Les yeux encore humide, la jeune femme se leva, à peine réveiller, se relevant doucement sur le dessus de son lit, gardant sa couverture au plus proche d’elle. Ce cauchemar qui revenait souvent, en boucle, sans jamais changer. Les mêmes paroles, les mêmes pleurs, la même solitude qui la poursuit. Scylla se hissa non sans difficulté en dehors de ses draps pour venir tirer les longs rideaux de devant les fenêtres de sa chambre. Frapper par un rayon de soleil elle grimaça un instant avant que retrouver la vue, et de profiter d’un jardin entretenue, sous un soleil étincelant. Ouvrant les fenêtres pour prendre une bouchée d’air frais, elle soupira longuement avant d’inspirer calmement.

Contente, elle venait de ce rappeler de son rendez-vous de cette après-midi. En effet la jeune femme avait réussie à placer une légère entretenue avec son aînée. Discuter de tout et de rien, de ses recherches pour la Sphère – et ses imbéciles –, leurs histoires respectives d’amour ou d’horreur, mais surtout parler de la famille. Il était primordial pour Scylla de venger son nom, redonner à ce dernier la grandeur d’antan, et de faire payer ceux à l’origine de l’affront subit.

Même si Lakhesis semblait plus patiente, voir même calme vie à vis de ce qu’ils avaient subis, Scylla quant à elle l’était beaucoup moins. Sa susceptibilité et son manque cruel de patience faisait d’elle une jeune femme qui, quoiqu’il lui en coûte, ferait payer à l’Ordre pour leur méfait et leur manque cruel d’ouverture d’esprit.

S’habillant correctement, et parfaitement apprêtée pour la visite de Lakhesis, Scylla se rendit dans le jardin pour profiter du temps et du chant glorieux des oiseaux et autres animaux de la foret. Un carnet sur ses genoux, elle griffonna quelques inepties sans importance sur ce dernier avant de le refermer lorsqu’elle cru reconnaître la silhouette de sa sœur dans son champ de vision. Un sourire léger sur son visage, comme émerveillé par celle qu’elle admire en secret. « Votre présence est toujours un privilège, Lakhesis. »

Pauvre petite fille. Scylla qui ne voulait qu'être aimée, choyée et estimée, la voilà à sourire à ce mur qu'elle a tant voulu franchir depuis toutes ses années. S'en rapprocher, l'escalader et le dominer. Pouvoir se tenir fièrement à ses côtés, sourire pour de vrai, ne pas faire semblant d'être heureuse alors qu'elle lui cisaille le cœur à chaque phrase, à chaque regard. Scylla n'est pas bête, elle ne l'a jamais été et a appris en silence toutes ses années, à décrypter son regard, ses manies, le rond de sa voix. Cette voix qui change lorsqu'elle est gênée. Pourquoi se forcer à la tutoyer quand cela lui provoque de l'urticaire ? Scylla esquissa un sourire alors qu’intérieurement elle avait versé une larme. «  Ne vous inquiétez pas ma sœur, me tutoyer n'est pas nécessaire. » Surtout si cela vous rend mal à l'aise.

Peut être qu'elle n'aurait pas du le notifier, mais cela lui paraissait plus logique, plus agréable pour Lakhesis en soit. Vingt quatre ans à se vouvoyer, elle ne lui en avait jamais voulu, et encore moins maintenant. «  Vous devez être occupée j'en suis consciente, là encore ne vous inquiétez pas. Je suis ravie et heureuse que vous ayez trouvé le temps de me rejoindre. » Un sourire encore, pendant qu'elle pose ce carnet à quelques centimètres d'elle sur l'herbe sèche. Ses yeux ne quitte pas sa sœur, elle profite de l'instant, de ses iris brûlante. Instinctivement Scylla servit d'elle même le the à son aînée, porta sa tasse et sa coupelle juste devant elle, rapprochant les pâtisseries près d'elle. 

Scylla ne pu se retenir de souffler légèrement du nez. Bien qu'elle soit habituée depuis toutes ces années à ce ton autoritaire de naissance, il était toujours désagréable à ses oreilles. Elle s'estimait heureuse et reconnaissante envers Lakhesis d'être ici, nul besoin de lui en vouloir pour un ordre qui n'en est pas réellement un, n'est-ce pas ? 

« Le temps nous est compté vous avez raison.»  Elle voulait simplement profiter de Lakhesis, de sa présence bien qu'elle puisse être froide et presque violente envers Scylla. Pauvre petite fille. « Je voulais m'entretenir avec vous au sujet de Sire Priest. Mais vous vouliez parler d'un sujet plus important n'est-ce pas ? Je peux attendre, je vous écoute.» 

Comme toujours. Le second plan, la seconde place, le second choix. La place maudite de la famille, celle de Scylla. Celle d'un vilain petit canard. 

La jeune enfant qui avait essayé en vain d’attirer l’attention de sa sœur, de la gentillesse de cette dernière, de l’amour fraternel, n’avait jamais réussie en une vingtaine d’année. Et voilà que soudain, elle daigne la tutoyer comme si pour elle tout cela semblait naturelle, comme si depuis la naissance de Scylla elle lui avait montrer son amour, son bonheur que d’être grande sœur. Rien. Non. Un frisson parcouru le corps entier de la jeune Volturne avant de lui décrocher un rictus dès plus amer. « Alors permet moi de te tutoyer à mon tour. »  Ses iris océan dévisagèrent sa robe avant de se plonger dans les rubis habillant son visage d’opaline. « Après tout, c’est toi qui décide, Lakhesis. »  Buvant une gorgée de son thé, elle reposa sa tasse sur la coupole en porcelaine sur l’herbe, et écouta attentivement ce qu’avait à lui dire son aînée.

Scylla pris son petit carnet et en profita pour écrire l’absence, une fois de plus, de la représentante de la famille. « En effet, le devoir familial, tout ce qui s’en suis, je comprend. »  Ce n’est pas comme si Scylla avait l’habitude d’arpenter les couloirs du domaine de la Blanchefeuille seule. De regarder la pluie qui frappe les carreaux seule. De se balader d’un air fatigué dans ses immenses jardins, seule. Elle s’y était presque faite, à cette solitude pesante, à cette absence répétitive, ce manque d’attention mais surtout de présence. La jeune femme n’y faisait quasiment plus cas, sauf ses nuits d’horreurs où ses pleurs ont parfois, souvent, fait s’inquiéter ses servantes.

« Je suis curieuse, en effet. Quoi de mieux pour apprendre à connaître quelqu’un, que de le rencontrer, n’est-ce pas ? »  La réalité était presque celle-ci, avec une once de jalousie. Elle voulait créer de l’inquiétude sans doute, un sentiment inconnue pour Lakhesis sûrement. Allait-elle s’inquiéter pour sa jeune sœur ? Lui donner des conseils, des interdictions ? Allait-elle refuser l’accès au domaine à Lazare ? « Nous avons discuter de biens des choses, certaines intéressantes et d’autres beaucoup moins. »  Haussant les épaules, elle leva les yeux vers le ciel pour observer un regroupement d’oiseaux les survoler.

Scylla soupira un instant. Elle n’allait pas pleurer devant Lakhesis, bien qu’elle soit à deux doigts de céder. Devait-elle lui dire que ce rendez-vous n’avait été que flirt ? Que sous entendus plus fort les uns que les autres ? Qu’elle avait ressentie dans ce regard non pas de l’envie, mais une once de peur ? Qu’elle ne c’était pas sentie en sécurité, seule avec lui ? Qu’il avait entendu parler de sa croupe dans une auberge répugnante ? « En réalité Lakhesis. »  Elle avait baissé son regard vers le siens, le visage froid, presque triste. Presque. « J’avais l’impression qu’il te cherchait. » 

J’avais l’impression de n’être que le second choix. Comme toujours ce second rôle qui me colle à la peau. De ne jamais être assez bien pour qu’on se tourne vers moi en premier. Mon nom viens toujours après le tient. La petite sœur toujours moins bien que son aînée. Tu me prives même ce ça, Lakhesis. De choisir, involontairement tu as ouvert la porte de mon destin au plus assassin des Priest.

Scylla fit rapidement comme elle, en saisissant une pâtisserie et en la mangeant rapidement. Tapotant ses mains rapidement au dessus de l’herbe pour enlever les résidus de sucre de sur ses doigts. « Nous sommes donc d’accord sur ce sujet : il mérite qu’on s’attarde sur sa personne, ou du moins ce qu’il a à raconter. » Un léger rictus se dessina sur ses lèvres lorsqu’elle repensa à ce barde, compteur d’histoire.  Cependant elle perdit rapidement son sourire lorsqu’elle entendit sa sœur prendre la parole. « Je n’ai jamais insinué qu’il se soit passé quelque chose entre vous. »  Plongeant son regard dans celui de sa sœur, elle rétorqua un peu sèchement. « Tu m’as mal comprise, Lakhesis. J’ai tout simplement insinué un peu maladroitement que tu étais son premier choix. »  Son visage c’était refermé, en même temps que ce carnet qu’elle tenait sur ses genoux. Blessée. Sous-estimée comme à son habitude. Ce n’était qu’une autre croix à rajouter à celles de ses vingt-quatre dernières années.

« Je prend note de ton peu d’intérêt pour Sire Priest. »  Peu d’intérêt pour la personne qui, d’ici peu sans aucun doute, fera partit du cercle familial. Elle ne le ferait pas par plaisir, et encore moins par amour. Scylla voyait plus cela comme un acte d’amour familial, un geste pour redorer l’image salit des siens. Là ou elle avait l’impression que Lakhesis prenait un peu trop son temps sur le sujet, bien qu’elle ait entendu parler d’une personne haut gradée à Malronce, elle ne savait pas vraiment où ses histoires de mariage c’était arrêté pour son aînée. « Je ne pourrais parler de sentiment, et encore moins d’amour. »  Secouant sa tête tout en reprenant une gorgée de ce thé, devenue presque froid avec le temps.

Il serait le salut de sa famille, et elle lui permettrait de ne pas être oublié. Permettrait à son nom de rester gravé dans le marbre coûteux des Volturne et de ce bas monde. Il gagnerait bien plus à ce marier avec Scylla, qu’inversement. Cependant, bien des femmes de son âge sont désormais marié et devenue femme de maison pour le bien commun, et surtout celui de leur nom. De leur maison. Scylla voyait en cette union une possibilité de faire passer sa famille en premier plan, de montrer aux autres ce dont elle est capable pour eux, pour sa famille, pour tout ce qu’elle a. Peut-être pouvoir avoir une once de remerciement, ou ne serait-ce qu’un haussement de tête pour lui dire qu’elle a bien fait. Qu’ils prennent en compte son sacrifice : qu’elle le prenne en compte, elle.

« Je dirais simplement qu’il a des choses à m’apprendre sur la vie, et qui sait, peut-être sur moi-même également. »  Jusqu’où serait-elle prête à aller pour eux ? Que serait-elle prête à endurer pour le bien des Volturne ? Depuis leur petit rendez-vous il est vrai que la jeune femme enchaînait les cauchemars, les questionnements tardifs rendant ses nuits plus difficile qu’à l’accoutumer.  Scylla joua timidement avec ses doigts, comme à son habitude, essayant de ne pas penser au pire. « Nous pourrions lier nos familles. C’est de ça dont il est venu me parler, si c’est de cela que tu veux que je te parle. » 

Tu sais Lakhesis, j’ai peur. Ses mains froides sur les miennes, ce regard vide, et cette voix ensorcelante ne me rassure pas. Et pourtant, je suis obligée, n’est-ce pas ? Tu ne veux pas t’opposer à ce que je fasse quelque chose de bien pour nous, pour toi ? Non, grande-sœur?

C’était une triste réalité auquel Scylla avait eu le temps de s’y faire. Le second choix. La personne vers qui on se retourne car il n’y a pas d’autre solution. Celle qui n’est pas de qualité suffisante pour qu’on s’y attarde au premier regard. Est-ce peut-être à cause de sa couleur de cheveux ? Un blond peu étincelant ? Ou ses yeux couleur océan qui ne ressemblent en rien aux yeux couleur feu de son aînée ? Scylla a pu profiter de l’amour de ses parents – qui en soit n’a pas été si démonstratif que ça –, de moment privilégiés avec ses géniteurs, et pourtant elle a pour on ne sait quelles raisons toujours ressentie un certain malaise. Une certaine gêne peut-être, un certain retrait des autres envers elle, comme si elle n’était pas assez importante – pas autant que Lakhesis – pour qu’on lui accorde de l’importance.

Tu as sûrement plus important à faire, que de t’occuper des histoires amoureuses – ou non – de ta petite sœur, Lakhesis... « Ne tant fait pas pour moi Lakhesis, bien que je puisse paraître jeune et irréfléchie, je mesure le poids de chacun de mes actes. Toujours. »  Scylla esquissa un léger sourire – en ce qui te concerne en tout cas –. Il fallait toujours qu’on ramène la plupart des sujets de discussion à son rang, à son nom et à elle. Si elle n’avait pas le droit de bénéficier d’un mariage de sentiment, alors Scylla elle y aurait le droit. Pour quelles raisons ? Pourquoi ne devrait-elle pas suivre les pas de sa sœur sans broncher ? Pourquoi pourrait-elle avoir un passe-droit, là où Lakhesis non ? Fronçant légèrement les sourcils elle serra discrètement le tissus de sa robe sous ses ongles, légèrement irritée.

« Un mariage n’empêche en rien les déplacements, les voyages, et les remises en question. Au contraire, je suis certaine que cela pourrait-être un magnifique tremplin. »  Peut-être pas aussi magnifique dans les livres ou ses rêves, mais c’était une réelle aubaine pour elle. Soupirant longuement, elle repris. « Je ne saurais t’expliquer pourquoi je n’arrête pas de penser à Lazare. Il m’intrigue et c’est pour cela que j’ai envie d’en apprendre plus à son sujet, que ce soit en face à face, ou via de petits oiseaux. »  Elle allait foncièrement le revoir, une, deux peut-être plus de fois qu’elle ne l’aurait imaginé. Parce qu’il avait su, par son sourire carnassier et ce timbre de voix ensorceleur ravivé en elle une étincelle. La jeune femme qui semblait s’ennuyer dans son château, entouré de livres et de tasses de thé se voyait enfin intéressée par quelqu’un. Elle ne pouvait pas laisser cette chance lui filer entre les mains, que Lakhesis soit d’accord ou non, elle continuerait son chemin dans la direction de Lazare.

Si sa grande sœur pensait connaître tout de Scylla, elle se trompait, et ses années d’absences on indéniablement poussée la jeune femme à copier ses traits. Le visage fermé, elle plongea son regard dans celui de sa sœur. Ce même visage qu’elle avait il y a encore quelques instants, impassible.

Scylla acquiesça à la suite de Lakhesis, reprenant rapidement derrière elle. « Je suis du même avis Lakhesis. Je ne le connais pas assez pour émettre un jugement sur lui. Parler mariage avec quelqu’un que l’on ne connais guerre … n’est-ce pas là quelque chose de commun pour les gens de notre rang ? » Plissant les yeux, cela lui paraissait relativement normal. Ils ne leur étaient jamais demandé leur avis, car seuls les intérêts familiaux importait. Et c’est pour cela que depuis toute jeune Scylla c’était faite à l’idée d’oublier un mariage amoureux, un mariage de sentiment haut en couleur. Évidemment, que la personne soit un minimum appréciable, de bonne compagnie et agréable à regarder était un plus qu’elle apprécierait. Mais il n’était pas question d’être difficile malheureusement.

La jeune femme n’avait jamais aimé. Elle n’avait jamais éprouvé de sentiment amoureux pour qui que ce soit. Relativement mise à l’écart des autres – pour encore faire comme Lakhesis – Scylla n’avait pas eu la chance de côtoyer des personnes de son âge et de développer des sentiments. Bien qu’elle ait comprit le principe en lisant diverses livre à ce sujet, ce dernier semblait encore flou pour Scylla. « Je compte le revoir dans quelques jours oui, ou peut-être simplement converser à l’aide de lettre, je ne sais pas encore. » Haussant les épaules, elle savait pertinemment qu’elle était la réponse qu’elle lui avait donnait. Ce pigeon avait possiblement signé le pire à venir, sans qu’elle n’en soit au courant. « Mais, je pense sincèrement que l’union de nos familles respectives peut être une réelle aide pour la suite à venir. »

Son regard avait pourtant cesser de croiser celui de Lakhesis. Par peur d’un refus, d’un sermon qui lui dirait de se retirer de cet accord. Par peur de lui faire honte principalement, qu’elle ne la juge pas apte à passer ce cap là ou elle, n’était pas encore mariée. « Je voulais t’en parler, avoir ton avis sur le sujet. Car je compte accepter la demande de Sire Priest. Pour le bien de notre famille. Et parce que je pense que c’est une personne suffisamment intéressante et … ayant d’autres qualité, j’en suis sûre. » Du moins, je l’espère.

Elle c’était probablement jetée dans la gueule du loup, et avait par la même occasion donner à Lazare le battons elle même pour qu’il l’a batte. Pourtant, Scylla semblait ravie d’avoir fait pour une fois un choix seule. De n’avoir consulter personne, de s’être débrouillée comme Lakhesis l’aurait probablement – pas – fait. Pauvre fille.  

Cette voie ? Bien sûr qu’elle le voulait. Cette même voie de la rédemption pour sa fratrie. La rédemption aux yeux du monde entier, rire fièrement à tout ceux qui ont bafoué leurs noms, ont tournés leurs talons sans dire un mot, acquiesçant simplement comme des bons chiens devant L’Ordre. Si souffrir était une nécessité, alors elle saurait prendre sur elle. « Je pense sincèrement que ça peut être une solution… Je l’espère. » Le mot était faible en réalité, ce n’était plus de l’espoir qu’il lui fallait. Mais un réel geste divin.

A quoi bon demander son avis ? « Et bien je voulais t’en parler, tout de même... » Le simple fait de changer de ton lui avait fait un énorme pincement au cœur. Il n’y avait plus devant elle cette sœur qui se voulait aimante, curieuse comme elle aurait aimé qu’elle continue à être. Attentive à ses désirs, ses questionnements, ses états d’âmes, ses amours. Mais il n’en était plus cas. Loin de tout cet amour, Lakhesis était devenue étrangement froide, ou du moins était redevenue comme elle avait toujours été avec elle : distante, froide, à la limite du désagréable.

« Il n’a jamais été question d’amener qui-que ce soit  d’étranger à la famille lors de nos réunions. Tu devrais le savoir Lakhesis, je n’accepterai jamais que quelqu’un qui n’est pas de notre sang y siège. Jamais. » C’était une règle d’or qu’il était impensable pour elle. Lazare serait peut-être son mari, mais son implication au sein des Volturne n’aurait aucune importance, aucun poids. Jamais. Elle en ferait la promesse, et Lakhesis elle-même y veillerait de très près. Timothée lui-même n’oserait pas laisser quelque chose de cet ampleur arriver, lui vivant.

Elle était énervée. Froide. De nouveau distante, et le coeur de Scylla bien trop réceptif à ce genre de comportement se mis à se serrer de plus en plus fort. Silencieusement, elle pleurait. Sans dire un seul mot, sans ne laisser paraître quoique ce soit, elle pouvait devenir de la déception. Peut-être même du dégoût de Lakhesis envers elle. Son pire cauchemar. Pourquoi accepter un tel mariage, si cela implique autant de froideur au sein de son propre foyer, n’est-ce pas ? Ils ne comprennent pas. Tous. Ce sacrifice qu’elle fait à cet instant, ces poids qu’elle lient elle-même à ses propres pieds. Ce poignard qu’elle lui offre pour qu’il l’a blesse volontairement. Pour qu’elle change. Pour que le destin change. Que les pions reprennent leurs places un à un.

La dernière phrase de Lakhesis ne sonnait ni comme vraie, ni comme un conseil. Elle ne sonnait pas du tout. Si ce n’est fausse à ses oreilles. Scylla n’eut pas la force de continuer à parler, trop occupée à serrer doucement le tissus de sa robe en baissant les yeux, honteuse face à son aînée. Scylla observa le tissus de la robe de Lakhesis se lever, et disparaître petit à petit sous ses yeux toujours baissés. Hors de question de lever les yeux, croiser son regard, et se mettre à pleurer devant-elle. Surtout pas. Saisissant une pâtisserie, la jeune femme essaya d’entrouvrir ses lèvres pour l’y glisser la sucrerie, mêlant celle-ci à ses larmes salées. Silencieuse.