c'est à Belorge que ses pas la mènent aujourd'hui – plus précisement Souffleroc, dont la beauté ne cesse de l'éblouir ; se changer les idées, après avoir vu son ex-mari
souffler ailleurs qu'à Grandvent on ne perd pas la verdure toutefois lorsqu'elle finit par s'aventurer jusqu'aux jardins –
une brise pour moult parfums
et l'inspiration qui revient
quelques notes sur le bout des lèvres
car Sixtine ne sait pas vivre silencieusement et c'est en chantonnant qu'elle arpente les allées.

jusqu'à tomber nez-à-nez avec la distraction parfaite, un blond, une silhouette, au loin, joliment taillé et semblant assez seul pour être embêté – ni une ni deux, Sixtine avance et se plante face à lui ;
le souffle court
lorsque ses prunelles vertes croisent le céruléen des siennes –
la panique parle alors pour elle, décontenancée, Sixtine est physiquement charmée.


deux secondes atrocement longues où le visage de l'inconnu se peint de perplexité – ça y est, c'est raté – avant le rire cristallin et Sixtine se permet de sourire enfin.
— Hélas, je doute de la rentabilité de faire tout le trajet jusqu'à Ambrive pour une simple nuit avec toi.
quoique si on lui demandait, c'est volontiers qu'elle accepterait – esthète un jour, esthète toujours
— J'avoue ne pas avoir réfléchi jusque-là, je suis juste naturellement attirée par les belles choses et tu étais là, alors... Me voici. Tu attendais quelqu'un, peut-être ?

des bels hommes, Sixtine en a croisé – un palmarès fier qui ne cesse de s'allonger mais
le rire de celui-ci a des échos qui lui plaisent particulièrement et ses prunelles océans – elle y chavire volontiers, entièrement.
— Vous êtes tout pardonné, j'ai tendance à surprendre les gens.
en bon comme en mauvais.
trop assurée alors qu'en réalité elle se retrouve un peu décontenancée – habituée à mettre mal à l'aise ou au moins brusquer, lui semble bien trop confortable sur ce terrain et c'est tout pour l'attirer –
à voir jusqu'où ce bel homme est prêt à aller ;

jusqu'au
sourire qui se meurt et Sixtine le voit – à chanter bien souvent le bonheur, c'est facile de voir quand il part et le remplace des nuages noirs – au fond des prunelles océan
se voile et :
— En voilà une mine, on dirait vous avez commis un crime ♪
intonations légères pour un visage sombre, elle observe ses traits sans pouvoir s'en approcher, maudite soit sa petite taille ;

mine renfrognée c'est les plis qui se creusent entre les deux sourcils sur le visage de Sixtine ; le ton utilisé par le blond des plus désagréables et discordant à ses oreilles – presque envie de faire demi-tour sans plus en demander
mais

la curiosité l'emporte – ou est-ce la fierté, légèrement froissée d'ainsi passer de présence agréable à une peste méprisable aux yeux de l'arrogant – elle pose les mains sur ses hanches, contrariée.
— Vous ne pensez pas que vous avez passé l'âge de soudainement bouder sans explication pour la personne avec qui vous conversez ?
bascule au vouvoiement sans le réaliser,
car il semblait de bonne humeur il y a quelques secondes encore, et l'humeur qui descende de s'assombrir, elle n'a aucune raison de la subir –
si ce n'est l'envie de passer du temps avec cet être, tout aussi désagréable qu'il est.
— Ah non, je vous vois venir, vous avez quoi contre les bardes au juste ?
un traumatisme passé, elle l'espère, plutôt que de simples préjugés.

— Des m- mais !
elle le fixe, la surprise au fond des pupilles et l’envie forte de rétorquer –
sauf que beaucoup brode effectivement la vérité pour mieux charmer, et que l’histoire n’a de vrai que les versions qu’on leur a conté ; comment, alors, peut-elle réfuter qu’il se trompe à son sujet

avec de la mauvaise foi, voilà comment, pour parer à la sienne – au diable la maturité pourvu qu’elle lui rabatte le caquet.
— Et quel métier faites-vous pour vous permettre de cracher ainsi sur ceux des « roturiers », petit prince ?
sobriquet débordant légèrement de frustration – lui la tête haute et elle le cou tordu pour pouvoir l’observer – cette situation est d’autant plus ennuyeuse qu’elle avait bien commencé.
— Ce n’est pas avec des compliments que vous allez rattraper ça, tout aussi beau que vous êtes !
doigt sur son torse pour marquer l’agacement – une sale manie de la barde, envahir l'espace sans consentement ;

elle le voit baisser la tête et c’est une maigre victoire emportée, panique – légèrement – lorsqu’il saisit sa main comme si de rien
trop
trop habituée à être celle qui prend les initiatives il faut une seconde à Sixtine pour s’armer d’un sourire et prétendre que ce simple geste n’attise pas son désir –
— Oh.
s’apprête à le tutoyer de nouveau lorsqu’elle entend le titre auquel il prétend et – c’est –
l’esprit de compétition qui se réveille ; une addition à sa liste prestigieuse de conquête. A son tour, elle serre légèrement les doigts du joli blond, joue du pouce contre sa paume – évaluant la distance qui sépare ses lèvres de ses joues et, l’estimant trop grande, elle se contente de déposer un baiser sur le dos de sa main.
— Je vous pardonne, à deux conditions. De un, connaître votre prénom, de deux, que vous m’offriez un verre.
elle sourit, toute fière, avant d’écarquiller les yeux –
— Oh quoique, vous avez le droit de boire ?
ne connaît des mages qu’un seul nom et ayant bu avec lui du thé pour seule boisson, c’est avec sincérité qu’elle pose la question. région de mystère, la chance sourit aujourd’hui à Sixtine d’avoir devant elle un mage visiblement tiraillé entre sa piété et sa personnalité.

Sixtine fronce les sourcils car le blond ne semble pas décidé à lui donner son prénom – et quelle tristesse ce serait, de ne savoir qui scander si ce soir il accepte de partager ses draps ; devoir l'appeler « petit prince » est drôle sur le papier, tue-l'amour dans l'intimité.
— Confessez donc, vous avez un problème avec les bardes ? L'un d'entre nous vous a-t-il brisé le coeur, dérobé tous vos biens, entourloupé d'une quelconque manière ? C'est terrible, de ne pas aimer la chanson !
sans se vexer car elle voit dans ses yeux un début d'éclairci – espérant avoir choisi les bons mots pour ne pas le froisser à nouveau, quoiqu'eut été le précédent déclencheur de sa soudaine morosité ;
avançant à tâtons sur ce qu'il accepte de lui céder dans cet échange, la curiosité est attisée
et promet de s'embraser ;
— Bien que l'idée de ne jamais connaitre votre prénom et garder de cette rencontre un souvenir romantique, nimbé de mystères, m'enchante –
elle s'arrête, nette, perdue un instant dans la réflexion.
— Ah mais si en fait, ça m'enchante, je pourrais en faire une chanson. Mais ça vous déplairait, non ?
((pas que tu demandes réellement sa permission
incertaine que vos routes se recroiseront))

elle reprend le pas lorsqu'elle capte son regard et trottine jusqu'à son niveau – ravi d'entendre à nouveau le rire sincère, Sixtine revêtit elle un sourire.
— C'est terrible de croire que je dégrade forcément jusqu'à preuve du contraire !
c'est pourtant la vérité – bien plus amusée à l'idée de piquer l'ego que de louer les qualités, elle a cette tendance insupportable à tester les limites de chacun en commençant par des chansons
qui visent l'intégrité
— Néanmoins je vous l'accorde. Il y aurait sûrement eu deux ou trois lignes sur votre suffisance.
Sixtine reste à une distance pudique – chose étonnante, lorsqu'on la connait – et semble concentrée sur suivre le rythme de ses enjambées ;
— Moi, briser des coeurs ? Jamais !
((le mariage ne compte pas
car elle y laissé son propre coeur pour palier à la douleur))
— Alors que vous, ça se voit, vous les faites tous tomber ! Qui sait, peut-être est-ce moi qui vais repartir le coeur brisé ?

— Non, sérieusement, où avez-vous appris des phrases pareilles ? Le dernier mage que j'ai côtoyé n'avait pas la moitié de votre éloquence.
pour une phrase qu'il a prononcé avec légèreté, elle frappe trop lourdement Sixtine – le coeur
le coeur est resté à Grandvent, Zéphyr plus précisément, et c'est pour tenter de le récupérer qu'elle flirte de tous les côtés ; n'a pas envie d'y penser, pas maintenant alors que la culpabilité menace de l'étouffer.
— Cet endroit est parfait !
elle s'y engouffre sans plus de cérémonies et salue de la main le tavernier qu'elle reconnait, commande sans hésiter deux chopes de bière avant de se tourner vers le blond dont elle n'a toujours pas le nom.
— A la vôtre, bel inconnu, en espérant que le palais de môsieur ne soit pas trop délicat pour une boisson de roturier.
sourire taquin, qu'il sache qu'avec elle, tout est toujours pardonné.

le rire crystallin qui raisonne dans la taverne, Sixtine sincère – sincèrement amusée – prend à son tour la chope et la descend en quelques rapides gorgées.
— Je crois bien, quelle descente ! J'ose espérer que vous savez tenir l'alcool, au moins, je vous porterais volontiers mais...
elle se désigne de haut en bas, trop petite pour supporter le poids de son camarade ;
— Et il serait dommage que vous finissiez la soirée endormi.
plus qu'un sous-entendu c'est crue que Sixtine exprime – encore – son intérêt pour lui, les yeux émeraudes qui détaillent sans retenue ;
elle saisit la deuxième chope lorsqu'elle arrive et le bras du blond également, les guidant vers une table dans le fond.
— D'ailleurs vous n'avez jamais demandé mon prénom. Est-ce donc que vous n'avez pas l'intention de me revoir ?
se penche pour murmurer à l'oreille et se recule ensuite poser son coude sur la table et son menton dans la main, Sixtine est enchantée
d'être ici.

peut-être
peut-être ne reviendra-t-elle jamais ici, spécialiste des soirs sans lendemain, Sixtine vit comme si elle allait mourir demain ;
— Alors faisons cela ♪
murmure un « oups » lorsqu'elle réalise avoir chanté les dernières syllabes et s'assure que le blond ne lui en tiendra pas rigueur, pianote ensuite de sa main libre sur la surface du bois lisse ;
— Pour voyager. Ca aurait pu être n'importe quoi, vraiment, seulement j'aime les gens.
elle prend une longue seconde pour le regarder en souriant – essayant de mettre un prénom sur les prunelles océans, un nom bien pédant tel que Jean-Charles par exemple.
— J'aurais pu être danseuse, comme ma mère, mais un métier qui consiste à écouter les autres parler, pour en faire des chansons ? J'assouvis ma curiosité, et je me fais plaisir, c'est la vie parfaite.
((écouter les histoires des autres
pour oublier la sienne))
se permet une gorgée;
— Et vous, pourquoi vivre en tant que mage ? Vous n'aviez pas d'autres rêves avant l'éveil ?

elle en perd presque le sourire lorsqu'il confie avoir perdu une personne précieuse – Sixtine n'a perdu que ses grand-parents mais c'était déjà suffisant pour la laisser abattue quelques temps
laisse parler ses habitudes lorsqu'elle glisse une main timide vers lui dans une tentative de réconforter  ;
— Pourquoi croire que ma joie cache forcément quelque chose ?
c'est
pourtant vrai
il est plus facile de s'oublier derrière les grands gestes et rires, Sixtine préfère badiner et vivre dans les excès ;
s'arme d'un sourire, parce qu'elle ne sait plus faire les choses sérieusement – elle aurait préféré une ou deux choppes de plus avant d'en arriver à l'honnêteté, mais en écho à celle du blond, elle s'exprime :
— Un divorce ? Deux. Des presque divorces. Je plaide coupable, je suis une presque une femme mariée. Voilà mon grand secret, rien de bien tragique.
demie-vérité – ce qu'elle veut cacher, c'est cette sensation de vide qui ne part pas et que tous les voyages du monde ne savent combler.

— Aucun risque.
et le voir détourner le regard est toute la confiance dont Sixtine avait besoin pour venir glisser ses doigts dans les siens, taquine – mais surtout tourmentée, d'avoir parlé de Digory, elle imagine son expression si il les voyait – s'il la voyait en train, encore, de flirter avec le premier arrivé ;
— Quel charmeur. Vous faites bien toutefois, car il est plutôt du genre musclé. Et grand. Bien que vous n'ayez pas à rougir, hein !
ne préfère pas y penser lorsqu'elle lâche la main de l'inconnu pour s'enquiller une nouvelle chope, Sixtine est confiante dans sa descente malgré les joues qui commencent à rosir – doit boire plus vite pour oublier avoir abordé ce sujet, plus vite pour que seul du blond elle soit enivrée ;
— Et vous alors, personne à qui je vais devoir rendre des comptes plus tard ?

— Ouh.
loin de se moquer malgré le ton désinvolte, Sixtine pose son menton sur ses deux mains dorénavant, observant sous chaque couture Roman.
— Est-ce une menace ?
ne s'inquiète pas, car le coeur appartient déjà à un amour désespéré, qu'est-ce qu'un deuxième, un troisième, qu'est-ce qu'un amour d'un soir pourvu qu'elle oublie celui à qui elle a promis une éternité – la boisson qui fait son effet et elle souffle un rire, légèrement éméchée ;
— J'ai tendance à disparaître aussi, il faut croire que j'étais destinée à vous rencontrer.
l'éloquence noyée par la bière, sans trop savoir ce qu'elle cherche à transmettre si ce n'est que contrairement à Roman, ce n'est pas elle qui fait les frais des absents mais elle qui fait payer la fidélité – la récompense par des absences répétées et la sale manie de fuir à la moindre contrariété.
— Si cela peut vous rassurer, je demande rarement plus qu'un soir. J'aime la sensation des choses achevées.
car dans sa vie, actuellement,
rien ne l'est.