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Ma main au creux de la tienne — Opalexei;
Opaline

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Opaline

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Sujet: Ma main au creux de la tienne — Opalexei;   Dim 23 Aoû - 16:08

Ma main au creux de la tienne

Marcher. Marcher encore. Marcher, alors que ses pieds semblent être en train de brûler. Comme si ses jambes allaient flamber, d’une minute à l’autre. Ne plus pouvoir la porter.
La lâcher, au milieu de nulle part.
Au milieu du plus sombre des cauchemars.

Mais non, encore, toujours, il faut marcher. Une idée ancrée au fond de son esprit. Impossible à déloger, impossible à atténuer. Elle est là, entêtante, comme un mal de crâne dont on ne se défait pas.

Ses pas ne la mènent nulle part. C’est le même chemin, toujours le même, comme s’il n’y avait aucune issue. Comme si rien, jamais, ne pouvait lui donner l’espoir de s’en sortir. Faudra-t-il vivre d’autres jours, avec cette douleur interminable ? Ce marteau, là, au-dessus de sa tête, qui cogne et rebondit ?

Ses entrailles lui font mal. Chaque fois que la crise est plus forte, elle a l’impression que son corps va se disloquer. Il ne restera plus rien d’elle, rien de plus que quelques morceaux, laissés là, au milieu du néant.
Au fond, ce serait plus simple que de continuer à vivre. Ce serait une délivrance. Elle n’aurait plus besoin de tourner en rond. Plus besoin de se battre.

Son cœur étouffe, disparaît dans un murmure. Une prière lancée à elle-même, dans l’espoir douloureux que tout s’arrête. Que les battements cessent. L’espoir d’être enfin libérée.

Mais ça n’arrive jamais.
Alors que la douleur s’intensifie, qu’elle ne peut plus avancer, qu’elle est là, au sol, recroquevillée entre ses peurs et ses songes chaotiques, Erin attend qu’une main sombre vienne la chercher. La main qui la mènera dans un autre Enfer, un Enfer où elle ne sentira plus rien. Mais un Enfer sans rien, c’est tellement mieux qu’un Enfer comme celui-ci. Un Enfer vide : plus aucune pensée, plus aucune émotion, plus aucune douleur, plus aucune peur. Plus rien.
Un vide qu’on attend, qu’on désire. Qu’on essaye d’atteindre, incessamment, en essayant de s’extirper de cette lumière. Une lumière tamisée, pourtant aveuglante, aux reflets jaunâtres. Une lumière qu’on ne veut plus voir. Qui mime un Soleil qui n’existe plus. Qui mime une réalité qu’elle a l’impression de connaître, mais qui ne lui revient jamais.
Une réalité qui ne filtre plus à travers sa mémoire.

Opaline se relève. Dans son cœur subsiste la force de sa curiosité. L’envie de comprendre. Comment a-t-elle atterri ici ? Qu’est-ce qu’il y avait, avant ? Est-ce qu’il y avait seulement un avant ? Une existence heureuse, qui précède la souffrance infinie qui la tourmente ?

Est-ce qu’il y a eu le bonheur avant la peine ?

Elle déglutit. Il faut marcher. Encore.
Alors elle pose un pied devant l’autre, réitère les mêmes mouvements, sans trop savoir où elle va. S’il y a un endroit où aller. Mais il ne faut plus faiblir. Il ne faut plus abandonner. Un jour, peut-être, une lumière blanche, claire, opalescente, viendra la cueillir dans son Enfer.

Un avant-goût du Paradis.

Opaline ferme les yeux, cligne les paupières. Il y a un mouvement, non-loin. Un mouvement presque tangible. Le son allié à une distorsion de son monde. Une sorte de creux, apparu de nulle part.
Et d’un coup, alors qu’elle s’en pensait incapable, la créature se met à courir à toute allure, à en perdre haleine. Les battements de son cœur reprennent à toute allure, lui redonnant le goût de vivre. Pour la première fois depuis si longtemps, Opaline est là. Réelle, vivante. Elle veut se battre.

Alors elle court, elle court encore jusqu’à atteindre la faille. Jusqu’à s’y engouffrer.

Les rayons du Soleil la cueillent, lui brouillent la vue. Où est-elle ?
Le monde s’illumine, perd ses reflets jaunes et gris. Le monde est beau. Elle ne le voit pas encore très bien, mais elle le sent. Ici, c’est différent.

Une voix filtre, à travers ses pensées. Une voix inconnue. Lointaine.

« Erin ? Erin, c’est bien toi ? »

Qui est Erin ? Pourquoi ce nom résonne dans sa tête sans faire sens ?

Opaline bat des cils, accommode ses yeux à la luminosité. Dans le brouillard apparaît une silhouette. Crinière blanche, yeux indigo. Une bonne vingtaine de centimètres de plus, à vue de nez. Le phénix l’observe un instant, jusqu’à comprendre que c’est à elle, que l’homme s’adresse. C’est à elle qu’il parle. Alors, elle est Erin ? Non, impossible. Elle ne connaît pas ce nom. Ce n’est pas le sien.

« Opaline. »

Sa main se pose sur sa propre poitrine. Le mot sort de sa bouche, comme s’il était le seul qu’elle était en mesure de prononcer. Elle observe son interlocuteur. Il a l’air perplexe. A-t-il vu un fantôme ?
La verte avance lentement, jusqu’à arriver à sa hauteur. Instinctivement, sa main se lève pour se poser sur son épaule. Le contact est chaud, perturbant. Il fait disparaître toutes les autres sensations connues jusqu’ici. Balaye d’un revers de main l’Enfer qu’elle a traversé. Un sourire illumine son visage.

« Je suis vivante. »

Elle le dit sans le dire, sans s’en rendre compte. Un murmure tombé du bout des lèvres, alors qu’elle réalise ce qui se passe. Son Enfer vient de prendre fin, grâce à cette faille, grâce à … Lui ?
Opaline laisse sa main retomber le long de sa hanche, pose un regard interrogateur sur le beau jeune homme.

« Qui est Erin ? »

***


« Je dois vraiment aller en ville ? »

Une plainte. Une voix masquée par des doutes, qui s’élève à peine dans la pièce pour y briser le silence. Elle ne veut pas sortir, Opaline. Elle ne veut pas croiser tous ces visages. Tous ces gens qui pourraient se rendre compte de son identité. Réaliser qu’elle n’est pas réellement morte. Comment leur expliquer ?

« Et si … »

Opaline se recroqueville sur son siège, ramène les jambes contre sa poitrine, pose la tête sur ses genoux. La phrase ne veut pas sortir. Elle ne peut pas se permettre de la dire, à moins d’accepter que tout ça soit sa nouvelle réalité. Une fille amnésique, qui a tout oublié de sa présumée première vie. Qui est revenue d’entre les morts, un beau jour, comme ça. Comme un miracle. Mais le commun des mortels n’aime pas les miracles, parce qu’il ne les comprend pas. Il ne les explique pas.

« Et si on me reconnaît, Alexei ? »

La démone se serre davantage, comme pour se créer un cocon protecteur. Mais elle ne se sent pas mieux, dans cette position. Il y a ces doutes qui menacent de la submerger. Opaline veut voir le monde, elle veut découvrir les mystères de Valdore. Les apprivoiser, les comprendre. Néanmoins, comment peut-on connaître l’autre si on est incapable d’expliquer sa propre essence ?

« Qu’est-ce que je dis aux autres, s’ils me voient ? »

Un soupir. Une longue hésitation, un battement de cœur qui se perd, disparaît dans le néant. Les rebonds dans sa tête, l’impression d’avoir ce marteau qui revient. Ces petits coups, un peu partout. Pris seuls, ils ne font pas mal. Ils sont là, ils résonnent, mais ils ne causent pas plus de dégâts. Pris tous ensemble, ils lui donnent envie de s’arracher la tête, pour que tout s’arrête.

« Comment expliquer à mes autres proches que je ne suis pas morte ? »

Ses prunelles ambrées viennent se perdre dans les yeux d’Alexei. Elle y cherche le réconfort. Il est son point d’ancrage, la seule personne à qui elle peut parler. Il est son binôme, condamné à l’avoir dans ses pattes parce qu’elle est sortie de nulle part. Pauvre de lui, tout de même. Une vie bien ficelée, avec des responsabilités, des relations, des objectifs … Et une démone, qui déboule, comme ça, un beau jour. Une démone qui revient hanter sa vie parce qu’il n’a pas eu de chance.

Opaline lui sourit, d’un de ses sourires mélancoliques. Elle se mord doucement la lèvre inférieure.

« Je suis désolée. »

Désolée de vivre. Désolée de vouloir exister.
Désolée de vouloir comprendre. Désolée de ne pas avoir disparu pour de bon.
Désolée, Alexei. Désolée de t’imposer ce fardeau dont tu n’as pas besoin.


Sa main quitte son cocon, perce la bulle de réconfort qui ne la réconforte pas. Quitte cette position de défense pour se poser sur celle d’Alexei. La chaleur de sa peau lui envoie une décharge. Et le monde lui semble tout de suite moins fade. Moins pesant.

« Je suis. Vraiment désolée. »

Elle détourne le regard. Elle aimerait lui dire que tout ira bien, que ce n’est pas si difficile, finalement. Qu’elle va s’en sortir.
Mais il y a les doutes au-dessus de sa tête. Les peurs qui la submergent.
L’envie de tout savoir, mise face au besoin de disparaître. Le paradoxe de sa nouvelle existence, qu’elle ne parvient pas à résoudre seule. Parce qu’elle n’a pas les réponses à ses questions, ni les pistes qui pourraient l’y mener.
Parce que, seule face à sa condition, Opaline est impuissante.
Mais avec sa main au creux de la sienne, elle a l’impression que même le Gouffre ne pourrait plus la tuer.


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Invité

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Sujet: Re: Ma main au creux de la tienne — Opalexei;   Lun 24 Aoû - 18:26

Les paysages devenaient de plus en plus reconnaissables, et chaque pas en était un peu plus pénible. Pas vraiment à cause des épais nuages gris qui dissimulaient les rayons du soleil, obstruant le ciel de leur massive et inhabituelle présence, mais plutôt à cause de ce que cet environnement signifiait pour lui. Alexei avait déjà emprunté ce long sentier sinueux entre les montagnes, et jamais plus il ne l’avait foulé depuis ce jour. Plus il progressait sur sa route, plus il était gagné d’une envie de faire demi-tour. Mais à chaque moment de faiblesse, il se rappelait à quel point sa tâche était importante : il devait protéger le peuple d’Ambrive.

Il n’avait pourtant ni prêté serment devant l’Ordre, ni devant le Diplomate. Cet engagement était d’un ordre purement personnel. Il n’était pas devenu Mage pour s’amuser avec des forces qui dépassent le commun des mortels, mais pour oeuvrer pour le bien commun. Et le phénomène qu’on lui avait rapporté n’apporterait rien de bon à ceux qui s’en approcheraient d’un peu trop près. L’obscurité des confins du monde n’était pas du genre clément, et Alexei l’avait appris à ses dépens.

Le rideau noir qui s’imposait au-dessus des hommes se faisait de plus en plus obscur, comme si Valdore cherchait à avertir les plus téméraires d’un danger imminent. Et des téméraires, le Mage-prêtre ne s’attendait pas à en croiser aussi loin de Tombe-à-pic.

« Que faites-vous ici ? demanda-t-il avec un sérieux inhabituel.

Alexei ne prenait cet air grave que dans des situations qu’il jugeait extrêmes. Juste devant lui, alors que la brume embrassait au loin les contours du Phare, une mère marchait innocemment en tenant son enfant par la main. Si l'adulte le toisait du regard avec insolence, la petite l’observait avec de grands yeux ronds et innocents.

- Cette zone n’est pas sécurisée. En tant que mage-prêtre de Trois-Rivières, je me dois de m’assurer que personne ne s’approche d’ici jusqu’à ce que ce soit le cas.
- Oh ça va, n’montez pas sur vos grands ch’vaux, sorcier du réservoir. répliqua-t-elle sèchement. Sa moue désabusée traduisait tout le mépris qu’elle avait pour lui. Allez viens Amy, on rentre. On peut même pas s’prom’ner tranquille sans s’faire rentrer d’dans par des citadins, ici… »

Alexei n’en revenait toujours pas qu’on puisse tant manquer de respect à un Mage. Mais vu ce qu’il avait fait subir aux siens jusqu’à ce qu’il prête serment, il ne pouvait pas vraiment en vouloir à son peuple. Et pour l’heure, il avait d’autres chats à fouetter que de se soucier de sa cote de popularité. Il avait même du pain sur la planche.

En marchant quelques minutes de plus, il atteignit ce pour quoi il avait fait tout ce chemin : une sorte de fosse mesurant au moins cinquante mètres de diamètre et dans laquelle tout n’était qu’obscurité. Une sorte de trou noir qui ne reflèterait que les plus sombres nuages, à moins que ce ne soit l’inverse en réalité. C’était la première fois qu’il était confronté de lui-même à ce qu’on appelait communément une faille. Ce genre d’incident était si rare que personne ne lui avait appris les gestes à adopter, à Sombrelune. Il était plus probable que personne ne les connaisse vraiment.

« Je n’ai qu’une certitude… La lumière chasse l’obscurité.

Oubliant presque les souvenirs qui tourmentaient son esprit, Alexei était quelque peu enthousiaste à l’idée d’expérimenter une méthode pour refermer cette faille. Il s’imaginait déjà en faire un rapport à l’Ordre et à contacter la Sphère si elle s’avérait efficace. Il tira son bâton encore accroché dans son dos et l’empoigna fermement des deux mains. Il le frappa au sol pour canaliser sa magie, ce qui fit aussitôt jaillir un faible halo de lumière tour autour de la faille. La réaction fut brutale : les ténèbres se concentrèrent en un point précis, tout près du bord près duquel Alexei se tenait.

- Un mécanisme de défense ? Peut-être est-ce un moyen de minimiser la surface de contact avec la lumière…

Il préférait formuler ses hypothèses à voix haute pour mieux les encoder dans sa mémoire — pas étonnant pour une pipelette comme lui. Le flot de sa pensée fut interrompu par un rebondissement inattendu, si toutefois on pouvait sainement formuler des attentes en ce qui concerne le Void : une ombre se faisait apercevoir au sein même de l’obscurité. Existait-il plus noir que le noir lui-même ? Alexei ignorait si c’était bien de son fait, mais la faille se résorba soudainement, ne laissant derrière elle qu’une forme ombrageuse à l’apparence humanoïde. Toujours sur ses gardes, le Mage interposa son bâton entre lui et elle. Le bout de son arme était illuminé par une vive lumière tout juste invoquée. L’ombre se matérialisa alors peu à peu pour prendre forme humaine.

- Arrière, démon !

Il ne croyait pas si bien dire. En une fraction de seconde, cet amas innommable était devenu reconnaissable. Une femme aux longs cheveux verts et au visage candide. Il la reconnut comme s’ils ne s’étaient jamais quittés.

- Erin ? Erin, c’est bien toi ?

Stupéfaction. Il ne sut comment réagir. Il aurait préféré affronter une vile force démoniaque du Void plutôt que d’être confronté si tangiblement à un fantôme. Comment était-ce possible ? Il l’avait vue, tomber non loin d’ici dans le gouffre, il y a un peu plus de deux ans. Les questions se bousculaient dans sa tête, et pourtant il n’arrivait pas à mettre de mots dessus, la seule sensation qui lui restait étant une totale incompréhension. Comment répondre à une question qu’on ne parvient pas à formuler ?

- Opaline. corrigea-t-elle simplement avec la légèreté d’un flocon se posant délicatement au sol.

C’était bien sa voix. Elle n’avait pas le même regard… et pourtant si. Il y retrouvait cette insatiable curiosité, comme si ses iris cherchaient à dévorer le monde tout entier pour mieux l’appréhender. Mais il y manquait quelque chose.

- Je suis vivante. ajouta-t-elle en souriant.

Ces mots sonnèrent comme un fracas tonitruant. Alexei en eut le souffle coupé : Erin était bien là, devant ses yeux ébahis. À lui parler, à le dévisager, à le toucher même. Sa peau était si froide, comme si elle venait de se baigner dans une eau glacée. Il se décida enfin à abaisser son arme.

- Qui est Erin ?

Elle n’avait pas l’air de plaisanter. Se pourrait-il que… Alexei en eut assez de réfléchir ; ses idées se bousculaient sans s’organiser, de toute façon. Il entrouvrit la bouche et entreprit ce qu’il savait faire de mieux : mettre des mots sur l’inconnu.

- Erin. Tu es Erin. Tu as grandi à Trois-Rivières. Un p’tit bout de femme toujours prête à tout pour en savoir plus. Tu aurais passé des nuits à m’écouter déblatérer des âneries. Mais tu les trouvais intéressantes, toi. Et tu… tu viens de sortir de cette chose. précisa-t-il en pointant du doigt ce qu’il y avait derrière elle quelques instants plus tôt.

Il se frotta le menton de son autre main quand il réalisa qu’il n’y avait plus rien de particulier à l’endroit qu’il montrait, comme s’il avait oublié que la faille s’était refermée. Cette noirceur... elle était toujours présente, là, quelque part. Si proche et si loin à la fois.

- C’est un miracle… Tu es un miracle. Mais… si tu ne te souviens pas d’Erin… et si tu dis t’appeler Opaline… Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ? Où étais-tu ? Pourquoi m’as-tu aband-… Pourquoi es-tu partie ? »

Une avalanche de questions qui l’avait probablement rendu encore plus anxieux que la personne à qui elle était destinée. Il se mit à se masser le front sans la quitter du regard. Aussi belle que dans ses souvenirs.

~

Un ciel sans nuage, le calme agité des quais de la capitale, la fraîche odeur de l’air de la rivière. Une matinée des plus classiques à Trois-Rivières. Alexei sourit devant ce splendide spectacle dont il se délectait tous les jours depuis des semaines. Une pièce sans limite dont les Ambriverains étaient les acteurs. Certains lui souriaient avec tendresse, d’autres se contentaient de regards froids. La vie, ses hauts et ses bas.

« C’est trop injuste que tu en sois privée… »

Sur le chemin du retour, il croisa une des servantes du temple. Vêtue d’une longue toge immaculée, celle-ci s’inclina au passage du Mage-prêtre. Des formalités avec lesquelles il n’était pas toujours très à l’aise, mais cette vieille nonne avait plus d’expérience que lui à cette hospice ; ses habitudes avaient la vie dure.

« Bonjour, mon père. J’ai rencontré la matrone de l’orphelinat au marché, elle souhaiterait vous voir cet après-midi. Une petite nouvelle qui a du mal à s’acclimater à l’ambiance mortifère du palais de la misère.
- Je vous ai déjà dit de ne pas l’appeler comme ça. Je tiens à cet endroit. Mais merci de m’avoir prévenu, Idrya. »

Être appelé "mon père" à vingt-quatre ans, voilà quelque chose d’autre qui le mettait mal à l’aise. En rentrant chez lui, dans la maisonnette qui bordait le splendide temple en pierre  qui trônait au milieu d’une artère de la ville, Alexei trouva Opaline affalée sur un fauteuil à feuilleter des manuscrits qu’il avait ramenés de Sombrelune.

« Salut, Opa’. J’ai fait quelques courses. C’était bondé chez le poissonnier… amorça-t-il en vidant son sac de courses. Le p’tit Timmy a encore essayé de me faire les poches en pleine rue, aussi. Je ne sais pas d’où il tire ses idées. Ses parents l’ont probablement arrosé d’histoires me concernant, ce qui expliquerait assurément pourquoi mes oreilles ont sifflé hier soir. Oh, et j’ai croisé Idrya. Il prit le soin de sortir une miche de pain frais qu’il lui tendit avec tendresse. Une manière subtile de préparer son estomac-sur-pattes préféré à entendre quelque chose qui ne lui plairait pas. Luna voudrait que je passe à l’orphelinat, tout à l’heure. C’est important, c’est pour aider une petite. Tu pourrais peut-être m’accompagner ?

À en croire son visage déconfit, la miche de pain déjà engloutie n’avait pas suffi.

- Je dois vraiment aller en ville ? Et si…

Puis elle se recroquevilla comme un animal apeuré. L’enthousiasme d’Alexei s’effaça dès qu’il la vit dans cet état.

- Et si on me reconnaît, Alexei ? Qu’est-ce que je dis aux autres, s’ils me voient ?

Ses doutes, ses craintes. Il ressentait tout aussi nettement que s’ils venaient de son être. Il prit une grande inspiration pour s’armer de motivation. Il n’avait pas envie de la brusquer, mais il avait assez entendu cette rengaine. Elle lui fendait le coeur autant que le premier jour, pourtant il se sentait résolu à la combattre.

- Dans une si grande ville… Tu as peu de chances de croiser des gens qui te connaîtraient au point de se poser des questions. De l’eau a coulé sous les ponts, en deux ans.

Étant donnée la fréquence à laquelle on le reconnaissait dans la rue et la robustesse de sa réputation de malfrat, même lui n’était pas convaincu par cet argument fragile. Mais, fidèle à lui-même, il s’était senti obligé d’exprimer le premier qui lui vienne en tête.

- Comment expliquer à mes autres proches que je ne suis pas morte ?

Il se mordit la langue en entendant ce dernier mot. Lui aussi, il l’avait crue morte. Il était le seul à la savoir vivante. Mais l’était-elle vraiment ? Quoi qu’il en fût, c’était égoïste de la garder pour lui tout seul.

- On a qu’à trouver quelque chose. Une histoire, un alibi, une excuse. reprit-il avec plein d’entrain. On pourrait dire que tu es partie en voyage. Un voyage qui s’est soldé par un accident. Un tragique événement dans lequel tu te serais cogné la tête. Et pouf, amnésique. Ça tient debout, non ?

Mouais. Peut mieux faire, Alexei. Le démon assis dans son salon s’était relevé pour lui adresser un maigre sourire. Elle n’était pas plus satisfaite que lui par son argumentation.

- Je suis désolée. dit-elle en le regardant avec des yeux humides en posant sa main sur le dos de la sienne. Je suis. Vraiment désolée.

Elle ne sortirait pas. Pas s’il continuait à faire montre de si peu d’imagination. Se sentait-elle coupable de quelque chose ?

- Tu n’as pas à t’excuser. Tu n’es pas responsable de ce qui t’est arrivé.

« C’est faux ». Cette pensée passa brièvement dans son champ de conscience, comme une vive piqûre de rappel qu'Erin avait sciemment sauté dans le gouffre. Il préférait soigneusement la tenir à l’écart de cette vérité pour éviter qu’elle ne culpabilise davantage. Il se disait aussi qu’elle aurait plus de mal à se remettre sur pieds si elle pensait ne pas avoir toute sa tête.

- Écoute… Cet orphelinat est très spécial pour moi. Ça a toujours été un lieu sûr, qui m’a maintenu à l’écart du tumulte de la ville. Comme un cocon d’amour duquel je ne suis sorti que lorsque mes ailes furent prêtes. Tu as probablement besoin de ce genre d’endroit pour t’envoler à nouveau. Je me sens redevable envers eux, tu le sais. Je travaille régulièrement avec Luna. Ce n’est pas la matrone que j’ai connue, étant petit. Mais elle est tout aussi bien. Tu gagnerais beaucoup à la rencontrer, et je serais si heureux de te la présenter. Tu ne peux pas rester éternellement ici à broyer du noir alors que le monde regorge de choses et de gens que tu ne connais pas. Si l’excuse du voyage qui a mal tourné ne te plaît pas, envisage au moins d’autres perspectives.

Il serra ses doigts avec les siens et vint recouvrir sa main de la sienne, comme pour la protéger. Jamais il ne laisserait quelqu’un lui causer du tort. Jamais.


Opaline

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Sujet: Re: Ma main au creux de la tienne — Opalexei;   Mar 25 Aoû - 16:08

Ma main au creux de la tienne
Je suis Erin.

Elle arque un sourcil, interrogative. Ses prunelles dévisagent l’homme qui lui fait face. Il a l’air de la connaître. De très bien la connaître, même. Mais il ne revient pas dans sa mémoire. Son visage ne lui évoque rien. Opaline ne voit que des traits, de grands yeux indigo et des cheveux blancs. Mais il n’y a rien dans sa mémoire. Pas d’écho. Pas de bribe. Rien.
Ce vide incessant qui la rattrape. Qui lui rappelle que rien n’a changé. Sa sortie des Enfers n’est peut-être qu’un mythe. Ce monde n’est peut-être qu’une illusion.

Son visage se tord dans une mimique de douleur et de peine entremêlées. Je suis Erin. Cette pensée tourne encore et encore dans sa tête, sans trouver de logique. Sans trouver de place. C’est comme un songe inaccessible, qu’on caresse du bout des doigts et qui n’a de cesse de s’échapper. Elle aimerait comprendre. Elle aimerait retrouver Erin au fond de sa mémoire. Ce serait tellement plus simple. Il aurait peut-être l’air moins déconfit. Plus heureux ?

« Je suis Erin. »

Les mots tombent sans conviction. Opaline essaye de s’y habituer, de leur donner une réalité. La formulation n’y fait rien. Ils sont toujours incompréhensibles, illogiques. Ils n’ont toujours aucune substance.
C’est le vide. Encore, toujours le vide.

Néanmoins, dans les paroles de l’inconnu subsistent toujours des réalités. Dans ses mots existent des vérités qu’elle ne peut nier. Un sourire étire ses lèvres. Elle ne dit rien, mais elle écoute. Cet homme la connaît, c’est certain. La fille qu’il décrit ne semble pas si éloignée de celle qu’elle pense être, bien qu’elle ne se reconnaisse que dans certains traits caractéristiques, non dans l’identité qu’il lui attribue.

Erin, le miracle. Erin, l’amnésique ? Opaline, la fille revenue de nulle part, qui ne se souvient de rien.
Qu’a-t-elle fait ? Pendant combien de temps, aussi ? Où était-elle ? Pourquoi être partie ?

« Je suis partie ? »

La verte penche la tête. L’incompréhension se lit sur son visage. Qu’est-ce qui s’est passé, ici ? Qui est cet homme, qui vient d’un avant qu’elle ne retrouve pas ?

Je suis Erin. Elle l’est, peut-être, mais ces mots ont de moins en moins de sens. Ils s’effacent dans sa mémoire, perdent toute leur logique. Elle n’est pas Erin. Ou peut-être. Peut-être pas ? Qui est Erin ?
Opaline refait le chemin dans sa tête. Une fille qui, apparemment, voulait toujours en savoir plus. Pousser la curiosité plus loin, bien plus loin.
Un spasme la secoue, d’une violence inouïe. Elle maîtrise son corps, reste sur place. Il y a ces images qui défilent dans sa tête. D’infimes lueurs, qui s’élèvent et meurent aussitôt. Une lumière fugace, qu’elle ne parvient pas à atteindre.

La démone inspire profondément, tente de retrouver une contenance.

« Je veux toujours en savoir plus. Je veux bien écouter tes ‘âneries’, comme tu dis. Je suis sûre que tu as plein d’histoires à raconter. »

Un sourire, plus timide cette fois. Une mimique posée sur ses lèvres, alors qu’un combat acharné se lance dans sa tête. Sa santé mentale contre son trauma. Elle a juste envie de lui prendre la main, la serrer très fort, en lui disant de se taire. En lui disant de ne plus ouvrir la bouche. Parce qu’il y a toutes ces images, là, qui apparaissent et disparaissent. Ça va, ça vient, mais ça ne reste jamais.

Opaline secoue la tête. Elle regarde derrière elle, cherche la « chose ». Encore une fois, il n’y a rien. Comme si toute leur rencontre n’était qu’une succession de petits riens. Une succession d’absence. La désincarnation de leur réalité.

« Je ne suis pas sûre de pouvoir te répondre. Je ne sais même pas ce qui s’est passé. »

Inspire. Expire.
Inspire encore. Plus fort. Inspire jusqu’à ce que tu aies l’impression d’être plus forte.
Expire le mal qui comprime tes poumons. Expire-le, fais-le disparaître.
Inspire.


Les iris ambrés se perdent dans les indigo. Elles s’y posent un instant, trouvent autant de peine que de joie. Il a l’air perplexe de la voir. Nerveux ? Il frotte son front.
Ça aussi, ça tilte dans sa mémoire. Ça lui donne mal à la tête. Pourquoi est-ce qu’il lui fait si mal, alors qu’elle ne sait même pas de qui il s’agit ?

Je suis Erin.

« Je ne me souviens pas être partie. Je me souviens … Je me souviens du vide. De la douleur. Je me souviens d’un monde sans couleur, sans saveur. Je me souviens de l’Enfer. Mais Erin, je ne m’en souviens pas. »

Opaline inspire. Mais rien n’y fait. Ça bloque. Ça cogne dans sa tête, ça cogne dans son cœur. Ça cogne partout. Et ça lui fait extrêmement mal.
Il y a trop de questions qui se succèdent, trop d’interrogations auxquelles elle ne peut pas répondre. Elle a envie de lui dire d’arrêter, sans le lui dire. Quelque chose au fond d’elle lui dit qu’il faut qu’il continue. Qu’il lui montre la voie. Pour qu’elle puisse comprendre.
Pourquoi est-ce que comprendre fait si mal, ceci dit ? Pourquoi faut-il encore que son monde tourne ? Que le marteau tombe sur sa tête ?

Son visage se tord un peu plus dans la peine. La peur abonde sur ses traits, déforme son sourire. Opaline a envie de fuir. Ses émotions se mélangent, sans qu’elle ne puisse les trier. Tout va trop vite, beaucoup trop vite.

« Arrête. »

Son cœur accélère. La démone a l’impression de mourir une nouvelle fois, le souffle court. Les informations dans sa tête sont trop nombreuses, beaucoup trop nombreuses. Il faut qu’elle fasse le point, pour comprendre, pour aller mieux.

« Je. Je suis Erin. Je viens de Trois-Rivières ? C’est quoi, Trois-Rivières ? Combien de temps suis-je partie ? Pourquoi est-ce que tu as l’air de me connaître ? »

Opaline déglutit lourdement. Qui ? Quoi ? Pourquoi ? Comment ? Et c’est qui, lui ?

Le monde tourne à une vitesse qui ne lui convient pas. Elle bascule, manque de tomber. S’écrase sur l’homme qui vient de la retrouver.
Son odeur inonde ses sens, perturbe un peu plus son esprit. Quelque chose lui dit que ce parfum lui est familier. Il est là, lointain, tout au fond de sa mémoire. Quand elle s’en approche, le souvenir vacille et disparaît. Une nouvelle bribe perdue, qui la torture un peu plus.
Inconsciemment, Opaline s’est mise à pleurer. De chaudes perles salées, qui roulent à toute vitesse sur ses joues. Elle a mal. Mal à la tête, mal aux poumons, mal au cœur. Mal à l’âme de faire souffrir cet homme dont elle n’a aucun souvenir.

« Opaline. Je suis Opaline. Je ne me souviens de rien. »

Ses mains viennent chercher les bras du mage, pour les serrer doucement. Une manière de s’ancrer dans la réalité. De se rappeler que tout ira bien.
Que le marteau ne tape plus sur sa tête.
Ce monde n’est plus le même. Ce n’est plus l’Enfer. C’est autre chose.

Opaline pose la tête sur son torse, reste immobile. Les battements de son cœur ralentissent. Si les larmes continuent d’inonder son visage, elles sont pourtant moins nombreuses, moins rapides. La crise se calme.

« Je suis désolée. »

***

Alexei est très fort pour les grandes nouvelles. Plaisantes ou non, il parvient toujours à les diluer. Il parle tellement que ses histoires enrobent constamment le reste. Cette fois, c’est le fait d’aller à l’orphelinat. Mais Opaline ne veut pas y aller. Même contre une miche de pain, même contre le meilleur poisson de tout Ambrive. Elle ne veut pas mettre le nez dans une si grande ville. Trop de risques, beaucoup trop de risques.

Ça la met mal à l’aise. La démone a l’impression de laisser Alexei seul face à ses responsabilités. L’impression constante de l’abandonner, seul face à un monde gigantesque. Un univers dans lequel Opaline ne veut pas mettre un seul orteil, de peur que quelqu’un sache qui elle est.

Son pactisé n’a pas tort, néanmoins : en deux ans, beaucoup de choses ont changé. Les gens ont pu partir, d’autres ont pu arriver. Certains l’auront totalement oubliée. Cet argument se tient, oui, mais il ne se tient qu’à moitié. Si d’autres l’ont oubliée, certains s’en souviennent. Après tout, Alexei en est l’exemple vivant. Il sait exactement qui est Opaline, qui elle était en revenant. Il ne l’a jamais effacée de sa mémoire. Il a peut-être nourri sa peine, un peu plus chaque jour, en se rappelant encore, toujours, qu’elle était morte, qu’elle ne reviendrait plus. Jusqu’à ce que sa bouille surgisse de nulle part, au phare où sa vie avait pris fin.

Mais Alexei ne lâche rien. Alors que la verte s’apprête à le contredire, il la rattrape, l’empêche de poser des mots sur ses doutes. Il n’y a qu’à trouver une histoire. Quelque chose à dire pour apaiser la curiosité extérieure, pour que plus personne ne lui pose la question. Ça pourrait se faire, oui. Mais ses histoires sont bancales. Personne n’accepterait un tel bobard. Opaline secoue la tête.

Il la rassure comme il peut, lui rappelle que tout cela n’est pas de sa faute.
La démone cille. Ce n’est vraiment pas de son fait ? Sa mort ? Son retour à la vie ? Pourtant, elle est persuadée qu’elle joue un rôle dans ces deux événements. Son retour n’a rien d’anodin : sa course dans les Enfers se résumait à chercher une sortie. Son but, pendant ces deux ans, était aussi simple que ça : s’extirper des ténèbres. Évidemment, elle n’aurait jamais pensé que cela la mènerait dans le monde des vivants, encore moins droit dans les pattes d’un homme qui ne la connaissait que trop bien. Néanmoins, c’est de sa faute, c’est indéniable.

Opaline se mordille la lèvre. Il a tort. Pourtant, il se bat. Il fait des pieds et des mains pour aller à contre-sens de ses doutes. Pour la pousser vers la lumière.
L’orphelinat est important pour Alexei. Il y a vécu bien des histoires et, au fond, il est persuadé que la matrone, Luna, pourrait apporter quelque chose à la démone. Il serait heureux qu’elles se rencontrent.
Opaline penche la tête, reste perplexe. Il y a trop de choses à questionner dans ce qu’il lui dit. Trop de zones d’ombre. Ceci dit, elle ne peut pas le contredire : il faut qu’elle sorte. Rester dans sa propre cage, ainsi, finira par l’épuiser. Le lac, les alentours, toutes ces choses n’auront bientôt plus aucun intérêt pour elle.
Un soupir.

« Alexei … »

Un sourire triste. Une mimique de joie en demi-teinte, rattrapée par ses propres démons. Il a raison. Elle ne peut pas le contredire.
Mais elle a si peur.

« Je sais que je dois sortir. Que je ne peux pas rester cachée là trop longtemps. Surtout si je veux découvrir de nouvelles choses. Je sais tout ça. »

Elle entrelace doucement ses doigts autour de ceux d’Alexei. Comme toujours, il semble être son point d’ancrage dans la réalité. Il est l’être le plus rassurant qui soit, dans les mots, dans les gestes. Dans le regard.
Opaline inspire longuement.

« Je veux bien essayer. Si tu es là, je veux bien y aller. »

Les mots s’échappent timidement. Son cœur bat à toute allure, alors qu’elle les prononce. Elle a l’impression que le monde va se dérober sous ses pieds, qu’il ne restera plus rien pour la tenir. Jusqu’à ce qu’elle referme son emprise sur la main d’Alexei. La panique reste contrôlée, face à un rempart impossible à dépasser.

Opaline va chercher au fond d’elle pour trouver un sourire, suivi d’un rire franc.

« Par contre, il va falloir trouver autre chose que ton histoire. Parce que personne ne croira ça ! »

Sa voix est plus douce. Il semble que toute sa peur se soit noyée dans son amusement. Ce n’est pas tout à fait réel et, au fond d’elle, Opaline a envie de mettre la tête sous l’oreiller pour ne plus en sortir. Mais Alexei veut l’emmener. Alexei veut qu’elle découvre ce monde auquel, finalement, elle appartient autant que les autres.
Il n’a pas tort. La pousser ainsi lui permettra de se réintégrer, de réapprendre à vivre, pour finalement reprendre sa quête de savoir. Ça ne commence pas facilement, ça prend du temps, c’est difficile, mais c’est en mettant un pas devant l’autre qu’elle y parviendra.
Comme pour sortir de l’Enfer.

Sa deuxième main se pose sur les leurs, ses prunelles se mêlent aux iris indigo.

« J’ai disparu peu après que tu sois parti en mission. Nous sommes partis ensemble, tu es revenu seul. Si je me souviens bien de ce que nous nous sommes dit, c’est comme ça que tout a … commencé ? Que tout s’est fini ? »

Opaline secoue doucement la tête.

« Nous n’avons qu’à dire que je me suis enfuie ? Que je ne suis pas vraiment morte ? J’ai trouvé quelque chose qui a attiré mon attention et je suis partie. Puis, un jour, je suis revenue et je n’avais plus aucun souvenir. Ce n’est pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. »

Elle hausse les épaules.

« L’avantage, c’est que je n’ai pas besoin de raconter quoi que ce soit, si je ne m’en souviens pas. Pas besoin de prétexter un coup sur la tête, ni d’imaginer une histoire farfelue. Je suis partie deux ans, quand je suis revenue je n’avais plus aucun souvenir, ni de mon départ, ni de mon retour. Je suis juste arrivée, là. »

Les images défilent dans sa tête. Au fond c’est presque pareil que ce que lui a dit Alexei, en étant plus vague encore. Opaline considère qu’une histoire se crée de deux manières différentes : soit elle est exhaustive et elle doit être aussi précise que possible, sans omettre un seul détail ni en contenir d’étrange ; soit elle est vide. Les gens ont tendance à vouloir soit l’un, soit l’autre. S’il n’y a rien à raconter, pourquoi gratter davantage ?

« Ça ne satisfera peut-être pas tout le monde, mais c’est probablement mieux que rien … »

Opaline inspire longuement.
La peur est revenue. Les doutes. Les hésitations. Faut-il vraiment sortir ? Faut-il vraiment s’aventurer loin de son cocon ?
Elle détourne le regard.

« Mon cocon à moi … mon cocon à moi, c’est toi, Alexei. »

Un murmure, prononcé du bout des lèvres.
C’est ici, sa maison. C’est ici qu’elle veut se réparer. Qu’elle veut réapprendre à vivre. C’est ici que tout aura lieu, alors pourquoi chercher ailleurs ? Pourquoi tenter de défier ses craintes ?
Opaline fait la moue. Elle inspire une nouvelle fois, expire aussi longtemps. Son cocon, c’est lui. C’est cet endroit. Ce qui lui déplaît, c’est que c’est parce que c’est Alexei qu’il a autant de pouvoir. Elle pourrait lui dire non, fuir, mettre un terme à tout ça. Continuer de faire la forte-tête pour ne pas sortir, mais c’est une demande. Ce n’est pas un caprice. C’est une requête, un désir réel. Alexei veut l’emmener voir le monde. Il veut qu’elle rencontre la matrone.

Opaline relève les yeux.

« Ne me lâche pas, d’accord ? »

Ne me laisse pas tomber.
Ne fais pas la même erreur que moi, je t’en prie.





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