« Cette voix ... »  Roulant des yeux, la jeune femme pu entendre, comme tous les habitants de BlancheFeuille sans aucun doute la voix stridente de son cadet. Timothée Adonis Volturne. Seul mâle de la fratrie, et le plus démonstratif de ses deux sœurs. Là ou elles étaient plus ou moins réservées, et assez introvertie, il était le parfait opposé. Un chien enragé lâché dans l’arène. Scylla savait, elle connaissait évidemment la raison de cette rage qui s’approchait furieusement et inévitablement de son bureau : d’elle. Cette dernière profita des dernières minutes, voir secondes de répit pour ranger les derniers documents de son bureau à une place plus sécurisée, de fermer les fenêtres avant que la tornade Volturne ne passe la porte.

« Tu es comme toujours, beaucoup trop bruyant. N’ayant aucun problème d’audition, je pense qu’il serait préférable pour toi de baisser de quelques octaves, s’il te plaît. » Le visage froid, elle lui montra un fauteuil sur lequel il pouvait s’asseoir pour discuter entre personnes tout  à fait saine d’esprit et adulte, avant tout. « Exotique. Je dois dire que je suis plutôt du même avis. » Haussant les épaules, elle prit place sur le plus grand des fauteuils de la pièce, croisant les jambes avant de dévisager Timothée. Silencieuse.

Roulant des yeux, elle reprit. « Mais je t’en prie, petit frère, je suis toute ouïe. Qu’as-tu à dire sur cette possible relation ? Des objections ? Des conseils peut-être ? Je suis curieuse ! » Elle savait. Mais lui prouvait qu’il avait raison sur toute la ligne, lui montrer sa peur, son questionnement permanent n’était en aucun cas une option valable. « Mais dépêche toi, je n’ai pas toute la journée. Timy. » Il me déteste déjà. Comme tous le monde. L’acceptation sera peut-être facile comme ça, n’est-ce pas? 

Il n’y avait pas d’amour pour Lazare. Ni un début, pas une once de sentiment naissant pour cet homme qui avant même que le mariage soit prononcé lui procure un sentiment d’insécurité malsain. Et pourtant, dans ce long cheminement qu’elle complote en silence depuis des années, contre l’Ordre des Mages, il lui semble être le pion parfait pour parvenir à ses fins. Des années de graffitis, de calculs erronés pour la plupart, de soirées à pleurer la tête enfouis dans un oreiller qui en a peut-être trop vu. Elle ne peut plus rester spectatrice de leurs ascensions, et de leur déchéance sans rien faire, en silence. « Certaines erreurs ont le bénéfice de faire avancer les choses. »  Peut-être pas. Du moins possiblement pas comme elle l’aurait imaginé.

Scylla savait qu’elle devrait souffrir pour arriver à ses fins. Sourire, mais pas trop. Jouer l’enfant naïve et parfois stupide pour qu’on ne soupçonne pas de cette Volturne une rébellion dès plus fourbe. Et pourtant, sous ses airs de saint ni-touche, Scylla alimente la braise d’un brasier inarrêtable. Car Scylla le veut carnassier, avare de pouvoir et de sang. Car il est certain qu’il en coulera beaucoup, peut-être même le siens s’il peut élever les siens. Son travail est là : souffrir pour le bien des autres. Se sacrifier pour le salut des siens, de sa famille. De Lakhesis et de Timothée. Car seuls eux lui importe, le reste, sa propre vie, tout n’est que futilité.

« Non Timothée, je veux l’entendre de ta bouche. Vas y, parle. Je suis certaine que comme toutes les autres personnes de ce domaine tu as beaucoup à dire à ta grande-sœur. Profite pendant que je suis encore ici. »  Encore moi. Encore en vie. Scylla sait tout, elle est curieuse et les murs ont des oreilles. Ses oiseaux sont à l’affût de tout et rien à la fois. D’informations de la plus haute importance, à qui a mangé le dernier gâteau de la cuisinière cette nuit à quatre heure. Elle n’aura pas la même influence dans l’enceinte des murs du domaine des Priest, alors elle en-magazine un maximum d’information, autant que son cerveau le lui permet.

Posant sa tête dans la paume de sa main, elle observe son magnifique petit frère bouillonné de l’intérieur. Etait-il énervé de la voir s’en aller ? De se marier avec Lazare ? De ne pas l’avoir consulté avant de prendre cette décision ? Regrettera t-il la présence de son aînée ? Est-ce de l’ordre du sentimental, ou du politique ? Haussant un sourcil, la jeune femme soupira lorsqu’il évoqua l’amour. Des sentiments. Secouant négativement la tête, Scylla roula des yeux.

Tu ne pourrais comprendre Timothée. Avec ton regard d’enfant a qui tout sourit, a qui tout a été offert. Ne vois-tu pas que j’agis pour vous ? Pour le salut des Volturne ? Pour notre maison à nous ? Ils nous ont salis, traîne dans la boue comme si leur Ordre de malheur pouvait être supérieur à notre nom ? Alors je prend les devants, Timothée. Je me jette dans l’arène la tête la première quitte à la perdre. Il sera mon pion, celui qui portera sur ses épaules la chute de L’Ordre, et pendant qu’il en subira pleinement les conséquences, nous pourrons jouir à nouveau de la place qui nous est dû depuis la nuit des temps. Celle au dessus de GrandVent, et qui sait alors, peut-être d’avantage. « Si cela peut te rassurer, il n’est pas question d’un mariage basé sur des sentiments. Pas amoureux, en tout cas. »  

L’heure n’était plus aux rires forcés, ni même aux sourires. Le visage toujours fermé, elle ne cessa de fixer son cadet, à la recherche de cette étincelle. L’éveil de cette haine viscérale, si douloureuse et pourtant si nécessaire. Pour eux, mais surtout pour Scylla, pour qu’elle puisse continuer son projet sans avoir peur d’emmener avec elle quiconque dans la direction des enfers. « Une Volturne réfléchis toujours à deux fois avant de prendre une décision. Croire que je fais ça sans avoir réfléchis à toutes les possibilités me blesse énormément. Vous me pensez donc aussi stupide ? Moi qui suis du même sang que vous ? » Se tenant d’avantage droite face à Timothée, elle se redressa tout de même légèrement, en s’avançant vers lui. Bien sûr qu’elle était en colère. Pour ce manque de confiance – qu’elle comprenait évidemment, là n’était pas la question – mais le seul fait de songer à un manque de réflexion de sa part était comme un pieu enfoncé en plein cœur.

« Si quelqu’un doit tomber, ça ne sera pas toi Timothée, ni même Lakhesis. Surtout pas vous. » Mais moi, si. Si la jeune femme devait sombrer il est évident qu’elle emporterait avec elle Lazare dans une chute longue et douloureuse. La route jusqu’au enfer serait bien pire que tout ce qu’il a déjà pu faire endurer. « Je n’aime que vous, Timothée.  L’amour n’a que peu de place dans ce monde, et encore plus à cet instant. » Le regard froid et brûlant à la fois elle soupira longuement. Elle se damnerait pour eux, pour leur assurer un avenir plus radieux que le siens. Une couronne sur le haut de leur crâne. Scylla serait fière – bien qu’elle le soit déjà -.

La spirale infernale du déclin ? Les pertes potentielles ? C’en était trop. Se levant brusquement de son fauteuil, elle fit valser autour d’elle quelques coussins aux broderies dorées. « Le déclin est présent depuis déjà trop longtemps Sire Volturne ! Ne vois-tu pas autour de toi ? Autour de nous ? La Sphère et cet Ordre maudit gangrène les esprits trop peu réfléchis des citoyens. Nous ne somme plus rien, pour personne. L’usurpateur qui siège sur NOTRE trône doit tomber, et ces chiens de compagnies avec. Peut importe le prix Timothée. Ils tomberont, un à un. » Le temps commençait à manquer, et Scylla détestait par dessus tout devoir attendre. Jeune fille gâtée aime les choses qui arrivent rapidement, à bon port.

« Il n’y aura aucune marche arrière. Ils ont choisis la chute, et je promet qu’elle sera aussi douloureuse que l’affront qu’ils nous ont causé. Je n’épargnerai personne Timothée. Toi et Lakhesis n’aurait plus de soucis à vous faire pour l’avenir. Retenez simplement que tout ça, c’est uniquement pour vous. » Son combat était égoïste. La jeune femme susceptible et trop émotive avait pris ce combat bien trop à cœur pour laisser quiconque l’en détournait.  

C’en était trop. Ses paroles, ce regard presque aussi haineux que le siens. Cette facheuse manie de lui faire croire qu’elle compte, pour mieux pour l’enfoncer par la suite. Quel beau jeu Timothée, on aurait cru à l’instant voir Lakhesis. Soupirant longuement elle n’apprécia que trop peu qu’il hurle son prénom comme si elle n’était qu’une enfant qu’il aurait eu besoin de réveiller. Prenant le vase disposait sur la table basse les séparant, elle le jeta violemment en sa direction, ce dernier frôlant le visage de son jeune frère avant de se briser en mille morceau contre le mur derrière lui. « TIMOTHÉE ! » Je sais tout ça, apprends moi ce que je ne sais pas, s’il te plaît. Montre moi, joue le rôle de grande-sœur. Se tenant les tempes elle reprit doucement sa respiration pour poursuivre dans de meilleurs conditions. « Égoïste ? MOI ?! » Peut-être oui, et alors ? N’est-ce qu’à cet instant que vous daigniez me montrer de l’attention ? Une once de ressentie qui ne serais pas du dégoût ? N’est-ce que quand la mort s’approche en m’enveloppant de son drapé funeste, que j’existe à vos yeux? « Tu crois que je ne les entends pas ? Tous ces murmures qui nous assassinent ? Ce venin qui se déverse à la Sphère, dans tous GrandVent pour se joindre aux contrées voisines ? Il suffit Timothée. »

Secouant la tête, elle se posa finalement un instant sur son fauteuil, la porte de son bureau s’ouvrit et l’on pu apercevoir deux dames de compagnies, alerter par les hurlements incessants des cadets Volturne, et par le fracas causé il a quelques minutes par la porcelaine en morceau. Un sourire sur les lèvres, accompagné d’un doux geste de la main elle reprit un court instant. « Pas d’inquiétude, vous pouvez disposer. » Avant même qu’elles ne puissent ouvrir la bouche, elles avaient acquiesçaient d’un hochement de tête avant de refermer la porte derrière elle.

Aussitôt son sourire disparu pour se tourner vers Timothée. « Le temps presse avant que ces ignares ne croient qu’ils peuvent définitivement siéger sur nos trônes. Je sens l’odeur pestilentielles de leurs chaires prendre place dans les rideaux, le parquet, l’ambiance elle-même sens la pourriture. Je ne peux plus, j’ai déjà trop donné. » Il était vrai. Donner à ceux qui sans aucune vergogne ont plantés leurs crocs acérés sur les Volturne. Éloignant toute aide extérieure d’eux.

« Ils chuteront. Plus tôt que vous ne pensez, il n’est pas question d’égoïsme, et il simplement temps d’enlever les mauvaises herbes avant qu’elles ne commencent à germer des boutons purulents sur nos terres. » Parce qu’ils ont souillés notre nom, marcher dessus sans aucune dignité. Nous qui avions tant donné pour eux, pour le peuple, pour le savoir. Est-ce donc cela le remerciement pour des années de bons et loyaux services ? Nous traîner dans la boue, et donner aux passants de quoi nous flageller ? J’en doute fort mon frère. Observant la blondeur de son cadet, Scylla redressa son menton, tenant ainsi fièrement sa tête droite. « Il est probable … que dis-je, c’est une certitude, que je sois un pion dans tout ce manège qui s’organise peu à peu. Ne doute pas de moi Timothée, même les pions les moins téméraires réussissent toujours à sortir – presque – indemne d’un combat pourtant perdu d’avance. » Elle essayait tant bien que mal de se persuader d’un tel destin, imaginant ainsi un échappatoire ou à travers les ronces et les épines se trouve l’Eden.