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La mosaïque du Pendu [Nord d'Aubépine] [Libre]
Eulalie Noirvitrail

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Défaut fatal : L'obstination

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Eulalie Noirvitrail

de Malronce
de Malronce
Sujet: La mosaïque du Pendu [Nord d'Aubépine] [Libre]   Mar 10 Nov - 1:19



La mosaïque du Pendu [Nord d'Aubépine] [Libre] Chapel12



C’était un temple.

Du moins, ça l’était … autrefois.

C’était un temple, sur les rives de l’Azuré.

Du moins, quand l’Azuré passait encore à ses pieds … il y a longtemps.

C’était un temple, sur les rives de l’Azuré, au vitrail scintillant.

Du moins, c’était avant que les hommes ne l’abandonnent et se s’installent plus au sud.

C’était un temple, donc … ou plutôt ce qu’il en restait, sa carcasse déchiquetée s’illuminant sous les rayons du soleil couchant. Un temple de pierre aux reflets dorés, modeste mais fier, aux colonnes élancées, aux chapiteaux décorés. Une architecture simple et savante, comme seuls les maîtres sculpteurs savaient en bâtir. Un temple rutilant, brillant de milles feux, sans qu’aucune dorure ni parure ne viennent à l’alourdir. Un édifice comme seuls les êtres humains savaient en bâtir.

Mais comme toutes créatures mortelles, les humains oubliaient. La mémoire était quelque chose de fragile. La mémoire était quelque chose de fugace, aussi éphémère que le souffle de la vie qui animait le cœur des hommes. Ce temple, autrefois vibrant de vie, lieu de dévotion et d’élévation des âmes humaines, lieu de louanges et de liesse, était désormais muet. Le silence l’enveloppait, piégeant son squelette décharné, mais toujours présent, dans une gangue muette, un épais manteau de solitude, au milieu d’une nature sèche, mais foisonnante.

Il était des miracles que seule la foi pouvait bâtir. Mais les miracles s’entretenaient et la foi des hommes n’était pas un palais de marbre, mais plutôt une maison de paille posée sur des sables mouvants. Sans personne pour entretenir la flamme de la dévotion, les temples ne cristallisaient plus les espoirs des hommes. Sans personne pour se souvenir, l’oubli et son doux silence recouvraient peu à peu les territoires délaissés par les sociétés humaines.

Du temple en lui-même, il ne restait que peu de chose. Ici, un mur extérieur, à moitié effondré et recouvert d’arbustes secs, témoignant de la démarcation autrefois claire entre le profane et le sacré, entre un ici et un ailleurs, entre un dedans et un dehors … Là, quelques colonnes fanées, aux chapiteaux affaissées, qui ployaient sous les affres du temps, comme des vieillardes se recroquevillant sous le poids des fagots de bois. Et de ce côté, un promontoire circulaire, tout de pierre, recouvert en son pourtour de mousses et de lichens vivaces. Un portail de pierre ici, une arche là, quelques autels dévorés par la verdure, … et le silence, que même les grillons ne venaient troubler.

Perdu au milieu d’un territoire où les hommes ne se rendaient plus, ce temple sec et décati était tout ce qu’il restait d’un lieu de culte du Douzième Arcane. Le nom du lieu avait été oublié, tout comme son emplacement. De toute façon, plus personne ne venait sur ces terres arides, mis à part quelques chasseurs de gibiers. Et les rares qui se risquaient à arpenter la lande préféraient reste proches du fleuve, plus proche de la civilisation.

Un endroit idéal pour se suspendre …

Le temple était finalement à l’image de son Arcane et de sa dualité. A la fois obstiné, ne voulant disparaître totalement, et pourtant, lâchant peu à peu prise sur l’existence. L’édifice était suspendu, tel le pendu avec sa corde, dans un entre-deux où tout restait possible. La présence famélique du temple, dévoré par l’oubli, restait quand même … une présence ! Ténue, mais visible. Diaphane, mais tangible. Un subtil équilibre entre l’évocation et la disparition. La présence d’une absence.

Au centre de ce qui était autrefois le cœur de ce lieu de culte se trouvait l’emplacement d’un autel, sous la forme d’une cuvette ovale et profonde d’un bon mètre. Ce devait être autrefois une sorte de bassin. Mais ce n’était pas l’absence d’eau qu’il fallait relever, mais la présence d’une mosaïque de la surface de la cuvette. Incomplète, cette mosaïque avait été sévèrement dégradée au fil du temps. Les petits éléments de céramiques s’étaient effrités, ou avaient été brisés par des chutes de pierre. Les années n’avaient pas été tendres avec cette petite merveille … En elle-même, elle n’avait rien d’extraordinaire. C’était une mosaïque, rien de plus. Une mosaïque frappée des symboles du Pendu, comme il en existait des dizaines d’autres dans Valdore. Mais il y avait plus que ça …

Il y avait cette lumière. Cette manière dont le soleil couchant frappait avec délicatesse les tessons et les tommettes et faisait luire de milles feux cette tapisserie de céramique dévorée par le temps. Il y avait, dans cette articulation subtile entre les rayons du soleil et la céramique au sol, une beauté qui devait beaucoup à cet instant suspendu entre disparition et existence dans lequel était piégé le temple tout entier. Était-ce cette beauté qu’entrevoyait le Pendu, au crépuscule de son existence, alors que la corde se tendait une dernière fois ? Un dernier chatoiement, un rai de lumière, un dernier soubresaut puis … l’oubli ?

Assise sur une des marches du temple, je contemplais avec admiration ce spectacle qui ne se dévoilait que deux fois par jour. L’incertitude du soir, l’espoir du matin. Cela faisait des mois que je venais ici, poussée par la curiosité et surtout, par l’étrange impression que c’était dans cet instant fugace, cette incertitude, que se cachait la sagesse du Pendu. Faisant tourner quelques morceaux de céramique entre mes mains, j’attendais mon heure pour parachever mon travail. J’avais entrepris une tâche de longue haleine dans le but de saisir la sapience cachée du Pendu : reconstituer la mosaïque. D’aucuns auraient pu croire qu’il ne s’agissait là que d’une lubie, mais il y avait un caractère plus profond à cet acte : une forme de respect, d’humilité envers l’inconnu et la création d’un lien, ténu mais tangible, entre les bâtisseurs de cette chapelle et moi-même.

J’attendais mon tour. La nuit était le seul moment où l’on pouvait véritablement travailler. La nuit tombée, je reprendrai mon ouvrage et allumerai les braseros. Les étés malronçois n’étaient pas tendres. Vivre la nuit était comme une seconde nature pour les Malronçois par périodes de grandes chaleurs. Quand vous vivez au milieu de terres sèches, savoir se protéger du soleil était indispensable si vous vouliez survivre.

La mosaïque cessa progressivement de répondre aux caresses du soleil. L’éclat mystérieux de la lumière sur la céramique finit par se retirer, laissant place à la fraicheur de l’obscurité et au doux scintillement des étoiles. J’allumais les braseros, faisant s’éveiller le feu magique qui parcourait mon corps par quelques pas maîtrisés. Seul le crépitement des braises répondit au silence de la nuit.

Vêtue d’une simple robe blanche et de sandales en cuir, je saisis mon attirail de céramiste et m’approchait de mon ouvrage, avec déférence et respect.

Que cette mosaïque puisse éblouir à nouveau son Arcane !  


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