait le sentir.
Derrière son raffinement apparent se dissimulait une soif de pouvoir, peut-être même une soif de tout, un domaine qu'il connaissait bien.
Sa forte personnalité faisait la candidate parfaite pour le rôle qu'il souhaitait lui offrir : elle savait visiblement comment se faire respecter.
A ses paroles et plus particulièrement à sa demande de développement, Le Duc se contentait de répondre dans un premier temps par un simple haussement d'épaule.
Il n'avait pas besoin d'en savoir plus sur la famille Volturne pour savoir que n'importe quelle dynastie désirait retrouver ses privilèges d'antan, aussi infimes soit-ils.
Lakhesis se faisait détentrice d'une valeur qu'elle ne partageait visiblement pas.
Mais elle n'avait pas besoin d'être autre chose qu'elle-même, ici.
Avec lui.

Le démon se relevait, s'avançait sur la table pour saisir délicatement la joue de son interlocutrice entre ses doigts.
Sans dissimuler sa condescendance.

« Honneur et intégrité ? Pourtant, ce n'est pas votre famille qui siège sur le trône de Grandvent. Cela signifie-t-il que ces valeurs que vous défendez avec tant de hargne ne vous ont apportés rien d'autre qu'un exil dans ce château vide de tout ? Votre famille se contente peut-être de cette situation. Est-ce votre cas ? »

Sans relâcher son emprise, il dévorait de ses yeux cette flamme qu'il espérait avoir allumé dans les siens.
Lakhesis était un pur produit de la noblesse et la prendre de haut n'amènerait certainement à rien.
C'est pour il prit la décision de raviser et nuancer ses propos sur la famille Volturne.
Après tout, s'il désirait mener à bien son projet, il ne pouvait pas s'attirer l'animosité d'une dirigeante de cette dynastie.

« Je vous accorde ceci. La famille Volturne est une grande famille et c'est bien pour cela que mon choix se tourne vers vous. Jouons cartes sur table, voulez-vous ? »

Sans plus attendre, l'obscurité englouti l'ensemble de la pièce, faisait prisonnière l'ombre de la dame du château.
Cette démonstration de puissance n'était pas une forme d'intimidation mais la preuve de ce qu'il avait l'intention d'avancer ensuite.

« Je suis ce que vous, les humains, appelez un démon. J'ai infiltré votre monde infect en me liant à une créature du nom d'Antigone Bathory. Elle souhaite reprendre ce qu'il lui appartient et plus encore. Elle panse ses plaies, réunit des alliés. Un jour viendra où nous marcherons sur Malronce, Belorge et peut-être même Sombrelune. Mais conquérir n'est pas suffisant, il faut savoir bâtir. »

Une fois qu'il eut terminé sa tirade, Le Duc fit disparaître les ombres et se laissa retomber sur la chaise, désinvolte.

« Croyez le ou non, Lakhesis Volturne, mais je n'accorde que peu d'importance à la prestance de vos lignées humaines. Mais ce n'est pas votre cas à vous, les humains. Vous avez besoin d’idolâtrer, d'admirer, de suivre. C'est là que vous entrez en jeu. Je souhaite devenir un membre de votre dynastie, un représentant de votre noblesse aux côtés de Antigone Bathory. Quoi qu'on en dise, votre nom a un poids indiscutable en ce qui concerne l'histoire de votre monde minuscule. Dynastie fondatrice, n'est-ce pas ? Et il me sera difficile de fédérer les foules au même titre que ma comparse si je ne me présente que sous l’appellation de "Duc". Qui plus est, des petits malins pourraient se mettre à la recherche de ma véritable nature. Je n'ai vraiment pas besoin de ça dans notre campagne. Alors.. Je veux ce nom. Je veux le nom Volturne. Je vous veux vous et toute votre famille. »

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Son culot était inégalable. Il se permettait de lui pincer la joue, se montrant paternaliste au possible. Elle grinça des dents devant les libertés qu'il prenait avec elle. Son attitude à la fois hautaine et complaisante ne manquait pas de l'irriter. Il ne se présentait pas seulement comme un être supérieur, il le croyait aussi dur comme fer. Le Duc avait beau être fascinant au travers de son existence même, il se révélait avant tout insupportable. À croire qu'il était son châtiment pour les trop nombreuses fois où elle s'était montrée toute aussi agaçante avec ses pairs. Prenant sur elle pour ne pas lui envoyer la remarque cinglante qui lui brûlait les lèvres, Lakhesis chassa la main de son visage d'un geste impatient. Démon ou pas, il ne fallait pas pousser.

Il continuait de vriller son regard au sien, la contemplant de toute sa hauteur. Il avait discerné en elle cet appétit vorace que possède les personnes viscéralement inapaisées. Elle préféra garder le silence, peu désireuse de lui laisser entrevoir plus d'ouvertures sur son moi profond. La jeune-femme susceptible qu'elle était ne supportait pas qu'on pointe du doigt les dissonances existantes entre elle et sa famille. Son attachement aux siens et à sa terre natale était indiscutable. Cependant, elle était bien forcée de reconnaître que ça ne parvenait pas à combler le vide qu'elle sentait grandir en elle. Plus le temps passait, plus elle se sentait grignotée de l'intérieur. Si cela avait toujours été le cas, c'était d'autant plus palpable depuis ces derniers mois. Elle en était venue à la conclusion que son rôle de spectatrice lui pesait de plus en plus. De sorte qu'elle en venait à se demander si prendre part aux conflits agitant Valdore pourrait la sortir de cette torpeur, qui lentement et insidieusement, l'engloutissait toute entière. Rien qu'avoir cette pensée marquait la différence entre elle et son clan.
Les Volturne se voulaient honorables et non guidés par des désirs égoïstes. Ils prônaient la vérité et l'intégrité, bien loin des manipulations propre aux aléas du pouvoir. Enfin, ils partageaient la volonté ultime du royaume de Grandvent : le pacifisme. C'est pourquoi il était aussi douloureux que dérangeant de constater à quel point elle restait éloignée des valeurs fondamentales de sa famille. Il devenait évident qu'elle était comme le mouton noir des Volturne. Très peu disposée à l'accepter, elle s'entêta dans son mutisme, se contentant d'un simple regard noir en direction du Duc.

Celui-ci, nullement perturbé par les états d'âme de son interlocutrice, en venait enfin aux raisons de sa venue. Il plongea de nouveau la pièce dans l'obscurité et Lakhesis leva les yeux au ciel devant son besoin manifeste de théâtralité. Il était définitivement aussi passionnant qu'exaspérant.
Ce qu'il racontait était surréaliste ; créature infernale, morte ressuscitée, vengeance sanglante, pacte démoniaque, guerres meurtrières à venir. Ça faisait beaucoup, même pour elle. Et il n'était même pas neuf heures du matin ! Elle se massa les tempes, digérant tant bien que mal toutes ces informations et ce qu'elles impliquaient. Mue par la nécessité de s'occuper les mains, elle le laissa parler, se servant une nouvelle tasse de thé. Elle en était à son quatrième sucre lorsqu'il exprima son souhait d'emprunter le nom des Volturne. Pour toute réaction, elle ajouta sans le réaliser trois nouveaux cubes blancs à sa boisson. À sa dernière phrase, elle manqua de s'étouffer avec son gâteau sec. Son cerveau, afin de mieux assimiler les propos du Duc, s'était focalisé sur le tendancieux 'je vous veux vous' à la manière d'un rire nerveux en plein enterrement. Son esprit tordu faisait encore des siennes même en pareilles circonstances.

Le Duc semblait bien décidé à ne rien lui épargner. Elle fit alors preuve de sarcasme, comme pour tenir éloigné le véritable sujet de la discussion.

« — De ce que je sais d'Antigone Bathory, vous vous êtes bien trouvés. Vous partagez un goût prononcé pour la domination d'autrui. Vos échanges doivent être très spirituels. »

Lakhesis se permit un petit sourire insolent. Au final, il avait autant besoin d'elle que l'inverse. Elle continuait de le dévisager longuement ; son raisonnement n'était pas dénué de logique. Sa sagacité en faisait sûrement un excellent stratège.

« — Ce que vous me demandez est très risqué. Porter le nom d'une dynastie n'implique pas seulement crédibilité et influence. Vous serez amené à représenter les miens et tous vos actes seront jugés sous ce prisme. De plus, votre soif de pouvoir - la vôtre et celle de votre partenaire - ne me garantissent en rien que vous ne vous en prendrez pas à Grandvent et à son peuple. »

L'héritière se pencha vers lui, attrapant une nouvelle gourmandise. Elle n'était pas sans ignorer les usages d'une négociation.

« — Dans l'hypothèse où votre proposition pourrait m'intéresser, il me semble important de vous exposer quels pourraient êtres les termes d'un pareil contrat. »

Elle trempa sa madeleine dans son thé, affirmant son assurance devant celui qui s'évertuait à ne pas la prendre au sérieux.

« — Votre reine et son armée n'envahiront pas Grandvent. Jamais. Vous et tous ceux de votre engeance non plus. Ce sera un royaume à part entière et non un territoire annexé. Vous devez m'assurer la liberté et la sécurité de la population. Il en sera aussi de même pour ma famille. Nous serons alliés mais vous n'aurez aucun pouvoir ici, pendant et après la guerre que vous annoncez. Si Sombrelune vient à tomber, l'Ordre des Mages devra être supprimé et le désaveu de ma famille annulé officiellement. Des excuses publiques de la part de ces religieux obtus seraient appréciables. La direction de la Sphère devra aussi nous revenir. Cela vous semble faisable ? »

C'était les premières choses qui lui étaient venues à l'esprit à l'entente de la proposition du Duc. C'était aussi un moyen de s'assurer de son sérieux et de son pouvoir - aussi bien en général et sur celui qu'il sous entendait avoir sur Antigone Bathory.
L'être en face d'elle était sournois et il était compliqué de prendre toute la mesure de ce qu'il avait à offrir et donc à prendre. Si les démons tenaient leur promesse, c'était toujours au prix de quelque chose après tout.

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" le goût de l'absinthe "
Le Duc & Lakhesis A. Volturne

De ce que je sais d'Antigone Bathory, vous vous êtes bien trouvés.
A la prononciation de ces mots, le visage du démon se crispe.
Il n'avait pas l'intention d'admettre que sa partenaire puisse être autre chose qu'un réceptacle, qu'il puisse partager la moindre désir en commun avec elle.
Antigone Bathory n'est qu'un outil et s'il s'investissait autant dans sa pathétique croisade, c'était avant car cela pouvait servir ses intentions.
Lakhesis Volturne était une femme intelligente mais elle percevait son incontrôlable avarice comme une quête de domination.
C'était en partie faux.
Et elle faisait preuve d'assurance, bien plus que ce qu'il aurait cru d'une personne ayant pu observé ses pouvoirs d'aussi près.
Le Duc se devait bien de le lui accorder : elle n'était en rien comparable à ceux qu'il avait déjà croisés.
Lakhesis partageait finalement bien plus avec lui qu'il ne partageait avec Antigone.
Exposait les termes de son contrat, comme si elle avait dans cet échange le droit de formuler la moindre requête.
Elle avait bien raison.
Stoïque, le démon écoutait les revendications de son interlocutrice et son schéma de pensée traduisait deux mauvaises interprétations qu'il se devait de corriger.

« Vous ne comprenez pas tout à fait ce que je représente. Si vous pensez que j’exerce quelque influence que ce soit sur les membres de mon espèce, vous êtes dans l'erreur. Par ailleurs Antigone Bathory n'est nullement, ahah que votre dieu me garde, ma "reine" ou quelque appellation qui puisse vous donner l'impression qu'elle exerce elle-même quelque influence que ce soit sur moi. Je suis libre de mener mes propres alliances et faire... Mes propres promesses. »

Du moment qu'elles vont dans son sens.
Mais il n'était pas nécessaire de mettre en avant cette condition.
Soudain, le démon se mit à s'adresser à Lakhesis sous un ton bien différent que celui qu'il employait lors de leurs précédents échanges.
Sans être élogieux ou respectueux, il s'adressait à elle de manière bien moins dominatrice et semblait s'accorder sur une chose : son intellect était de pair avec le sien.
C'est donc bien plus sobrement qu'il reprit une posture droite sur sa chaise, les mains jointes déposées sur la table de fer forgé.

« Voyez, alors que cet échange progresse, je me trouve à m'intéresser bien plus à vous qu'au simple nom "Volturne". Toutefois, permettez-moi de clarifier mes intentions. Je ne cherche pas à massacrer la population de cette déchetterie que vous appelez "Valdore". Si j'avais l'intention d'obtenir quoi que ce soit en me limitant à l'usage de la force, comprenez bien que j'aurais déjà exterminé toute forme de vie présente dans cette bâtisse au moment même où vous auriez commencé à exposer des conditions. Vous êtes une femme intelligente, Lakhesis Volturne, et je suis sûr que vous êtes tout à fait capable de voir qu'une alliance entre nous deux vous serait bien plus profitable que toutes vos années passées à siroter votre thé devant ce paysage dénué de tout intérêt. »

Peut-être s'était-il de nouveau montré condescendant dans sa manière d'envisager l'existence de son interlocutrice avant son apparition mais, encore une fois, ce n'était que dans le but de valoriser leur rencontre.

« Qui plus est, le fait que nous soyons encore entrain de discuter prouve bien une chose : vous n'êtes pas satisfaite de votre situation actuelle. Alors, vous avez raison, exposons les termes de cette alliance. Il m'est impossible d'assurer la protection de Grandvent contre mes frères et sœurs, mais j'accepte d'intervenir si l'un d'eux venait à se montrer trop... Envahissant. L'existence de Grandvent comme un territoire annexé ainsi que la destruction de l'Ordre me conviennent tout à fait. Je ne vois aucun problème à ce que la sphère vous revienne. J'irais même plus loin : je conçois à vous offrir le trône de Grandvent à la fin de cette campagne. Et par "vous" j'entends bien entendu vous à titre personnel, Lakhesis Volturne. Concernant les excuses de l'Ordre, n'oubliez pas que ce qu'il subsistera de cette triste affaire sera l'histoire. Et ceux qui écrivent l'histoire sont les vainqueurs. CE-PEN-DANT... »

Alors qu'il allongeait sa tirade, un large sourire se dessinait sur son visage.
Presque innocent.

« Si cet accord semble apporter beaucoup à votre prestigieuse dynastie ainsi qu'à la campagne guerrière de notre charmante Antigone Bathory, j'ai bien peur de n'y voir que très peu d'intérêt pour moi. Voyez, je n'accorde pas vraiment d'importance aux titres que vous semblez vous arracher, les humains. Et vos territoires n'ont que très peu de signification pour moi. Alors si je concède à vous offrir tout ce que vous avez demandé précédemment, il est nécessaire que vous sachiez ce que j'attends en retour. Vous. Vous et votre famille m'appartiendrez. Vous aurez tout ce que vous désirez aussi longtemps que la famille Volturne sera ma propriété. Ne subirez ni l'influence d'Antigone Bathory, ni la crainte d'aucun démon. Mais vous serez à moi. A moi seul. »

Tendait la main dans sa direction.

« C'est à prendre ou à laisser, mon amie. Et votre décision ne sera pas sans conséquences. »

Sourire d'or.

What we are don't look clear my devil

Il insistait pour être totalement dissocié d'Antigone Bathory. Il se présentait comme une entité à part entière pourvue de ses propres ambitions. Ce qui signifiait qu'il se trouvait ici, en face d'elle, en sa demeure et dans ses appartements privés, en son nom uniquement. Lakhesis s'en sentie inexplicablement soulagée – les intrigues politiques tournaient bien vite en rond à son avis – et plus mystérieusement encore, exaltée. Elle préféra ne pas s'attarder sur ce dernier ressenti, peu désireuse d'interpréter ce que cela disait d'elle.

De façon presque imperceptible, il commença à se montrer plus ouvert à la discussion. Il se repositionna, visiblement décidé à lui témoigner un peu plus de considération. La jeune-femme discerna la menace sous-jacente dans ses propos ; dès le départ, il aurait pu obtenir tout ce qu'il désirait par la force. Elle était partagée entre remercier son inconsciente insolence tout en culpabilisant pour son absence d’instinct de survie qui aurait pu lui coûter la vie, mais surtout celle de toute sa maisonnée. Si elle assumait sans sourciller les risques qu'elle prenait, il en allait tout autrement pour ceux qu'elle faisait encourir aux autres.

Lakhesis passa sous silence toutes les innombrables questions qu'elle avait sur lui, son existence même, sur la portée de ses pouvoirs et sur son lien avec la reine guerrière bafouée. Sa curiosité n'était pas facile à refréner, mais elle pressentait qu'il lui faudrait attendre le bon moment. Toujours dans l'idée de ne pas faire de vague – en tout cas pas trop - elle ignora sa remarque méprisante sur Grandvent et sur l'humanité dans son ensemble. Elle le soupçonnait de ne même pas avoir conscience du dédain dont il faisait preuve. Il avait sans aucun doute une haute opinion de lui-même et de son espèce. Réalisait-il seulement combien il était similaire aux humains en cela ?

Sa proposition de faire d'elle une reine l'amusa et la flatta. Bien sur, il était de bon ton de la valoriser s'il souhaitait arriver à ses fins mais ça restait appréciable de sa part. Pour autant, la jeune-femme n'était pas attirée par l'exercice du pouvoir. Elle était bien trop libre pour cela. En outre, les trop nombreuses contraintes et compromis ne sauraient lui convenir. Elle s'estimait bien trop 'elle' pour occuper un trône qui ne parviendrait à la satisfaire que quelques jours. En revanche, Aurora Martell serait un choix idéal. L'actuelle gouverneure disposait de toutes les qualités humaines et morales requises pour faire une bonne souveraine à son humble avis. Elle s'apprêtait à lui répondre lorsqu'elle fut coupée dans son élan par la suite de sa tirade.

Vous. Vous et votre famille m'appartiendrez.

La récompense valait-elle de porter un tel collier ? Ne s'agissait-il pas plutôt d'une corde sournoisement glissée autour de son cou ? Ce qu'elle encourait pour elle-même ne l’inquiétait pas trop – à tord – mais elle craignait le sort qui serait réservé à sa famille sur la durée et en cas d'échec. Elle, elle s'était éteinte depuis longtemps déjà. Et pourtant.

Pourtant, Le Duc n'en finissait pas de la séduire.

Ce sourire. Aussi rebutant qu’affolant.
Ces yeux qui savent si bien regarder.
Cette main tendue et tout ce qu'elle impliquait d'électrisant.

Mais vous serez à moi. A moi seul.

Elle n'en finissait plus de vouloir fermer les paupières et se laisser aller enfin, même si c'était dans les ombres. Encore incertaine de sa réponse, ou plutôt des mots assez justes pour la formuler, Lakhesis commença par tout autre chose.

« — S'il est certain qu'une couronne m'irait à ravir – j'ai un superbe port de tête – je ne souhaite pas devenir reine. Ça ne pourra me contenter. Mais je vous remercie pour votre offre. Disons plutôt qu'il m'appartiendra de choisir la personne qui sera à la tête du royaume. Je veux le meilleur pour Grandvent. »

Elle ne pouvait nier la culpabilité qui l'étreignait. Elle était coupable d'un choix qu'elle avait déjà fait. Sa décision avait été prise dès qu'il s'était imposé à elle. Elle avait toujours été à la recherche de quelque chose de plus et il lui donnait l'assurance d'élargir les portes de sa perception. Lakhesis réalisait que sa part de ténèbres, celle qu'elle étouffait au nom des Volturne et de sa terre chérie, était beaucoup plus virulente qu'elle l'avait toujours pensé. Elle était prête à mettre tout son monde en danger pour seulement pouvoir ressentir. Si par cela même ça signifiait vivre enfin, il lui semblait condamner ce qu'elle aurait du s'évertuer à préserver.

Son âme hurlait d'excitation, sa raison l'enjoignait à ne pas céder.

« — Vous serez ma perte. Et le plus étrange en cela, c'est que je m'en réjouis. »

Lakhesis tendit sa main, faisant se frôler le bout de leurs doigts. Elle recula, une seconde, deux et puis trois. Enfin, elle appliqua sa paume contre celle du démon.

« — Nous avons un accord. Sachons nous en montrer digne. »

Elle venait de pactiser avec un démon, de s'allier à un être destiné à la destruction. Le pire, c'était qu'elle avait eu le choix. Elle se devait alors de croire que tout irait dans leur sens, qu'ils auraient tous deux leur part du contrat.
Le vent se leva, caressant ses épaules nues, la faisant frissonner.

« — Je n'ai encore jamais appartenu à personne. J'espère que ça aura le mérite de me divertir. »

Un dernier mot d'esprit comme pour oublier qu'elle venait de vendre les siens et les valeurs dont elle avait héritées.

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" le goût de l'absinthe "
Le Duc & Lakhesis A. Volturne

Lakhesis refusait une couronne offerte sur un plateau d'argent.
De nouveau, elle témoignait d'une intelligence redoutable et ne se laissait pas complètement manipuler par le démon.
Si le couronnement de Lakhesis lui aurait offert un contrôle complet sur Grandvent, le choix qu'elle s'accordait d'en désigner le nouveau leader lui permettait encore de court-circuiter le démon au moment opportun.
Mais l'occasion était trop belle.
Leurs mains se touchent, l'accord est scellé.
La famille Volturne lui appartenait, il était maintenant de son devoir de transformer cette dynastie en la famille la plus puissante de Valdore.
Plus puissant encore que Antigone Bathory ou l'Ordre.
A la manière de cette famille, tout finirait par lui appartenir.
Contemplait sa nouvelle acquisition avec une lueur dans les yeux.
Même si cela n'avait effet que pendant quelques secondes, à la manière d'un shot d'adrénaline, il fut comblé.
Comblé pendant un court instant.
Instant béni.

Il était terrifiant de constater avec quelle légèreté Lakhesis avait vendu elle et les siens dans l'espoir de se divertir.
Une pensée amusante traverse l'esprit du Duc : les humains pouvaient parfois être bien plus cruels que les gens de son espère.
Son association avec la belle allait s'avérer fructueuse en peu de temps, c'était une certitude.
Mais l'accord n'était que la première partie de cette discussion.
Il se relevait et l'attirait vers lui pour imiter quelques pas de danse, fredonnant un air lugubre les yeux à demi-clos.
Alors que la sérénade mortuaire signait l'engloutissement de la famille Volturne vers les ombres, il recouvrait de nouveau les murs de la pièce par l'obscurité.
Les ombres s'adonnaient à une mise en scène cauchemardesque, imitaient la déchéance des humains et leur ajout dans sa collection.
Comme s'il parodiait la volonté de son bétail.
Ses iris se teintaient de rouge.

« Croyez moi, ma douce, vous n'avez encore jamais vu un spectacle comme celui auquel j'aspire. Nous allons tellement rire, vous et moi. Laissez moi vous guider et vous ne vous ennuierez plus jamais. »

Attrapait ses cheveux, l'obligeait doucement mais fermement à observer la fantasmagorie offert par ses ombres.
Murmurait dans son oreille.

« Je veux tout savoir de nos forces, nos possibilités. Je déposerais Valdore aux pieds d'Antigone Bathory et Grandvent aux tiens. Mais pour cela, j'ai besoin de tout savoir sur les Volturne. Et je ne parle pas de vos petites rumeurs ou de ce qu'on peut simplement trouver sur des documents. Je veux tout savoir de vos secrets, votre honte. Et plus jamais personne ne rira. »

N'avait omis aucune nuance.

What we are don't look clear my devil

Lakhesis avait brièvement espéré qu'après qu'ils soient parvenus à un accord, Le Duc s'en serait allé, savourant bien évidemment sa victoire avec démesure mais de préférence loin d'elle. Elle avait pensé utiliser ce répit, qu'elle se doutait être de courte durée, pour digérer la décision irrévocable qu'elle venait de prendre.
C'était sans compter sur l'indécence de son interlocuteur qui préféra se réjouir en sa compagnie. Il l’entraîna dans une danse, faisant chuter au sol l'étole de satin. Elle se retrouva ainsi en chemise de nuit, presque collée à lui, à exécuter des pas maladroits. Plus elle se reculait, plus il se rapprochait. Elle le sentit plus qu'elle ne le vit agripper ses cheveux tandis que ses lèvres susurraient à son oreille. Il était bien décidé à ne lui laisser aucun échappatoire.
Elle fut engloutie par l'obscurité, contrainte de contempler les jeux d'ombres macabres qui se dessinaient sur les murs. Par réflexe et guidée par l'appréhension, une de ses mains se raccrocha à l'épaule du Duc, comme pour se donner l'illusion de ne pas tomber. Dès qu'elle s'en aperçue, elle tenta de s'éloigner comme on recule devant une brûlure. Elle ne voulait pas qu'il puisse jubiler plus encore face à cette proximité. Son sourire carnassier et la nouvelle familiarité dont il faisait preuve dépassaient déjà largement les limites qu'elle avait toujours imposées dans ses relations avec autrui.
Ses pieds nus ne touchaient presque pas la pierre froide du balcon. Sous des airs faussement doux, son étreinte avait tout d'un étau. Le souffle dans son cou avait beau être grisant, il ne fallait pas qu'elle tombe plus en avant.
Lakhesis était fermement convaincue que même lorsqu'il ne lui resterait rien, il lui prendrait tout. C'est pourquoi jamais, même seulement en apparence, elle s'inclinerait. Leur pacte ne signifiait qu'une chose : elle avait cédé et non plié. Elle ne serait pas sa marionnette pas plus que sa poupée. Elle aussi prendrait à ce qu'il avait donner et au delà. Tentant encore en vain de se dégager, la jeune-femme décida de combattre le mal par le mal. Elle s'approcha, réduisant à néant la distance qui séparait leur deux corps, plaquant son buste contre son torse. Il était beaucoup plus grand qu'elle et elle fut obligée de lever la tête pour le regarder.

« — N'envahissez pas mon espace si vous ne voulez pas que je m'impose dans le votre. »

Ses yeux couleur de lave en fusion lui lançaient des éclairs. Il l'épouvantait autant qu'il l'agaçait. Encore une fois, ce qui aurait dû lui être intolérable lui plaisait dangereusement. Néanmoins, il était hors de question de lui donner plus de pouvoir sur elle qu'il n'en avait déjà.

« — Sachez que si vous voulez être un noble crédible, qui plus est un membre d'une dynastie valdorienne, vous devez être moins exubérant. »

Elle aurait pu employer d'autres qualificatifs comme insupportable ou tête-à-claques mais elle n'était pas certaine de vouloir connaître sa réaction à l'entente de pareils termes. Elle n'était pas sans ignorer aussi que la mettre dans l'embarras – elle si prompte à l'insolence – devait l'enchanter.

« — Comparé aux autres familles, les Volturne ne cultivent pas l'art du secret mais celui du savoir. Nos connaissances sont sans égales, n'en déplaise à l'Ordre des Mages. Chez nous, la vérité est le mot d'ordre, même si cela va à l'encontre de la bien-pensance. C'est pourquoi, même discrédités, on continue de nous consulter, de nous inviter, de nous côtoyer. Notre influence ne s'est jamais démentie. Les portes vous seront donc grandes ouvertes. »

Elle se permit un sourire mauvais ; on avait besoin d'eux, on partageait même parfois leurs idées mais quand il s'agissait de leur témoigner loyauté et reconnaissance, il n'y avait jamais personne.

« — Je suis désolée de vous décevoir, je suis un des rares points noirs de cette famille. Vous vous êtes allié une des rares notes dissonantes dans cette harmonieuse mélodie. »

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" le goût de l'absinthe "
Le Duc & Lakhesis A. Volturne

Jamais.
Jamais Lakhesis Volturne ne se soumettrait à son autorité.
Ne lui accorderait jamais une victoire complète, son insolence était une arme terrible et l'espace d'un instant, le sourire dominateur et arrogant du démon quittait son visage.
Se lançait dans une observation sincère et silencieuse de la demoiselle.
La seule personne qui avait été suffisamment impressionnante à ses yeux pour lui faire perdre son sourire empli d'orgueil n'était autre qu'Antigone Bathory.
Convaincu de s'être accaparé l'élément le plus intriguant de la dynastie, il était de nouveau habité d'une satisfaction équivalente à celle qu'il eut ressenti lorsque l'accord fut scellé.
S'écartait d'elle, d'une manière plus respectueuse que tout ce qu'il avait bien pu lui adresser depuis le début de leur entrevue.
Lakhesis était une femme forte et même si elle ne restait à ses yeux rien de plus qu'un morceau de bétail, force est de constater qu'il s'agissait d'un morceau de choix.
Peut-être même pouvait-elle s'émanciper de sa situation de bétail, peut-être était-elle capable elle aussi de prétendre à la supériorité des démons ?
Ce serait à elle de le prouver.

En tout cas, la dynastie Volturne correspondait tout à fait à ses attentes, lui qui avait encore bien trop de questions sur Valdore pour se révéler être un élément efficace de la rébellion.
Il se devait d'être indispensable à Antigone dans conquête des territoires afin d'obtenir tout ce qu'il désirait.
Ce qui n'était jusqu'à présent qu'une aubaine offrait une toute nouvelle dimension à sa coopération.
Le Duc n'était pas orgueilleux au point d'enlever ce mérite à Lakhesis.
Étrangement, il effectuait ce qui ressemblait à une révérence.

« Très bien, je saurais me souvenir de vos conseils. Plus de retenue, alors. Pourriez-vous, s'il vous plait, m'accorder un accès à votre savoir ? Je suis encore bien trop ignorant des coutumes et termes de votre monde pour assurer la victoire. Je me dois de connaitre la situation politique de chaque royaume, le nom de tous les dirigeants, leur histoire. »

Si sa courtoisie pouvait se révéler on ne peut plus hypocrite, elle témoignait néanmoins de sa connaissance du protocole et sa capacité à se faire passer pour un membre respectable d'une dynastie Valdorienne.
Pourtant, se dégageait toujours de lui l'aura d'un malaise palpable, l'énergie d'une créature en proie à la folie et qui n'acceptait qu'une seule victoire : la sienne.
L'incarnation de l'avarice, prêt à dévorer ce monde tout entier.

« Maintenant. »

Royal.

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Il s'inclina devant elle, imitant le mouvement d'une révérence. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il renonce si vite. Ce qui ne l'empêcha pas d'en profiter pour prendre ses distances. Récupérant son châle qui gisait par terre, Lakhesis retourna à l'intérieur de sa chambre. Enfilant un peignoir de soie afin de se couvrir, elle le noua autour de sa taille. Elle lui jeta un bref regard. Même quand il s'essayait à la politesse, il se montrait exigeant. Quoiqu'il puisse en dire, Le Duc n'était pas ici pour apprendre mais pour conquérir. Sa nature profonde se heurtait à toutes tentatives de conciliations, même de sa propre part. La jeune-femme se détourna de lui, prenant place face à sa coiffeuse.

« — Avant d'aborder l'Histoire de Valdore, vous devez comprendre d'où la population tire ses croyances. Car même si Malronce et Belorge sont des royaumes ancestraux, aimant à se prétendre vierge de toute influence, c'est bel et bien la Bonne Parole de l'Ordre des Mages qui régit notre monde. Ils se servent de La Maison-Dieu et de ses Arcanes pour promouvoir leurs idéaux. C'est leur conception du monde qui prévaut et rien ne peut aller contre ça. Or, votre existence même est une preuve de plus de leurs dissimulations. »

Elle avait beau lui tourner le dos, Lakhesis pouvait voir le reflet du démon dans le miroir. On avait toujours qualifié ses yeux comme deux sombres nébuleuses, éclairées par un feu rougeoyant étrange. Mais toutes ces personnes s'étant attardées sur son regard n'avaient sûrement jamais croisé celui du Duc ; il donnait à voir deux abîmes où dansaient des ombres ensanglantées aux sourires trop grands pour être vrais. Si ses prunelles à elle évoquaient le mystère, la distance, l'incertain, les siennes renvoyaient aux ténèbres les plus obscurs et aux nuances colorées du sang qui se répand.

Elle cessa de le fixer pour attraper sa brosse. Cette-dernière avait la lourde tâche de démêler sa longue chevelure.

« — Officiellement, il existe deux royaumes. Le premier est Malronce, terre du feu, dont le symbole est le griffon. Les Vaudreuil sont la famille royale actuelle. Votre Antigone a assassiné l'ancien souverain et son fils aîné. Les trois princesses ont trouvé refuge à Belorge où elles résident encore. Personne ne connaît le visage du roi actuel. Il règne au côté du conseil des cinq. Ils disposent de la plus grande puissance militaire de Valdore. Le second royaume principal est Belorge, terre de prospérité, portant le cerf comme blason. C'est la reine Alcyone qui a toute autorité. Elle et ses trois sœurs sont issues de la famille Cascabel. C'est le territoire le plus riche en terme de ressources. »

Elle fit une pause, lissant avec soin et lenteur ses mèches éparses. De nouveau, elle prit grand soin d'insister sur le pronom possessif devant le prénom de la Bathory. Une des dernières effronteries qui lui restaient.

« — Votre Antigone est originaire de Briserune, terre du froid et son symbole est le corbeau. C'était jadis une région rattachée à Malronce et dirigée par la famille Riegel, aujourd'hui déchue et dont il ne reste qu'un descendant, peut-être deux selon les rumeurs. Leurs guerriers sont redoutables. Ils sont désormais dispersés sur tout le continent mais chacun sait que la révolte gronde dans les mines. Il y a aussi Sombrelune, terre de magie et de religion. C'est le territoire avéré de l'Ordre des Mages. C'est là-bas que se déroule le rituel de l’Éveil où les humains peuvent s'éveiller à leur élément. »

Ignorant s'il savait à quoi elle faisait référence, Lakhesis s'accorda le plaisir de lui faire une petite démonstration. D'un geste leste, elle fit une arabesque avec sa main et une brise légère s'invita dans la chambre. Elle circula dans la pièce au fur et à mesure de ses mouvements. Puis, avec plus de force, comme s'abat un coup de vent brusque, elle se dirigea férocement vers Le Duc qu'elle fit reculer de quelques pas. Un instant plus tard, elle s'évapora en direction du balcon. Ce petit échantillon de sa magie, volontairement taquin, s'arrêta là. Lakhesis s'en retourna à sa coiffure non sans dissimuler un sourire narquois – tout à fait discernable dans la glace.

« — Reste Ambrive, terre d'eau, dont l'autorité revient au gouverneur Montgomery. Vous y trouverez un marché noir qui j'en suis certaine vous réjouira. Je ne m'attarderais pas sur Grandvent car vous semblez vous en avoir déjà fait un avis. »

Elle lui jeta un regard noir de circonstance.

« — Sachez seulement qu'il s'agit d'une terre de paix et de vent. Le savoir est plébiscité et nous possédons les meilleurs guérisseurs. »

Elle haussa les sourcils dans sa direction dans une expression sarcastique qui semblait dire : 'quoi d'autre pour vous servir monseigneur ?'

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" le goût de l'absinthe "
Le Duc & Lakhesis A. Volturne

Un flot d'informations se déversait jusqu'aux oreilles du Duc qui écoutait, attentivement, l'histoire de chaque royaume occupant Valdore.
Son intérêt se portait principalement sur Malronce et Sombrelune, le premier étant l'objectif primaire de sa comparse et le second la finalité de leur petite conquête.
Qui plus est, Sombrelune pouvait apporter au démon les réponses aux questions qu'il se posait concernant sa propre existence.
Même si l'avantage des Volturne est qu'il n'avait pas besoin d'attendre aussi longtemps pour apprendre plus sur le monde sans couleurs ainsi que l'assassin qui avait frappé le duo il y a de cela plusieurs jours.
Non pas qu'il soit hanté par cet homme - s'aurait été accorder bien trop de crédit à un simple humain - mais s'il devait se retrouver à nouveau nez à nez avec lui, il était préférable que l'entité sache à qui il avait affaire.
Belorge représentait un obstacle minime, pour ne pas dire anecdotique, aux yeux du démon.
Et il avait déjà fait la connaissance du dirigeant d'Ambrive, accompagné d'un fructueux passage par le fameux marché noir.
En revanche, le fait que les humains puissent eux-même s'éveiller à la magie était un élément on ne peut plus intriguant.
Antigone était-elle, elle aussi, capable de s'éveiller à une magie ?
Par ailleurs, Lakhesis avait omis de préciser à quel élément appartenait Briserune.
Omission volontaire ou bien aucun membre de cette nation ne s'était encore éveillé à la magie ?
Cela pouvait expliquer l'aversion de sa comparse pour l'Ordre et les utilisateurs de magie.
Un principe qu'il lui faudrait écraser, tôt ou tard.

La démonstration de la jeune femme le faisait sourire, alors que la pression du vent faisait reculer le démon.
Même une personne en apparence sans défense était donc capable de ce genre de prouesse ?
Les humains ne constituaient pas un bétail facile à dominer, s'en était plaisant.
Le Duc s'inclinait de nouveau face à elle, le regard pétillant d'excitation.

« Très intéressant. Votre savoir me confirme que vous êtes bel et bien celle qu'il me fallait. Mais mes interrogations ne s'arrêtent pas là. J'ai rencontré un humain capable de manipuler les ombres, tout comme moi. Il était plutôt compétent, suffisamment pour mettre à mal Antigone Bathory et apporter une certaine résistance à mes pouvoirs. Qui est-il ? »

L'étau se resserrait doucement et bientôt, il saurait exactement ce qu'il allait devoir affronter.
Le Duc y voyait une opportunité et c'est avec une impatience non dissimulé qu'il attendait les réponses de son alliée.

« J'aimerais avoir accès aux recherches de votre famille ainsi qu'à votre bibliothèque. Une fois que ce sera chose faite, je m'en irai. »

Le jeu allait prendre une tournure toute nouvelle.
Enfin, le démon pouvait cesser de subir et enfin passer à l'attaque.

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Lakhesis le vit s'incliner de nouveau devant elle. à force, ça risquait de devenir une habitude. A cette pensée utopique, elle esquissa un sourire malicieux. Elle pouvait bien se permettre de rêver un peu après tout ; son imagination lui appartenait encore.

Même quand Le Duc tentait de se montrer reconnaissant, ça n'avait rien de crédible. Lui tournant toujours ostensiblement le dos, elle continuait de se brosser les cheveux, espérant qu'il finirait par se retirer de lui-même. Bien entendu, il n'en fit rien. Mais cette fois-ci, elle ne lui en tint pas rigueur. En effet, il venait d'attirer son attention.

Il existait donc quelque chose ou quelqu'un capable de lui résister. Il y faisait référence en parlant d'un humain capable de manipuler les ombres et assez puissant pour lui causer du tord. Passée le plaisir infantile à cette perspective alléchante, son regard se mit à briller d’intérêt. Elle n'aurait jamais cru que toutes ces histoires étaient vraies.

La jeune-femme lui fit face de nouveau, mi-ravie mi-surprise.

« — Ce dont vous me parlez me fait penser à... Enfin, ça a toujours été de l'ordre du fantasme. Ce sont des rumeurs, de vieilles superstitions. Une des nombreuses légendes entourant la Source. »

Lakhesis le dévisagea de haut en bas, réfléchissant à voix haute.

« — Mais après tout, jusqu'il y a une heure, j'ignorais que les créatures comme vous existaient. Il est donc tout à fait probable qu'ils existent aussi. La nature et la magie sont proches, ils demandent un certain équilibre. Ce serait donc logique... »

Elle croisa les jambes, ses yeux voraces glissant sur Le Duc sans réellement le voir. Elle fit défiler dans sa tête tout ce qu'elle se rappelait avoir lu ou entendu sur les mythes de l'origine du Monde. Jusqu'à présent, elle avait toujours considéré ces-derniers comme des fables ou des contes pour enfant.

Lakhesis revint à l'instant présent, répondant à la question du démon.

« — L'être dont vous parlez pourrait être un traqueur. On raconte bien des choses sur eux mais jusqu'à présent, leur existence n'a jamais été officialisée. Ce sont des humains qui lors du rituel de l’Éveil développent la magie des ombres au lieu de celle liée à leur terre d'origine comme le feu, l'eau, la terre ou le vent. Ils auraient les mêmes pouvoirs que ceux des démons afin de mieux les chasser pour les anéantir. Ils savent d'ailleurs toujours où les trouver comme s'ils étaient liés. On dit qu'à chaque fois qu'un démon s'éveille, un traqueur vient au monde. Ce sont des combattants entraînés et sous les ordres des mages. Ce sont les seules informations connues à ce-jour. Mais elle reposent sur des allégations sans fondement qui proviennent de nos légendes ancestrales. »

Encore une fois, sa vision du monde en fut toute chamboulée. Elle était à la fois ravie de constater qu'une fois encore Le Duc démultipliait ses perspectives et agacée par les cachotteries de l'Ordre. De plus, si cela s’avérait authentique, les mythes devaient être pris au pied de la lettre et elle devrait revoir sa copie sur la religion et la spiritualité en générale. Son esprit rationnel s'y perdait un peu.

Elle n'était pas la seule à se réjouir ; son interlocuteur semblait au comble du ravissement.

« — Comme convenu, vous aurez accès aux ressources de ma famille. De mon côté, je vais me renseigner aussi. Même si au final, c'est à la tour d'Astrée qu'il faudra un jour nous rendre pour avoir toutes les réponses. »

Elle se leva et fit quelques pas pour rejoindre Le Duc. Se plantant devant lui, elle devait lever la tête pour pouvoir le regarder.
Elle aussi mourrait de faim.

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" le goût de l'absinthe "
Le Duc & Lakhesis A. Volturne

La source et les traqueurs.
Un délicieux récit dont il ne manquait aucune nuance, ravi à l'idée qu'il existe une créature capable de mettre fin à ses jours au moment opportun.
Peut-être aurait-il la chance de partir avec plus d'élégance que si cela avait été réalisé par la main de sa comparse ?
Ressortait finalement un élément très important : les mages avaient conscience de leur existence et avaient trouvés un moyen de réguler l'équilibre du monde par leur élimination.
Si tant est qu'ils étaient légitimes à considérer que leur destruction était dans l'ordre des choses.
L'arrogance des mages en serait presque exaspérante.
Lakhesis Volturne avait été très coopérative depuis que leur union avait été scellée et le démon saurait s'en souvenir au moment de réaliser ses promesses.
Certainement méritait-elle bien plus qu'une simple trahison venant du Duc.
Considérerait cette option au moment adéquat.
Le résultat de cette entrevue ressemblait en tout cas à une victoire totale pour l'entité : il avait accès aux ressources et aux richesses de la famille Volturne, de quoi simplifier son mode de vie et lui donner du poids lors de la prochaine rencontre avec un grand leader de Valdore.
Ne répondre à aucun nom pouvait parfois se révéler handicapant, surtout avec des nobles.

Plongeait son regard dans le sien.
La demoiselle n'était pas ce qu'on pouvait considérer comme profondément malveillante ou maléfique, simplement sensible à ses envies, elle en était tout aussi manipulable que lui.
Se doutait qu'elle saurait, elle aussi, tirer profit de leur alliance.
Le but du jeu était désormais d'en bénéficier avec plus de pertinence qu'elle.
Sourire large, il écartait les bras, théâtrale.

« Ce monde est finalement bien plus intriguant qu'il ne laissait à penser. Et vous, Lakhesis Volturne, êtes une délicieuse créature qui saure se montrer utile en temps voulu, j'en suis sûr. Je veux dire, encore plus utile qu'aujourd'hui. Nous en resterons donc là. Néanmoins, je me ferais un plaisir de passer par vos archives avant de m'en aller. J'ai hâte d'en apprendre plus sur ces fameux traqueurs ! »

Attrapait sa main pour y déposer un baiser chaste, moquant le protocole.
Ses mots s'entrecoupaient d'un ricanement amusé.
Mauvais.

« Sire Victor Volturne. C'est en ces termes que vous pourrez vous adresser à moi, dorénavant. Et n'oubliez pas à qui vous appartenez. »

Puis, il disparut.
Comme il était venu.
Le mauvais sort venait de frapper une ancienne dynastie Valdorienne.

What we are don't look clear my devil

Le baiser qu'il dépose sur le dos de sa main marque leur accord d'un sceau officiel. Le sourire qu'il arbore est celui d'un fauve. Pourtant, Lakhesis ne ressent rien en dehors d'une satisfaction sournoise.
C'est une alliance sordide, un pacte qui n'appelle que les ténèbres. Mais jamais rien encore n'était parvenu à la maintenir éveillée si longtemps, jamais rien n'avait autant remis en question un monde dont elle pensait en avoir fait le tour.
Alors elle se contente d'un léger signe de tête comme pour dire d'accord, comme pour lui dire qu'elle s'en moque.

Après une dernière menace, il disparaît. Elle ne peut rien ajouter, rien répliquer. Il a le contrôle et c'est elle qui le lui a donné.
Immobile, toujours plantée au milieu de la pièce, elle reste silencieuse et contemple le balcon où sans hésiter, elle s'est damnée.
Peut-être n'aurait-elle pas dû, sans doute aurait-elle dû s'abstenir. Le Duc n'est même pas un homme après tout. Mais c'est en cela qu'il l'a séduite.
Il a pris son nom pour s'en revêtir avec une facilité déconcertante. Il a volontairement mis de côté le fait qu'en tant que Volturne, il est sous son autorité à elle. Du moins, en apparence.

Elle pense aux contreparties qu'il lui a offertes, aux engagements qu'il se doit de tenir. Ça lui fait du bien.
Lui revient à l'esprit leur discussion sur la source et les mythes originels. Elle allait devoir se replonger dans les arcanes et dans tous les petits interstices de la fondation de leur univers. Elle sourit franchement maintenant.

« — Mademoiselle ? »

Lakhesis se retourne pour faire face à Alice. Elle ne l'a même pas entendu entrer.

« — J'ai cru entendre votre voix. Vous parliez à quelqu'un ? »

Sa maîtresse lui fait signe que non, lui souriant presque tendrement.

« — Seulement aux ombres Alice. »

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