la vie étudiante ne lui manquait absolument pas.
s'il avait toujours fait preuve de ponctualité et de zèle dans ses études, l'aspect social ne lui était jamais venu bien facilement et à ce jour, ce n'est toujours pas le cas.
mais s'il y avait bien quelqu'un qui y avait évolué comme un poisson dans l'eau, c'était bien le jeune homme au bout du couloir de pierre, semblant bien occupé.
le spectacle serait adorable, s'il n'avait pas déjà eu le malheur de le voir se répéter avec une demoiselle différente à chacune de ses itérations.
pendant trois longues années.

le soupir qui lui échappe, lui, est bien rapidement devenu une seconde nature.
et visiblement, aujourd'hui, celui-ci n'est plus accueilli avec la même indifférence, vu la voix autoritaire qui rompt soudainement l'ambiance précédemment légère qui enveloppait les lieux.

— roman.
son ton se calque sur celui que son cadet avait employé, alors qu'il s'arrête à leur hauteur, sourcil arqué.
s'il ne l'avouerait pas à voix haute, rhysand est curieux, de ce changement d'attitude et cette curiosité est bien vite comblée. il accuse ses mots avec la même indifférence qu'on lui connaît, son expression inchangée alors qu'il observe terminer sa tirade, semblant bien satisfait de lui.
d'ordinaire, il n'en aurait cure, de ces remarques — après tout, il se pose lui-même ces questions plus souvent qu'autrement, depuis sa nomination.
mais le soucis, avec roman, c'est qu'en trois ans, il a réussi à fissurer, à user son masque d'impassibilité et sa patience pourtant bien grande.

— si tu interprètes mon mépris pour de la jalousie, ton égo est plus grand que tout ce dont je pouvais imaginer. bien entendu, ce n'est pas un compliment, mais si cela t'aide à mieux dormir, tu peux le prendre comme tel.
c'est un sourire sans joie qui fend son visage en deux.

— oh, je ne le prends pas personnel, loin de là. comment le pourrais-je, venant de quelqu'un possédant une si piètre maîtrise de son élément pour qu'un petit excès de colère suffise à lui faire perdre ses moyens?
c'est bas, il en a parfaitement conscience et se sentirait probablement coupable plus tard d'avoir usé de la blessure de son collègue dans un argument puéril, mais à l'heure actuelle, c'est lancé de façon bien guillerette.

s'il n'était qu'un mage ne méritant pas son titre, pourquoi devrait-il prétendre être autre chose ?
pourquoi devrait-il lui offrir quelconque respect, si lui-même ne lui en témoigne aucun ?
il se fiche éperdument du piédestal sur lequel on l'a positionné et des obligations qui vont avec, il n'est qu'un homme refusant de courber l'échine pour la énième fois.
s'il avait enduré les perfidies des uns et des autres sans piper mot, roman avait finalement eu raison de ses réserves.

— dis-moi roman, quelles leçons en as-tu tiré ?
le sarcasme qui lace sa voix est palpable.
pour lui, le blond est toujours le même ; arrogant et insupportable.
oh, il reconnaît le potentiel de ses capacités — comprends même les raisons de jeremiah d'en faire son disciple et n'oserait jamais remettre ouvertement en question les décisions de celui-ci, mais un mage aussi volatile est une menace pour tous.
et le passé l'avait déjà prouvé.

vous êtes seul.
son visage se crispe, rictus figé sur ses lèvres.
il l'a toujours été, le serait toujours, rhysand est habitué aux doutes qu'il scelle obstinément dans un recoin de son esprit, mais de les entendre, surtout de lui, l'insupporte.
c'est un regard glacial qu'il adresse au plus jeune, lorsqu'il s'avance d'un pas vif en sa direction, ne s'arrêtant que lorsqu'un mouvement attire son attention, fait dévier son irritation rien qu'un instant pour qu'elle s'oriente vers la jeune fille encore présente. oh.
il l'avait complètement oubliée — au vu de son air apeuré, elle n'avait qu'une envie, et c'était de filer.
rhysand se redresse, serrant et desserrant les mains pour atténuer la tension qui l'habite.

— je crois qu'il serait plus judicieux pour vous de partir, n'est-ce pas ?
son ton reste égal, maîtrisé, l'agitation qui vibre sous sa peau momentanément chassée.