frivolité (prudence) /end

La cacophonie des commerces, si épuisantes qu'elle fut à long terme, éveillait une certaine forme d'attachement. Ces balades innocemment menées entre les innombrables stands, jouant de mes maigres épaules dans cette dense foule : à bien des égards, le doucereux climat du quotidien se démarquait de mes chasses. En de pareilles circonstances, mon corps se voilait de vêtements adaptés à la vie civile, troquant mon hanfu pour une sobre tunique. Il ne restait, au demeurant de mes traques, que ce ruban écarlate, régissant cette infinie crinière : de mouvements incertains, mon corps cherchait à retrouver le confort de ces tenues quotidiennes dont l'habitude paraissait si lointaine. À la mesure de mes sorties nocturnes, le goût des journées se voyait terni—comme perdant toute éligibilité au bonheur. Le Traqueur Éternel, prosélyte à la terreur qu'on lui vouait, se délectait de mes vices—et mes valeurs, dissipées par mon irascibilité, s'effritaient doucement. La quiétude se rarifiait, intensifiant son importance ; si ma volition semblait inébranlable, j'en assumais difficilement l'exubérance. En ce jour, mon esprit échappait à ses agaçants instincts pour se gorger d'insouciance : loin de l'entité devenue épicentre de mes réflexions, j'en redevenais régent. Privée des abjects instincts qui ternissait mes actes, je m'armais d'innocence—oubliant jusqu'à la racine de mon existence. À Belgore, ville de mes origines dont il ne restait que cendres. Belgore, régie par ce soleil dont j'oubliais les contours ; comme agent d'une nuit dont je teignais les rayons.

Belgore, dont j'effleurais la douceur, dans ce besoin d'imprudence; arpentant les rues, armé de ces excuses profilées sans réelle sincérité, comme une raison qu'on invoque : les regards jetés, à peine effleurés par l'attention, témoignaient de l'agacement que leur silence scellait. Cet être véhément, plongeant à corps perdu dans les plus étriques espacements, s'alliait d'imprudence. Ce garçon chapardeur, flirtant avec l'imprudence, provoquait sa propre déchéance, comme en manque de danger : à mes écarts, cependant, nul être ne semblait avide d'exprimer punition. Au détour d'un chemin dont je m'étais résolu à la vacuité, une silhouette se forma : d'abord banale, encore qu'exprimées en de délicates formes, son visage m'évoqua une familiarité rassurante.

Prudence, dont le nom était aux milles lieux de la réalité
Prudence, et ce murmure en invoqua la candeur, et les souvenirs d'antan
Déchue dans la plus grande ignorance,
Partageant un secret commun, en gage de notre fidélité sans égale.
Sublime, comme toujours. Et toute aussi indisciplinée.

“FRIVOLITÉ” & Belorge. Région douce, au climat tempéré. Regorgeant de monts et merveilles. D'un potentiel infini quant à ses paysages, sa faune, sa flore. Jusqu'à l'architecture léchée que Prudence s'abandonnait à admirer.
Si seulement elle avait pu découvrir et redécouvrir cette ville dans un autre contexte. Sans y être contrainte. Sans devoir renier sa famille et son identité. Peut être aurait elle put pleinement profiter de la brise qui se perd entre ses mèches blondes. Peut être aurait elle put remarquer la gentille et la bonté du peuple qui gonfle les ruelles. Peut être aurait elle put observer les couleurs chantantes des oiseaux qu'elle, autre fois, passait des heures à regarder et dessiner.
Malheureusement, une ombre noircit ce charmant tableau. Elle ne se sent pas à sa place. Elle ne prend plus la peine de profiter des petits plaisirs de la vie comme elle avait vu le faire auparavant.
Maintenant son cœur, autre fois si pur, est constamment en proie aux doutes, à la peur, aux regrets. Si elle buvait avant pour le loisir, rire, et s'amuser... Aujourd'hui elle se surprend même à descendre une bouteille à elle seule juste pour oublier. Pour calmer les cauchemars et démons qui hantent ses nuits et ses pensées. La créature solaire autrefois pleine de vie et créatrice de bonheur venait avoir de la peine à en trouver elle même. Et pourtant. Il n'était pas aisé de le deviner pour quiconque n'était pas dans sa tête -donc, pour personne-
Elle gardait, en toute circonstances, ce pourquoi elle était connue. Son sourire. La face. La tête haute, et le rire franc. Tout ce qui faisait de Prudence la drôle de princesse qu'elle était.

L'effervescence des rues entourant la place centrale, dédiée aux commerces, était bien pratique pour faire ses sorties en pleine journée. Tout le monde était bien trop pressés. Concentrés sur leur achats. A dénicher la bonne affaire. A négocier une ristourne. Aujourd'hui, Prudence, cape de velours noir sur les épaules, et capuche de même acabit sur la tête, tenait au creux de son coude un panier en osier où la anse était soigneusement enroulé d'un ruban rouge. A la recherche active de nouveaux livres à se mettre sous la dent, l'air de rien, venant alors devenir parmi cette foule et cette masse, une simple habitante de Belorge. C'est après deux étales qu'elle trouve alors son bonheur. Un petit grimoire, à la couverture de cuir brun, et aux pages à peine jaunies, répertoriant avec soin les différentes espèces animales qui pouvaient fouler la terre de Belorge, et plus précisément, les alentours de Colza. Après avoir réussit à économiser quelques précieuses pièces sur cet achat, elle fit demi tour, laissant ses pas la porter, direction le château, où elle retournerait se mettre à l'abris.
Du moins.
C'est ce qu'elle pensait.
Jusqu'à ce qu'elle entende le son de son prénom. Comme un écho, lointain, interdit. L'espace d'un instant, un frisson parcourt son corps, accompagné d'une étrange sueur froide. Malgré cette fois, qu'elle croit connaître, reconnaître, elle n'est pas capable tout de suite de faire preuve de logique. Et son premier réflexe et de se stopper dans sa marche, comme pétrifié sur place.
Et cette douce flatterie. Finalement, les yeux bleus de la demoiselle cachée sous sa capuche se lèvent. Et rencontre un regard en effet bien familier, amical... Et pourtant si effrayant. Partagée entre le soulagement de voir un visage connu et bienveillant... Et la crainte de s'être fait reconnue, elle, princesse déchue de Malronce, en plein milieu de Belorge. La première réponse à cette approche est alors un pas en arrière. Elle dénoue avec peine sa gorge serrée, pour souffler un, tout bas.

« Ne... Riah... »

Un léger coup d'épaule, d'un passant bourru et peu attentionné, lui arrache une faible plainte et une grimace alors qu'elle rattrape de justesse le tissu qui menace et manque de glisser sur sa crinière blonde pour la révéler. Son sang alors ne fait qu'un tour. Il y avait trop de monde. Et son secret était menacé. Que faire? Lui faire croire à un mirage? L'imagination fertile de son imagination? Elle pouvait toujours le tenter non? S'il parlait? Non, il ne dirait rien. Il était de son coté... Non? Comment le savoir? Tout le monde ment. Ou alors... Était-ce elle, qui croyait le voir... Souvenir et image réconfortante d'un passé qui semblait impossible à regagner? Perdue, et un instant troublée, comme le trahissait sans peine son visage, finalement, voilà que Prudence prend sa décision, maladroitement.
Ses talons glissent sur le sol. Elle tourne le dos au traqueur... Et la voilà qui presse le pas, s'éloignant ainsi du brun qui semble l'avoir mise dans une situation compliquée... Qu'elle n'est visiblement pas capable de gérer autrement que par la fuite. Et pourtant. Comme il fut doux d'entendre sa voix. D'entrevoir son visage. Après tout ces coups du sort. Caresser l'espoir de partager un instant avec quelqu'un, un allié, un ami, un confident. Et pourtant. La voilà qui disparaît, comme un mirage, une ombre fugace, entre les passants, talons claquants et résonnants sur les pavés, jusqu'à atteindre une ruelle adjacente, bien plus calme où seule sa silhouette se dessine.

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Durant ce soudain instant qui captura la terreur en son regard troublé, les regrets m'accablèrent inlassablement, alors que s'imposait la culpabilité de ma faute ridicule : d'abord figé par ma propre bêtise, mon corps s'allia de courage pour recouvrer tout contrôle. Sa silhouette, protégée par un vêtement dont le vent s'improvisait assaillant, demeurait épicentre de ses préoccupations : une main en retenue de cette capuche virevoltante, mon vif regard peina à percevoir les éclats d'or de son iconique crinière. Sans nulle intention de lui imposer ma présence, mon corps s'était toutefois lancé à sa poursuite, comme d'un instinct que l'on n'explique pas.
Att—mais mes lèvres se serrent, interceptent la seconde imbécillité dont je me rendais responsable. Plus que l'inconfort de ma présence, c'est ma bêtise qui avait suscité sa fuite—sous la menace de son simple patronyme. Ilote de sa simple naissance, ses privilèges s'étaient mués en une paranoïa apodictique : son statut n'était que le vestige d'un règne aboli, dont il ne restait que de dangereux souvenirs.
Prudence, dont le nom résonnait à présent si bien.
Prudence, dont je m'exhortais à retrouver la présence—et sans hâte, imposant ma patience comme gage de mes intentions bienveillantes, je me rapprochais de sa silhouette retrouvée. Notre mutuelle sobriété, pourtant de circonstance, me baignait d'inconfort, et je m'imposais une distance. Mes mains se crispèrent, désireuses de parcourir ses épaules en de rassurantes intentions : un contact chaleureux, comme un souvenir aimant ; une amitié ravivée, comme la preuve d'un passé perpétué.
N'aies crainte. Je garderai le silence.
Mes yeux, fléchis sous l'imposante lumière du soleil, adoptaient une teinte plus orange : courbant mes jambes à sa hauteur, mon regard captura, sous sa capuche, la beauté d'un inoubliable visage. Prudence, à n'en pas douter. Prudence, dont la liesse la savait mère, elle qui imposait ses sourires au monde. Prudence, dont il ne restait que des cendres, à présent qu'elle était traquée. Prudence, dont la candeur aurait dû garantir bonheur, Prudence, dont la présence m'avait outrageusement manqué.
On m'avait dit que Belorge regorgeait de trésors, me voilà assouvi ! Je te pensais perdue... mais dis-moi, très chère, serais-tu menacée ? J'ignore de qui je me ferais ennemi, mais sur ton ordre, je traquerai n'importe qui.
Prudence, dont je ne saurai me défaire,
Au détriment de toute prudence dont je ne savais me gorger.

“FRIVOLITÉ” & Doucement, elle reprend son souffle. Sa main aux reflets d’albâtre posée sur le petit mur de pierres froides, ruisselantes de l’averse qui l'avait accablé quelques heures auparavant. Cette vague d'émotions diverses et variés l'avait légèrement perturbé, assez pour lui faire perdre de vue le fait qu'elle était sensée rentrer au château... Et non pas s'en éloigner. Comme elle l'avait fait.
Mais évidemment, il l'avait suivit.
Ne l'avait elle pas secrètement désiré, tout au fond d'elle?
Un visage familier. Un être rassurant. Un reste de son passé, qui venait prouver que son royaume ne fut pas qu'une lointaine invention de son esprit fatigué.
Alors, elle se redresse.
Et lui fait face.
Après tout, n'est elle pas une princesse? Même si elle n'avait plus le droit d'embrasser fièrement ce statut qui était le sien... Elle devait toujours s'en montrer digne.
Et a nouveau, ses yeux se posent sur lui. Il se tient à l'écart, avec courtoisie. Intérieurement, elle le remercie pour ce geste, cette attention qui ne passe pas inaperçue. Après tout, s'ils pouvaient éviter d'attirer l'attention aussi... Cela serait bien dans son intérêt.
Suite à ces mots, qui sonnent comme une véritable et douce mélodie à ses oreilles, la blonde laissa son regard azuré s'échouer dans celui du traqueur qui était venu se mettre à sa hauteur. Presque désolée de le voir devoir plier ainsi l'échine. Mais elle avait toujours été petite. Fine. Vulnérable. Fragile. Un autre fardeau bien lourd à supporter. Et le voilà à nouveau, qui se fait défenseur de la veuve et de l'orphelin. Ou plutôt, de la princesse, bien qu'il n'était accompagné d'aucun blanc destrier. Il était loin de tout ce qu'on pouvait dire sur lui. Pas d'impitoyable et horrible chasseur. Seulement un homme qui faisait ce qu'il pensait être juste. Et c'était bien là une vertu que Prudence ne pouvait que saluer et respecter.
Alors, en silence, il arrive à dessiner sur la bouche de la princesse une esquisse de sourire. Et puis, sa main, dont la paume était légèrement humide à présent, vint quitter le mur... Pour se poser sur la joue de l'homme qui lui faisait face, et qui avait su apaiser ses craintes, et la dompter pour ne pas la voir lui filer entre les doigts. Du bout des siens, elle caresse la peau de la joue de cet ami retrouvé. Comme pour s'assurer qu'il est bien tangible, bien présent, bien réel. Et alors, un faible soupire, de soulagement surement, s'échappe de ses lèvres fines.

« Si vous saviez... Comme je suis ravie de vous voir... Désolée d'avoir... »

Oui, étrange mot à dire lorsqu'on accueille un vieil ami... En le fuyant. Mais elle n'avait pas besoin de finir sa phrase, ou de s'expliquer. Elle savait pertinemment qu'il savait. Qu'il comprenait. Et cette proposition, ce gage de fidélité ne put qu'un peu plus la toucher. Les vieilles habitudes ont la vie rude, et il faut dire que la princesse a du mal à tutoyer naturellement les gens -surtout ceux qu'elle respecte- quand elle n'a pas quelques coups dans le nez... Elle le récompense d'un rire léger et volatile, alors que, lentement, elle retire sa main de sa joue

« Vos mots me touchent... Mais non... Tout va bien... Enfin, tout est relatif. Mais jamais je ne me permettrai de faire appel à vos services de toute façon ! Vous n'êtes pas un simple et vulgaire garde... Vous avez bien plus importants à faire après tout... Chasseur de démons. »

Cette appellation, si elle peut sembler dédaigneuse et ou rabaissante dans la bouche de certains... N'était qu'affection et admiration pure dans celle de Prudence Vaudreuil...

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Par sa nature-même, l'infini s'accaparait nombre de formes, dont l'une s'allongeait à la guise de notre perception. D'un œil extérieur, et probablement avéré, l'instant de soulagement, au cours duquel Prudence se déroba à sa méfiance au profit d'un sourire, ne dura qu'une seconde—mais dont mon immersion se rapprocha de l'infini. Ma voix nouée par l'embarras dans laquelle elle avait fait diluer mes aises, je me contentais d'un sobre sourire.
Qu'importe ces fredaines, princesse ; votre bonne santé me suffit.
Ses yeux azurés, gracieusement tournés à l'encontre de l'horizon, semblaient en saisir l'entièreté : ils n'étaient plus de simples pupilles, mais les vitraux d'immenses galaxies dont il me revenait d'explorer les recoins. Il me semblait abject d'imposer, en unique écho, la contemplation de mes astres rutilants : en comparaison aux merveilles que son humanité offrait, ma démesure solitaire s'apparentait à l'aridité d'une terre désolée. En médiocre satellite de ses deux étoiles, mon regard s'y laissait happer ; sous le joug de cette gravité, geôle de mes gestes, ma bonhomie en aggravait l'attraction. Rendu badant, comme accroché par une candeur dont j'avais sacrifié les vertus, je me laissais aller à un respectueux silence. Nous n'étions plus homme et femme, asphyxiés dans cette ruelle étrique mais évadés, au moyen de cette empathie unique, d'une réalité tortionnaire. Un clignement d’œil, ralliant mes songes à l'obscurité, rompit le charme de son doucereux geste—et dire que l'on supposait la torture comme exclusive aux démons.
Gardez-vous de tels gestes, je vous prie : en dépit du plaisir que j'en cultive, vous méritez les faveurs d'un homme de bien meilleure stature.
De politesse, mes mains se délectèrent de l'exquise proximité de sa main, si parfaitement entretenue, pour l'ôter de ma joue. De frustration, cependant, mon pouce s'attarda sur sa paume qu'il caressa, presque imperceptiblement : toute nécessaire qu'était notre distance, j'en rebutais l'injection.
Vous n'avez pas oublié.
L'ombre d'un sourire fit fléchir les commissures de mes lèvres, à mesure que les mémoires de notre jeunesse, pourtant si récentes, me rendaient nostalgiques.
Ma douce, n'oubliez pas ceci : ma profession n'est que superflue, car mon allégeance appartient autant à l'Ordre qu'à votre personne. Je ne vous forcerai pas à me confier vos craintes, mais souvenez-vous que je demeure votre éternel allié.

“FRIVOLITÉ” & Voilà que le fou s'aventure sur un chemin bien dangereux, dans lequel il n'aurait jamais du entraîner Prudence avec lui.
Ses faveurs?
Un homme de bien meilleure stature?
Tout ces mots. Ces règles. Ces devoirs. Au diable les bien penseurs qui avaient décider que la vie d'une princesse jamais ne devait lui appartenir. De par ces simples mots, qui n'étaient que bienveillance et douceur, Neriah réussit à faire froncer les deux sourcils blonds comme les blés qui surmontaient ses billes d'océan d'ailleurs toujours rivées sur lui. Malgré tout, elle ne se dérobe pas à sa prise, et laisse alors sa main quitter sa joue, sous l'emprise de cette du traqueur, l'espace d'un instant. Et, alors que la pulpe de son pouce peut profiter de la douceur intacte de la paume de sa main, trahissant ici encore par d'autres manières une vie de richesse où le travail manuel ou guerrier était totalement exclu, préservant la délicatesse de ces mains ridiculement trop petite, elle répliqua d'abord, suite à la possibilité qu'elle ait pu oublier.
Mais, comment?

« Comment vous oublier, cher ami? »

Simple, sincère, et sans chichi, Prudence confrontait son regard au sien, sondant son âme l'espace d'un instant, comme pour y prélever la moindre réaction, pensée, sentiment. Après un léger soupire, alors qu'il peut surement penser que la princesse allait récupérer ses mains... Il n'en ai rien. Après tout, son affront précédent n'allait pas rester impuni. Voilà que les doigts de la belle se referment sur l'une des mains du brun, inversant l'espace d'un instant leur role, devenant la prédatrice, et faisant de lui la proie. Elle le tire légèrement, pas assez pour le brusquer, mais suffisamment pour rapprocher son visage du sien... Glisser ses lèvres jusqu'à l'orée de son oreille, pour y laisser alors échouer un, tout bas, comme une confidence. Interdite. Secret. Le remous de ses envies d'indépendance.

« Et sachez, Neriah, que mes gestes... Moi et moi seule décide ce que je veux et peux en faire. Aussi bien que si j'avais envie de vous attirer jusqu'à ma couche... Cela ne regarderait que moi. Et vous, évidemment. »

Un silence, lourd, et presque menaçant les surplombe alors, et suit ces paroles, paroles d'une femme qui n'avait jamais vécue que pour une vie de liberté. Et, finalement, elle vient rompre elle même cet étrange moment en laissant échapper un doux et mélodieux éclat de rire, alors qu'elle finissait par quitter sa main de la sienne... Rendant alors sa liberté à sa proie momentanée. En s'éloignant, elle ne manque pas de lancer un regard léger, taquin, et plein de malice à l'homme, alors qu'elle venait attraper un pan de sa robe pour la soulever légèrement et effectuer un léger tour sur elle même, venant faire virevolter la dentelle et les froufrous discrets mais présent de son habit élégant, et sa crinière solaire.

« Et puis... Je ne suis qu'une simple dame de compagnie de Belorge après tout. Rien de plus. Mes gestes et ma personne ont bien peu de valeur ... N'est-ce pas, éternel allié? »

Sa voix se fait ironique, et l'invite à rentrer dans ce jeu qui n'était maintenant plus que son quotidien. Elle n'était plus une princesse, officiellement. Et si elle pouvait jouir des faibles et maigres avantages qui accompagnaient ce changement de statut pour éponger sa peine... C'était bien le minimum qu'elle méritait.

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Fer de lance de ses actes, sa témérité la rendait hermétique aux règles, aux menaces profilées—et un sourire en illustra mon approbation. Fort d'indépendance, son esprit reprit les devants, troquant la sobriété d'une princesse en fuite pour une confiance dont l'envergure s'étendit à mes oreilles, par le biais d'un murmure. Décontenancé par l'audace dont elle était nouvellement titulaire, mon sourire s'appropria les lettres de noblesse d'un amusement retrouvé : à de telles situations, je bénéficiais d'expérience. Cet esprit, essentiellement régit de discipline comme de discrétion, s'abandonnait à la frivolité, dès lors qu'une élégante compagnie s'imposait. Quelques délicatesses, sous l'égide d'un charmant sourire, suffisait à ébranler mes défenses—et si je n'étais pas enclin à accorder le moindre pan de ma confiance à de modestes flirts, ma relation avec Prudence était bien différente. Aux premières loges, malgré moi, d'un règne dont je n'avais que faire, j'avais maintes fois constaté les vertus de cette jeune princesse ; et notre lien, s'il s'était laissé oublier à la suite de la violente révolte, assurait la Vaudreuil de ma fidélité. Par ailleurs, ma démoniaque cible, dont les convictions demeuraient inconnues, ne s'était pas épris de n'importe quelle humaine—faisant d'Antigone mon ennemi commun avec la princesse : n'était-ce pas là le message d'un destin qui se voulait enfin juste ?
Mon conseil se veut gage de l'inquiétude que je vous porte, rien de plus, car je me moque des coutumes de votre royauté.
Un sourire immiscé dans le silencieux intervalle entre mes paroles, je m'avançais à mon tour, capturant délicieusement ses avant-bras pour l'entraîner de quelques pas de danse. Une brève escale, aiguillée de ma courtoise adresse, qui força son échine à épouser le mur—et de témérité, j'écourtais notre distance.
Je vous l'apprends, mais ma mission est tenue secrète, même de la majorité des mages : je ne réponds d'aucune autorité, sinon celle de notre chef, et n'ai cure de celle de sa majesté.
Ce discours, s'il faisait l'objet d'une évidente jusqu'alors tenue sous silence, s'avérait crucial : ma loyauté ne tenait pas au sang bleu que Prudence avait acquis de naissance, mais à l'affection que nous partagions. De la princesse, je n'étais pas le servant ; mais de cette demoiselle, dont je connaissais les insolentes inflexions, je défendais l'existence. Pour autant, il me semblait essentiel de lui raviver l'importance de son rang, et les problèmes que notre proximité susciterait—et dont l'existence se laissait honteusement envahir par mes caprices.
C'est en votre nom que je parle, quant à moi, tout cela m'est bien égal ; vos origines ne sauraient réprimer mes désirs.
Mais qu'attendre d'une princesse dont la notion de traqueur ne rebutait l'audace ?
Qu'attendre, si mes impitoyables penchants ne suffisaient à la rendre lucide ?
Mais inutile d'alourdir votre tâche, car vous avez un trône à reprendre— dont je me charge de supprimer la prétendante.

“FRIVOLITÉ” & Cette fois, ce n'est pas un froncement de sourcils qui accueille les mots du traqueur. Mais bien un sourire, léger et malicieux, qui se pose et habille les lèvres grâciles de la princesse. S'il y avait bien une chose qui la faisait se sentir vivante... C'est qu'on ne la réduise pas à son simple titre, qu'elle pouvait parfois tant détesté. Et, même si elle n'avait en son pouvoir aucun moyen de vérifier de la véracité de ces propos, si doux à ses oreilles... Elle avait la naïve envie de le croire. Après tout, n'avaient ils pas commencé à boire et parler ensemble avant même qu'elle ne laisse échapper la précieuse information venant lui apprendre la couleur du sang qui coulait dans ses veines?

Le contact suivant eut au moins l'audace et l'honneur de surprendre et prendre au dépourvu la blonde. Lui qui était venu s'extirpé de sa caresse... Il venait prendre possession de ses bras pour lui offrir une courte danse, amusante, qu'elle avait su suivre avec adresse (qu'attendre d'autre d'une princesse après tout, chez qui les cours de danse était souvent plus important que ceux de littérature... Enfin, pas pour elle.) jusqu'à ce qu'il vient retourner les choses en sa faveur. Son souffle, l'espace d'un instant, se coupe. Et la voilà à son tour proie, quand il est prédateur. Prise et coincée en douceur entre ce mur, et la présence imposante mais bienveillante du traqueur... Prudence vint lever ses yeux vers les siens, les lèvres entrouvertes, comme figées dans le temps, alors qu'il l'abreuve de ses paroles.
Tu te sens vivante, là, hein Prudence?

« Quels désirs?... »

S'était alors permit de souffler Prudence, tout bas, si bas qu'elle même ne l'avait pas entendu. Malgré tout, un léger frisson la parcourt, comme pour tenter de la réveiller. Lui rappeler quelques choses. Mise en garde. Clignotant doucement dans un coin de sa tête, si pleine. Puis alors, elle secoue cette dernière, comme pour espérer que ce geste ne l'aide à remettre de l'ordre dans ses pensées, éparpillées. Car, l'espace d'un instant, la simple mention d'Antigone, sans même prononcer ce nom maudit, fait rater un battement à son cœur. L'une des seules personnes capable de lui faire bafouer son pacifisme pourtant si solide. Et, lentement, les yeux de la belle, bien plus sombres, moins joueurs, cherchent et rencontrent ceux du traqueur.

« Je n'ai qu'une hâte. C'est de vous voir mener à bien votre tâche, cher ami. Et je n'ai aucun doute sur le fait que vous allez la réussir avec brio. »

Alors, fugaces, ses mains légères et fines viennent glisser sur les bras du brun... Pour finalement alors se poser contre ses épaules... Et le repousser avec une fermeté qu'on ne pourrait parfois pas lui soupçonner. Ainsi, indomptable créature de Malronce, la petite blonde échappe à l'emprise de son prédateur, se glissant dans le dos de ce dernier tout en reculant agilement, laissant le bout de ses talons claquer sur le pavé

« Mais, j'espère que vous êtes bien plus adroit pour capturer des démons.. Que vous ne l'êtes pour capturer une princesse. Car laissez moi vous dire, et j'en suis désolée, mais à cette discipline là... Vous êtes très mauvais. »

Provocation et jeu. Elle est intenable. Jamais docile. La lueur qui brille dans ses yeux remplace alors le voile sombre qui les avaient un instant recouvert. Car c'est ainsi qu'elle marche, Prudence. Elle se nourrit du meilleur, pour oublier le pire.
Elle ne veux pas penser.
Seulement vivre.
Et profiter.

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De prime abord, elle ne m'apparut pas téméraire, et bien au contraire, m'évoquait la fragilité presque poétique d'une fleur ôtée à son terreau. Privée de la cuillère en argent dont les rares vestiges étaient aussi douloureux que sujets à fierté, je m'enquérais des insouciants détails qui creusaient le gouffre d'une personnalité aux inflexions mystérieuses. D'abord prudente, au point d'en rebuter ma présence—dont je convenais qu'elle fut abrupte—elle s'était entichée d'un jeu, silencieusement installé, au point d'en réclamer son dû ; un sourire, quelques vérités susurrées par l'intermédiaire d'affection—la preuve, toute exilée qu'elle était, que sa solitude ne durerait davantage. Mon bon souvenir, épaulé de mes chaleureuses intentions, avait suffi à la ravir—et avec le recul, l'intention m'apparut comme la douloureuse exploitation de sa faiblesse, m'ensevelissant sous la honte. En toute réponse à ma question, elle exprima un mouvement négatif de tête ; et alors que la discussion bifurquait en des terres autrement plus minées, troquant les bonnes grâces de sa joie pour un peu de colère, un imperceptible rictus vint ployer l'ombre de mes fines lèvres.
N'ayez crainte, je n'échouerai pas.
Car peu, en ce royaume, pouvaient se vanter d'égaler ma force—davantage que la surclasser : si je ne m'imaginais détrôner Aiden, dont le seul statut témoignait de l'inflexible talent, Antigone, dont l'on avait chanté tant de louanges guerrières, n'avait représenté le moindre danger. Notre rencontre, toute honteuse qu'elle fut, avec un tant soit peu de recul, ne méritait pas que j'en fasse mention. Plutôt que ma traque, les humeurs sporadiques d'une princesse en détresse accueillaient toute mon intention : ses taquineries, dès lors qu'elle s'éloignait de moi, me semblaient perdre en saveur.
Ne vous ai-je pas retrouvé ?
Bien que pure coïncidence, la remarque laissa le doute planer un instant durant—m'offrant le luxe d'un pas en avant, abolissant la distance qu'elle m'avait si sèchement imposé. Sans contact, cette fois-ci, mon regard, lourd de sens, s'ancra au plus profond du sien ; les frivolités se dissipèrent au profit d'une douce tristesse, et un sourire vint en souligner l'arrivée.
Mais vous n'avez pas tort—d'obsession pour mes chasses, j'en oublie mes manières, comme la vacuité de ce que j'ai à vous offrir. Mes frivolités sont malvenues, et je m'en excuse ; car je ne saurai vous accorder toute l'attention que vous méritez.
Tant la traque accaparait mon esprit jusqu'à n'en plus finir
Tant cette haine, trouvant racine aux heures nocturnes,
Tant cette traque n'en finissait de me détruire.
Mais laissez-moi au moins vous accompagner pour votre trajet, car il m'est difficile de m'en tenir à la maturité dont je loue les bienfaits !

“FRIVOLITÉ” & Un instant. Prudence se demande à quoi peut ressembler cet homme, à l'apparence et aux manières pourtant si légères et douces... Lors de ses chasses. Cachait-il un lourd secret? Une créature pareille ne pouvait pas se transformer en véritable démon, en un claquement de doigts. Était-il doté d'une double facette aux différents si appuyés? Elle a beaucoup de mal à l'imaginer. Et alors, son titre et les rumeurs qui courent sur lui semblent si ridicule lorsqu'elle le voit à ses cotés, et l'écoute l'abreuver de sages et apaisantes paroles. Comme ces mots, simples mais pourtant si bons à entendre. Et, sans même savoir intimement pourquoi. Elle lui fait confiance. Elle sait qu'il ne ment pas. Qu'un jour ou l'autre (bien que le plus tôt sera le mieux), il finira par mettre la main sur celle qui, à tes yeux, méritait une sombre mort.
Plus sombre encore que celle offerte à tes parents, à tes frères.
La monnaie de sa pièce.
Un retour de bâton.

Le revoilà qui s'approche, grand prédateur qu'il était, et que la distance qui tu avais réussis à prendre... Cède sous ses pas. Et pour la simple et bonne raison que, l'espace d'un court instant, vague et suspendu dans le temps, cette réplique avait réussit à la troubler, à nouveau. Visiblement, cette activité était l'une de ses préférées aussi. Après la traque comme numéro un... La perturbation de princesses était en seconde position. Sans l'ombre d'un doute. Mais ces mots font écho en elle. Après tout... N'était-ce pas là le but premier de sa vie? Traquer ses cibles, et les retrouver ? Avait elle subit le même traitement que ses victimes...?
Non.
Impossible.
Finalement, cette idée lui arrache un rictus. Ridicule. Il n'avait pas de temps à perdre. Et puis, sinon, cela l'aurait flattée autant qu'inquiétée. Si elle était aussi facile à retrouver, peut être que la tâche pourrait être aisée aussi pour des gens bien moins bienveillants à son égard. Après tout, au vu de ces mots et du jeu qu'il jouait... Il ne comptait pas l'occire. Ou alors pas tout de suite. Et donc, Prudence comptait bien profiter de chaque instants, comme si ce fut le dernier.
C'était déjà ce qu'elle avait toujours fait.

Une nouvelle fois, fugace, sa voix s'élève. Téméraire, sa main se lève. La pulpe de ses doigts, chauds, à nouveau, trouvent contact sur la joue du traqueur, qu'elle caresse l'espace d'un instant, court et fugace. Et sa voix, emplie de malice, s'échoue à ses oreilles.

« Ne dites pas de sottises. »

Et puis, cette fois, c'est elle qui rompt le contact. Comme pour s'assurer qu'il ne puisse pas le faire à nouveau de lui même, comme pour se donner l'illusion d'avoir ne serait-ce qu'un semblant de décisions sur sa triste vie. Éclat de sourire aux coins des lippes, et lueur de malice au fond des yeux, la voilà qui, d'un pas léger et gracile, se mouve pour se placer aux cotés du brun, drôle de duo qu'ils formaient, aussi charmant qu'improbable. Ce contraste de la teinte de leur cheveux, cette différence de taille amusante, faisant de ce tableau l'illustration d'une incompatibilité parfaite. D'opposés certains.

La belle et la bête.

Simplement alors, et sans lui demander un quelconque accord, elle plonge son bras sur celui du brun, l'incitant à le lui donner, et apposant sur ce dernier une prise à la fois sévère (se voulant surement faussement autoritaire) et délicate : et dans ce nouveau contact imposé, l'homme pourra sentir sans l'ombre d'un doute que, d'un mouvement, même léger... Il tenait entre ses doigts la possibilité de briser cette créature sans même se forcer. Et pourtant. Aveuglement, naïvement, ou les deux, elle ne s'en soucie guère. De ça comme de tout le reste. Et elle vient alors ouvrir la voie d'un pas léger et serein, bras de traqueur dans un bras, et panier d'osier dans l'autre, répondant à sa proposition... Sans même à avoir à ouvrir les lèvres.

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Mes conseils ternies en élucubrations, sous sa seule autorité
Des vérités dispersées devant les convictions qu'elle imposait
J'admire votre personne, vous savez. Abolir votre dynastie était acte de pure folie dont je réalise la gravité. Vous sur le trône, vous seriez l'unique malheureuse de ce royaume.
Une princesse n'est pas à prendre à la légère, si fragile que ses bras paraissent être—et d'imprudence, je semble faire les frais de sa silencieuse obstination. Cette fragilité n'en appelait à l'insouciance, mais à toute l'attention dont je disposais afin de ne pas la briser : ses frêles bras, entortillés avec une autorité enfantine, coupait court à la moindre contestation—son pas menait la marche ; fière et silencieuse, elle semblait presque se pavaner, me forçant à lui concéder ce caprice. S'adonner à de pareilles frivolités aurait été comme une chute abrupte et éphémère, comme le plaisir insouciant d'un vice accordé. La difficulté, au contraire, semblait être d'y résister—tâche à laquelle je m'adonnais laborieusement—évaporant les bribes de ma persévérance déchue. Prudence était de mise avec son homonyme ; faisant fi de la menace de ma seule existence ; et si les démons constituaient le prédateur d'un monde ignorant de ses vices, une telle candeur excellait à me désamorcer.

Avec un regard en biais, je m'assurais du bon confort d'une altesse ainsi carrossée sous ma large ombre, non sans en regretter la contemplation. D'aussi près, j'entendais l'imperceptible souffle de sa consistance, vivifiant, en mon esprit—sobre, pour une fois—le souvenir de sa dithyrambique beauté. S'il n'existait nul dieu, nul être auquel je vouais de culte, calfeutré dans de biens sombres convictions à l'écart du bonheur, je m'en évadais parfois, laissant la triste sonate du monde, immuable vérité, se teinter d'espoir.
Les dames de compagnie sont autrement plus charmantes que je l'aurai espéré—bien que leur insolence mérite d'être prise à parti. Néanmoins, ces écarts ne me dérangent nullement, pas plus que mes crimes dont vous semblez tolérer l'existence, et je vous en suis reconnaissant. Si votre volonté demeure inchangée, alors j'entretiendrai l'espoir de vous retrouver bientôt.
Aujourd'hui, j'ai vu le soleil de près, failli le toucher
Jusqu'à m'en brûler ces ailes d'ombre, componctions atrophiées
L'espoir m'a caressé, vif, insolent, insatiable ;
Jouant de mes doutes, engeances de mon infinie culpabilité.

“FRIVOLITÉ” & C'est ainsi que ce duo s'échappe de leur ruelle, pour retrouver la grande place et les rues plus espacée et fréquentée. Un drôle de duo qui, certes, dénotait, mais dont le peuple et ses petits gens ignoraient les véritables revers. Sous cette capuche longue et ces mèches blondes, une princesse déchue et recherchée, pourtant bien caché. Et sous ce sourire courtois et cette crinière corbeau... L'un des traqueurs les plus redoutés, toutes régions confondues. Et pourtant, en cet instant, ils n'étaient rien de tout cela. Rien de plus que deux grands enfants profitant de la présence de l'autre. Et, alors qu'elle avait réussit a lui faire lui accorder son bras sans qu'il ne trouve moyen de la repousser poliment a nouveau, elle ne s'était malgré tout pas séparé de lui. Prise ferme et délicate sur ce bras qui avait du faire bien des horreurs, Prudence, elle, ne semblait pas s'en offusquer. Reniait elle les gardes qui, parfois, devait avoir recours a la violence pour la protéger, elle et sa famille? Non. Ce serait bien malvenu. Et bien, il en était de même pour lui. Il protégeait ce monde et ses habitants de ces démons sortis des entrailles de la terre. Qui sait ce que pourrait faire ces créatures, si des gens tel que Neriah ne s'occupaient pas de leur cas?

Les mots qui viennent flotter et s'échouer jusqu'à ses oreilles arrachent alors la princesse de son instant de flottement, perdue et submergées par ses pensées. Elle relève le nez, suffisamment pour libérer son regard et pouvoir le poser sur le brun, sans que sa capuche n'entrave cet échange visuel et l'en empêche. S'il peut profiter de la vue de ces grands yeux clairs, il peut aussi constater du sourire, léger et en coin, qui habille les lippes graciles de la petite blonde.

« Nous nous tolérons mutuellement.. Je pense que cela est aussi bénéfique à votre compte .. qu'au mien. Non? »

Un rire, volatile et discret, gloussement amusé de la princesse qui semble à l'aise de savoir son secret entre ses mains. Elle lui faisait confiance. Avait-elle le choix? S'il avait voulu vendre l'information la concernant... Il l'aurait fait il y a bien longtemps, non? Alors oui, ils savaient le principal secret l'un de l'autre... Mais, ils avaient commencé a s'apprécier bien avant qu'il sache qu'elle fut une princesse... Et qu'elle sache qu'il fut un traqueur... Non?

« Est-ce là... Un rencart, sir Lothbrok? »

Nouveau gloussement. Elle prenait toujours un malin plaisir a mettre dans l'embarras les autres. Du moins, ceux qu'elle connaissait et appréciait suffisamment. Le bout de ses longs doigts fins glissent dans sa crinière claire, sous sa capuche, et elle fait mine de réfléchir. Comme si la réponse n'était pas évidente. Avec lui, pas besoin de mensonges ou de faux semblant. Elle se sentait a la fois libre... Respectée... Appréciée. Sans qu'il ne s'encombre de trop de mondanités ou de retenus qui l'ennuyaient toujours tant quand les gens s'adressaient à la "princesse"... Au lieu de s'adresser à "Prudence".

« Je crois que... Nous pourrions peut être nous recroiser... Sous peu. Dans de meilleures... Conditions. Oh bien sûr celà ne serait qu'un pur hasard. Ne croyez pas que je désirerai vous revoir de façon tout a fait désirée. Mais, peut être pourriez vous me donner un jour, une heure, un lieu... Et qui sait... Peut être que par un hasard total... Je me trouverait là bas aussi, le même jour, la même heure, au même endroit. Par un hasard total, évidemment, je vous le rappelle. Encore une fois. Hasard. Total. »

Prudence, Prudence. L'insolence. L'oisiveté. L'innocence. La curiosité.
Peut on vraiment lui résister?

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Poussé par des désirs saccadés, éreinté par une culpabilité qui ne se laissa jamais taire, mon aveu se laissa assaillir de quelques regrets, mais dont je ne fis grand cas : s'il était indiscutablement correct de supputer que ma présence fut nocive pour elle, ce destin me semblait bien abstrait face au plaisir de l'instant. Son contact doucereux, frêle brindille dont la maigre force se voulait entraînante. Son autorité chancelante, princesse forclose d'un trône auquel elle n'aurait jamais droit. Son visage poupin, astres jumelés par leur bleu céruléen, auquel mes prunes érubescentes ne pouvaient se soustraire. La prudence s'oubliait face à leur homographe ; la raison s'atténuait devant la tentation oubliée d'une chair si menue, onctueusement couverte de tant d'expressions. La couronne et les artifices, pour bien des princesses, étouffait l'expressivité—cantonnant ces visages maquillés à la froide condescendance de régentes potentielles. Une beauté mirobolante, inaccessible et déshumanisée. Une vie désormais libérée, ahanant cet amer parfum qui n'avait que trop coûté. Elle souriait, en dépit des ruines de sa propre famille ; elle s'adonnait au plaisir, qu'importe l'impuissance qui la cantonnait au silence. Tolérance invoquée de sa parole, mon silence s'en fit équivoque : n'était-ce pas là le désespoir affectif d'une princesse réduite au néant ?
Une telle compagnie est forcément bénéfique.
Pour une âme que je savais damnée, pour un esprit incapable de candeur, titulaire de tant de crimes qu'elle ne saurait en purger. De ces démons que j'avais fauché, par l'intermédiaire de pouacres méthodes ; de ces humains, tentés par le diable, à qui toute chance de rédemption avait été ôtée. De persuasion que j'estimais juste, poussée par la malsaine apathie de ce pouvoir emprunté : pas un, en y repensant, n'avait caressé l'équilibre d'un choix équitable. Pas un, et leurs voix hurlaient à la justice dont j'avais écrasé les vertus ; et leurs voix m'ôtaient toute quiétude, sous ces immuables tourments, face à un bonheur que je ne saurai mériter.
Que dites-vous, ma tendre ? Ce n'est jamais que le hasard d'une rencontre.
Un sourire entendu, épris d'un mystère commode,
Et c'est une question dont j'ignore l'issue, un engagement que je ne peux forcer. C'est une princesse dont le statut m'élude, une vie à laquelle je ne saurai m’accommoder. Un traqueur, vivant dans l'ombre de cette belle lune ; une âme tourmentée, que la douceur d'une princesse ne saurait apaiser.
Mon bras s'écarte, faisant face à cette royale silhouette,
Son visage m'affriole (me rassure), ravive le désir (besoin) de ce que j'ai oublié (écarté). Prudence, car je ne saurai me montrer raisonnable ; Prudence, car elle saurait me détourner de l'épicentre de ce qui dessine ma fierté.
Prudence papillonnante, humanité retrouvée,
Ah ! Et l'on me disait monstre, lorsque je ne saurai l'oublier.
Dans un mois, la quiétude d'une mission accomplie me poussera à profiter des plaisirs d'un si beau quartier où, vous en conviendrez, je ne saurai passer inaperçu.

“FRIVOLITÉ” & Le voilà qui s'accomode de ce jeu qu'elle a fais sien. Toujours jouer l'innocence, même lorsqu'on est prit la main dans le sac. Même si, l'un comme l'autre, ils connaissaient la vérité derrière ces taquineries et ces faux semblants. Mais, après tout... Ne réside t'elle pas aussi dans ces mots qu'ils s'amusent à s'échanger mutuellement ? Le hasard avait été plus ou moins celui qui les avaient mit sur le même chemin. Eux, que tout semblait séparer, venaient a se connaître, se côtoyer et même s'apprécier. Sans l'ombre d'un doute, le hasard, le destin, ou une autre force mystique qui dépassait l'entendement était responsable de cette rencontre aussi improbable qu'elle était agréable.

Et le voilà qu'il pose plus ou moins une date. Et un lieu. Rien de précis mais... Cela lui ressemblait bien. Après tout, il jouissait d'une vie bien peu commune et surtout peu paisible. Et sans l'ombre d'un doute, il devait être difficile pour lui de donner une date précise sans craindre que quelque chose le retarde ou le retienne. Dans ces alentours, dans un mois. Un mois semblait bien long. Mais, ils ne pourront que profiter du plaisir de se retrouver. Il allait donc falloir qu'elle se débrouille pour sortir tout les jours, quand près d'un mois se sera passé. Elle trouvera un moyen de se débrouiller. Sortir faire des courses pour les Cascabel, aller dessiner, ou prendre Renegade, son étalon, pour prétendre à une balade en forêt.

Un sourire délicat et discret étire les lippes de la blonde, toujours à moitié par sa capuche, et, simplement, la voilà qui opine du chef et fait doucement pianoter le bout de ses longs ongles sur le tissu qui couvre l'avant bras de Neriah qu'elle tient toujours, bornée comme elle est.

« Dans un mois environ... Aux abords de cette même ruelle jusqu'à laquelle vous m'avez suivit. C'est noté. »

Autant tenter de préciser un lieu... Même si, comme il l'avait souligné lui même... Il ne passait pas vraiment inaperçu. Encore moins aux yeux affûtés de Prudence qui le reconnaîtrait alors sans peine.
Même si la balade est agréable, leurs frivolités leur ont fait perdre toute notion d'espace et de temps, comme de bien et de mal. Et, alors qu'elle cherchait en silence quels nouveaux mots elle pourrait prononcer pour l'embarrasser... Ils arrivent, bras dessus bras dessous, à l'orée de la place commerçante. Après un court instant d'hésitation... Prudence libère alors le traqueur de son emprise en relâchant son bras, et s'éloigne de lui de trois petits pas, graciles et chaloupés. Avant de s'engager sur la petite route boueuse qui la mènera vers le château royal, elle se tourne vers le brun... Et glisse ses mains sous sa capuche, qu'elle dégage alors, dévoilant ainsi sa chevelure d'or autant que son identité interdite. Loin des yeux curieux, légèrement isolée, Prudence qui n'a de cette vertue que le nom comme le prouve ce geste osé, veux se dévoiler à lui... Pour le saluer et le remercier comme il se le devait. Elle attrape le tissu de sa robe qu'elle soulève alors légèrement et effectue une élégante révérence qui n'est destiné qu'à lui, et à lui seul.

« Merci, sir Lothbrok, de m'avoir accordé un peu de votre temps que je sais si précieux et bien rempli. Je vous en suis redevable autant que j'en suis désolée. Vous avez mieux à faire qu'échanger des banalités et raccompagner... Une simple et ennuyeuse dame de compagnie. »

Alors qu'elle se relève, un nouveau sourire, fin et malicieux trôner sur cette jolie bouche qu'est sienne. Elle laisse le bout de ses doigts retourner attraper sa capuche... Sans pour autant la remettre. Pas encore. Pas tout de suite.

« Nous nous reverrons bientôt alors, si le hasard l'accepte... Mon cher ami. »

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